Politique
L’Angola, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud ont changé de président. Le duo Katumbi-Tshisekedi a fait bouger les lignes sur la scène internationale. Une candidature de Kabila à la présidentielle fait craindre le pire.
Les pays du cœur de l’Afrique ont entamé ces dernières semaines un ballet diplomatique intense sur leur continent mais aussi aux Etats-Unis et en Europe. Au centre de ce va-et-vient : la situation en République démocratique du Congo (RDC) qui doit se diriger vers des élections présidentielle, législatives et provinciales le 23 décembre prochain. Le scrutin présidentiel, au centre de toutes les attentions, aurait dû se tenir en décembre 2016 selon la Constitution ratifiée par le président Kabila en 2006. Mais par manque de volonté politique et parce que le Président Kabila voulait s’accrocher au pouvoir mais n’avait pas le moyen de ses intentions, le scrutin n’a pu être organisé.
Après avoir tenté, en janvier 2015, de modifier une Constitution qui n’autorise que deux mandats successifs, ce qui a provoqué une vague de violence meurtrière à Kinshasa, majorité et opposition se sont retrouvées en novembre 2016 autour de la table des négociations sous l’égide des évêques catholiques (Cenco). Une conciliation qui a permis au pouvoir de passer le cap du 19 décembre (date constitutionnelle pour la tenue de la présidentielle) sans trop de casse. Cette négociation a abouti à l’accord de la Saint-Sylvestre qui accorde un délai supplémentaire au pouvoir pour organiser des élections libres, transparentes et inclusives. Il prévoit notamment la libération des prisonniers politiques, la fin des poursuites contre les opposants ou encore la « libération » de l’espace médiatique, confisqué jusqu’ici par le pouvoir.
Depuis, la seule véritable avancée est le calendrier électoral publié par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Un calendrier largement battu en brèche par le pouvoir en place qui montre toute sa mauvaise volonté pour organiser un scrutin au-dessus de tout soupçon, ce qui entraîne la colère de l’opposition et les craintes chez les neuf pays voisins qui entrevoient le risque d’une explosion de violence dans ce pays de 80 millions d’habitants.
Changement de têtes
Pourtant, malgré cette crainte, les voisins et les autres pays de la région sont demeurés attentifs mais amorphes pendant de longs mois. Il a en fait fallu attendre que certaines têtes changent à la tête de ces Etats d’Afrique centrale et australe pour qu’un léger mouvement s’esquisse. En six mois, trois présidents ont été priés de faire leurs valises. La valse a commencé en Angola où Eduardo Dos Santos a cédé le relais à João Lourenço. Une succession en douceur entre membres du MPLA, le parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays. Deux mois plus tard, c’est l’inoxydable Robert Mugabe qui a été poussé vers la sortie par son ancien vice-président Emerson Mnangagwa, dans un scénario qui avait tout d’un coup d’Etat de palais. En février 2018, Jacob Zuma, le président sud-africain, arrivé au terme de son second mandat, a tenté de faire élire son ancienne épouse pour garder les rênes du pouvoir. L’ANC en a décidé autrement et a porté à la présidence Cyril Ramaphosa. A chaque fois, le parti au pouvoir a gardé la main mais avec des inflexions et des « amitiés » bien différentes.
Du côté de l’Angola, Dos Santos avait déjà mis en doute la capacité de Kabila à éviter une déstabilisation de la RDC. Lourenço, son successeur, ancien ministre de la Défense, ne fera qu’accentuer la critique, notamment face aux dizaines de milliers de réfugiés chassés du Congo et venus chercher refuge en Angola suite à l’explosion de violence dans les Kasaï. La perte de Robert Mugabe (qui avait aidé à l’installation du clan Kabila au pouvoir) et plus encore de Jacob Zuma (partenaire du Président hors mandat dans plusieurs affaires juteuses en RDC) a été très mal vécue à Kinshasa.
Kagame à la tête de l’Union africaine
Dernière étape régionale de ce basculement, l’arrivée à la tête de l’Union africaine du président rwandais Paul Kagame. Le Rwanda a été le principal sponsor de la Kabilie, profitant de ce « parrainage » pour se servir dans les richesses géologiques de l’Est de la RDC. Mais au fil des mois et des ans, le protégé a commencé à agacer. « Le président Kabila est considéré comme un sale ket, comme vous dites chez vous, explique un diplomate de la région sous couvert d’anonymat. Il exaspère tous ses voisins, il joue les matamores sans avoir les moyens de son attitude, explique-t-il. Kagame comme Museveni [le président ougandais] ont perdu confiance dans la capacité de Kabila à gérer le désordre interne. Ce ne sont pas des enfants de chœur, tant qu’ils pouvaient tirer profit d’une RDC friable, Kabila les intéressait. A partir du moment où ils ont plus à perdre qu’à gagner de cette situation, Kabila est devenu un problème ».
L’ «Ensemble » de Katumbi
Encore fallait-il que ces voisins, mais aussi les nations qui comptent, puissent identifier des leaders potentiels de demain. « Pendant très longtemps, l’opposition politique congolaise a été déconsidérée dans tous les cénacles internationaux. Ils étaient considérés comme des opposants puérils et corruptibles », poursuit un ex-ambassadeur américain en Afrique centrale. « La donne a été difficile à changer. Moïse Katumbi est indiscutablement au centre de ce changement de perception, explique un autre ancien diplomate de la région. Depuis qu’il a quitté la Majorité présidentielle parce qu’il s’est opposé à la volonté de Kabila de s’éterniser au pouvoir, l’ancien gouverneur du Katanga n’a pas dévié de sa ligne ».
Moïse Katumbi, qui vit en exil depuis plus de deux ans et une condamnation surréaliste à trois ans de prison dans une affaire de spoliation d’immeuble à Lubumbashi, a frappé un grand coup en mars dernier en lançant sa plateforme politique à Johannesburg « Ensemble pour le changement ». L’ex-gouverneur a pris de court la Majorité présidentielle et a présenté un mouvement politique structuré, avec un état-major costaud, et un programme économique et politique élaboré.
Nationalité
Face au lancement de cette plateforme, la Kabilie pense disposer de l’arme atomique pour effacer Katumbi du paysage politique. L’homme a disposé de la nationalité italienne, or la loi congolaise ne reconnaît pas la double nationalité. Disqualifier Katumbi ? Pas sûr, de très nombreux élus congolais (plus d’un tiers du Parlement) disposent aussi d’une autre nationalité. Certains osent même poser la question de la nationalité du président Kabila. Le dossier est loin d’être clos mais il n’effraie pas les pays de la région à la recherche d’une alternative crédible et durable sur toute l’étendue de la RDC en cas de départ de Kabila.
Le duo qui finit de convaincre
Cette alternative, c’est un front de l’opposition autour de Katumbi. « Pour beaucoup, de Washington à Paris en passant par Pretoria, ce front se résume à un duo : Katumbi-Tshisekedi », expliquait déjà en février un politique angolais. Une fois encore, la Kabilie pense en finir rapidement avec cette menace. Kabila envoie des émissaires dans les capitales qui comptent. Son message : Tshisekedi sera le prochain Premier ministre congolais. Le chantage est nauséeux. Si Félix Tshisekedi accepte le deal, il pourra enterrer son père, décédé le 1er février 2017 à Bruxelles et toujours interdit de sépulture au pays.
L’UDPS reçoit l’autorisation de tenir un grand meeting politique à Kinshasa le 24 avril dernier. Une première pour un parti d’opposition. Le pouvoir a mis le champagne au frais. « Félix » va annoncer qu’il rejoint la majorité. Mais le nouveau patron élu de l’UDPS refuse ce jeu. Il reste dans l’opposition, main dans la main avec Katumbi. La digue n’a pas cédé, le ressac va fracasser les certitudes de la majorité et renforcer la conviction des pays de la région et des instances internationales. La RDC dispose d’une alternative crédible.
Le ballet diplomatique peut commencer. Il faut cette fois un front international pour faire pression sur Kabila pour qu’il respecte l’accord de la Saint-Sylvestre et la Constitution. Entre-temps, Kabila, sans le dire, est entré en campagne pour un troisème mandat qu’il entend faire valider par une cour constitutionnelle bâtie sur mesure. Encore un élément qui va jouer en sa défaveur. « Si Kabila veut passer en force, le pays risque d’imploser, explique l’ancien diplomate américain. Tout le monde l’a compris et personne ne veut de ce scénario. Le changement d’attitude du président Macron, très tiède jusqu’ici sur le dossier congolais et qui vient d’annoncer son soutien à un ‘plan régional’ qui irrite Kinshasa, démontre bien que la roue a tourné », conclut l’ex-diplomate.
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