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Le festival Visa pour l’image présente le travail de Diana Zeyneb Alhindawi sur les audiences de victimes de viols en RDC. Une série qui vaut à la New-Yorkaise le Visa d’or humanitaire du CICR.
Il y a cette image incroyable d’un personnage que l’on dirait échappé de La Guerre des étoiles. C’est une femme, victime comme des centaines d’autres des viols perpétrés en novembre 2012 dans la ville de Minova par des soldats des Forces armées de la République démocratique du Congo. Elle témoigne masquée, début 2014, dans un tribunal temporaire monté dans la localité. La photographe new-yorkaise Diana Zeyneb Alhindawi a suivi le procès et expose ses tirages dans le cadre du festival Visa pour l’image, à Perpignan. Une série qui lui a valu ce jeudi soir le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge.
Elles sont 47 à se rendre dans cette cour improvisée pour elles dans une école, à l’autre extrémité du pays que la capitale Kinshasa; 47 sur un millier environ de femmes, mais également d’hommes et d’enfants violés par les soldats congolais quinze mois auparavant. Elles ont caché leurs visages sous des étoffes noires, laissant apparaître les yeux ou rien du tout. L’une d’elles, en plus de la «cagoule», demande à parler derrière un rideau. Elles sont numérotées, pour préserver encore leur identité. «Ces femmes se sont cachées ainsi par crainte de représailles de la part des accusés, mais aussi par honte de ce qui leur était arrivé», déplore Diana Zeyneb Alhindawi. Celle qui a cousu cette dentelle noire sur ses yeux, sa bouche et ses oreilles, puis qui a recouvert ses mains, a par exemple été quittée par son mari lorsqu’il a appris qu’elle avait été violée, nous informe la légende du cliché.
Les 39 soldats accusés figurent à visage découvert sur les images de la photographe, l’air joyeux ou satisfait. «Ils n’étaient pas du tout gênés par ma présence. L’un m’a même sollicitée pour me demander de lui tirer le portrait.» A la fin des audiences, deux seulement ont été reconnus coupables de viols, dont un vieux militaire. «Celui-là nous a dit avoir été condamné parce qu’il était pauvre et âgé. Il répétait: «Emmenez-moi chez un médecin et il vous dira que je suis bien incapable de violer qui que ce soit.» Une vingtaine de soldats ont été condamnés à des peines de prison pour violation des consignes, pillages ou dissipation de munitions. Les autres ont été totalement blanchis.
L’issue du procès, bien que prévisible, a fortement déçu. L’avocat du collectif des victimes s’est dit «navré»: «
Pour la cour, il n’y a pas eu de viols à Minova.» Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a affirmé sa «déception». «Au moins ce procès a-t-il permis d’évoquer le sujet du viol, qui a toujours été et qui reste une arme de guerre, estime la photographe. On en parle très peu alors que cela arrive en permanence. Et que dire des hommes violés par des rebelles ou des soldats, ou des femmes violées par des femmes soldats? Ce sujet-là est encore plus tabou.»
Avant de se lancer comme photographe, Diana Zeyneb Alhindawi a travaillé des années dans l’humanitaire. Elle était coordinatrice pour Oxfam en République démocratique du Congo lorsque ont eu lieu les violences à Minova. «Tout le monde savait ce qui se passait. Souvent, ce genre d’affaires ne s’ébruitent pas, mais le monde avait les yeux rivés sur cette région, parce que les rebelles du M23 avaient pris la ville quelques jours auparavant. L’ONU a pressé les autorités d’entamer une action en justice.» Parce qu’elle se trouvait dans le pays au moment des faits, la New-Yorkaise d’origine irakienne tient à suivre les audiences. «
C’était aussi le premier procès sur la question des viols en RDC, une nouvelle manière d’approcher un sujet qui me tient à cœur. Et puis j’étais consciente que ces sortes de «déguisements» auraient un impact visuel très fort», explique la reporter.
Mais comment passe-t-on du statut d’acteur à celui d’observateur? «
Je trouvais trop de lourdeurs administratives dans le travail humanitaire; à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie, on perd le contact avec le terrain, souligne l’ancienne étudiante en neurologie, économie, développement international et histoire de l’art. C’est vrai qu’il a été difficile de ne plus être dans l’aide directe aux populations; il est très gratifiant de se dire que ce que vous faites sauve des vies. Mais j’estime que le travail de photographe apporte une aide indirecte. Il est important de faire connaître ces histoires aux gens. C’est une pièce du grand puzzle humanitaire.»
Pour la suite, Diana Zeyneb Alhindawi aimerait se consacrer au communisme en Roumanie, pays dans lequel elle a vécu enfant, à la communauté LGBT ougandaise ou encore aux Roms établis aux Etats-Unis. Pour avancer un peu le puzzle.
«Diana Zeyneb Alhindawi: Viols, procès de Minova», jusqu’au 13 septembre au Palais des Corts, à Perpignan, dans le cadre du festival Visa pour l’image.