Eugène Diomi Ndongala : "L’UDPS devrait être la boussole politique et idéologique de l’action du gouvernement, plutôt que l’accompagner dans ses dérives"

"Disciple" d'Étienne Tshisekedi et président national du parti politique Démocratie Chrétienne (DC), Eugène Diomi Ndongala, prisonnier politique sous Joseph Kabila, s'est confié à Media Congo Presse pour donner son point de vue sur la situation que traverse actuellement la République démocratique du Congo. Insécurité à l'Est, les chances du gouvernement Suminwa, tension à l'Udps... tout a été passé en revue.

Media Congo Presse : Depuis le début du 2e mandat de Félix Tshisekedi, l'Est de la RDC a sensiblement bougé. Avez-vous une solution magique à soumettre au président de la République ?

Eugène Diomi Ndongala : Je ne partage pas la logique belliciste qui se concentre exclusivement sur les avancées ou les changements de la ligne de front.

A mon humble avis, notre attention devrait se concentrer sur le sort malheureux des 7 millions des Congolais déplacés à cause du conflit politico-militaire qui frappe l’Est de la RDCongo ; les massacres de masse qui s’enchaînent au rythme hebdomadaire ; la ville de Goma qui est coupée de ses voies d’approvisionnement alimentaire.

La catastrophe humanitaire est tellement grave que le temps est venu de donner une chance à la paix.

La pacification de notre pays ne concerne pas exclusivement l’Est troublé de la RDC, mais l’ensemble du pays. Il est évident que les Congolais doivent se mettre d’accord pour renouveler le contrat social qui les lie à notre destinée commune.

La République démocratique du Congo a besoin de paix, stabilité et réconciliation nationale.

La population traverse une période sombre sur le plan social. Le gouvernement est mis en place mais rien ne va. Qu'est-ce qu'il faut pour que cette difficulté trouve une thérapie ?

J’étais choqué quand j’ai appris que la RDC est devenue le quatrième pays le plus pauvre au monde, selon les statistiques officielles du Fond Mondial International. Cette déchéance doit nous interpeller car notre population, dans sa large majorité, vit dans la pauvreté extrême. Un gouvernement qui ignore le cri de détresse du peuple ne mérite pas de le gouverner. Il faut revoir les priorités de la gouvernance du pays et surtout de la praxie gouvernementale.

Ce que j’ai regretté dans le programme du gouvernement actuel, c’est surtout la banalisation des problèmes socio-politiques qui sévissent en RDC.

Il faudra une politique d’austérité en ce qui concerne les extravagances des élites, qui profitent du plus de 60% du budget national, avec un train de vie extravagant par rapport à la pauvreté extrême de la majorité de la population congolaise. Le deuxième mot clé, à mon humble avis, est le lancement d’une politique de construction des infrastructures dont notre pays est dramatiquement déficitaire, et promouvoir l’investissement pour le lancement d’une industrialisation capable de produire de la richesse, donc stabiliser notre monnaie et de donner du travail à notre jeunesse désœuvrée.

Pour résumer, la solution serait l’austérité, l’investissement et la production locale.

Ces objectifs devraient être les priorités de l’action gouvernementale, dans un climat de volonté politique de rétablissement de la paix.

Êtes-vous sûr que le gouvernement Suminwa est capable de relever le défi ?

Aussi longtemps que les graves problèmes de la RDC ne seront pas diagnostiqués correctement, le pays continuera à faire du surplace. J’ai déjà souligné, dans ma critique du programme du gouvernement Suminwa, que la banalisation de nos problèmes ne nous aidera pas à relever les défis du développement. Je crains que le statu quo soit le principal défaut de la politique de l’actuel exécutif. Les élites continuent à se prévaloir de leurs privilèges sans oser regarder la déchéance générale qui les entoure, en dehors de la « République de la Gombe ».

Le train de vie extravagant des institutions budgétivores est maintenu.

Une politique « keynésienne » des infrastructures n’est pas sérieusement lancée et rien ne prouve que l’investissement soit favorisé pour lancer l’industrialisation de notre pays. Si nous ne produisons rien, ne vous attendez pas que notre monnaie puisse se stabiliser. L’inflation continue à ronger les marges des revenus les plus faibles. Bref, nous sommes toujours dans une logique de « gestion de pauvreté » de la majorité de la population congolaise plutôt que dans une logique de « développement et progrès social ».

L'UDPS dont le géniteur est votre père idéologique, traverse une zone de turbulences. Avez-vous un conseil à donner à Félix Tshisekedi, à Augustin Kabuya, à la partie Eteni Longondo et aux combattants ?

Quand j’avais rencontré le président Félix-Antoine Tshisekedi, à l’occasion de la mise en place de l’Union Sacrée de la Nation, je lui avais demandé de privilégier une direction « politique et idéologique » de cette structure, plutôt que le partage du pouvoir entre forces hétéroclites.

J’estime que ce même conseil vaut aussi pour la direction de l’UDPS.

Les actuels dirigeants de ce parti devraient avoir une mémoire historique du combat mené par l’UDPS et ses alliés, qui coûta le sang, la liberté et des sacrifices incommensurables à beaucoup d’entre nous, pour le lancement d’un processus de démocratisation en RDC, mais aussi pour concrétiser le développement et le progrès social.

Les antivaleurs qui frappent aujourd’hui la direction de ce parti sont les mêmes contre lesquels nous avons combattu, ce qui est aberrant !

L’UDPS devrait être la boussole politique et idéologique de l’action du gouvernement et certainement pas l’accompagner dans ses dérives.

Votre mot de la fin ?

Les Congolais, dans leur plus large majorité, ont l’impression que les actuels dirigeants sont au pouvoir pour se servir plutôt que les servir.
Donnons une chance à la paix et refondons le contrat social pour un grand Congo qui retrouve son unité et les vrais objectifs de lutte contre la pauvreté et le sous-développement.

C’est le prix à payer pour que la RD Congo retrouve sa fierté et la respectabilité dans le concert des nations.