Société
Les étapes futures du lobbying, a-t-il promis, seront communiquées à tous le moment venu.
Intervenant au nom du Programme Interbailleurs Médias pour la Démocratie et la Transparence (PMDT), Karim Bénard-Dendé a garanti à l’Omec et au Collectif 24 le soutien financier des bailleurs, dans le cadre du plan spécifique de renforcement des capacités des médias, des organes de régulation et d’autorégulation des médias, de la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. L’objectif des bailleurs, a-t-il confié, est de contribuer à l’émergence d’une société congolaise pleinement et correctement informée, dont les citoyens et les gouvernants seraient acquis à la culture de la transparence.
Pour un « Bureau national de veille informative stratégique»
Ministre honoraire de l’Information, Didier Mumengi a développé le sous-thème « Loi d’accès à l’information et l’accès au savoir ». Il a pris comme point de départ le cas du village de Mbamba-Kilenda, dans le territoire de Madimba, à environ 70 km de Kinshasa. Selon ce chercheur, c’est ici qu’en 1947, un administrateur belge avait été intrigué par l’art de guérir les plaies et les saignements par les plantes que pratiquait le chef de ce village. Ayant transmis chez lui en Belgique une information incomplète sur la « chose » qui soignait les blessures, des recherches approfondies ont fini par révéler l’existence d’une mine de cuivre à Mbamba-Kilenda. Cette découverte a conduit à des travaux en laboratoire qui ont confirmé les vertus thérapeutiques du cuivre sur plusieurs maladies.
Selon Didier Mumengi, en France, aux Usa comme en Grande-Bretagne, une grande campagne de cuivrage des hôpitaux est en cours, en vue de lutter contre les maladies que l’on attrape en milieu hospitalier. Cet exemple l’a amené à souligner que l’information complète, sourcée et achevée est le point de départ vers le savoir.
En RDC, a-t-il déploré, il n’existe pas de politique de collecte et de traitement des informations stratégies sur l’économie, le commerce, la recherche scientifique et technologique. Sous d’autres cieux, les services de renseignements fonctionnent comme des pools de production et de mise en œuvre des informations stratégiques en prise directe à la fois avec la sécurité nationale et le développement. La dimension de la traque aveugle des citoyens est largement dépassée.
Afin de combler le déficit national en informations stratégiques, capitales pour la construction et la modernisation de notre société, Didier Mumengi a préconisé la mise sur pied d’un « Bureau national de veille informative stratégique ». Il a recommandé également l’archivage des informations au niveau des institutions nationales ou provinciales, de l’administration publique, des services spéciaux, des médias, des établissements d’enseignement supérieur et universitaire, des entreprises publiques et privées, etc. Les intelligences, à son avis, devraient être mises à contribution avant la recherche des capitaux pour les projets de développement.
Sa grande déception est qu’en RDC, l’information est terriblement négligée. Par conséquent, le pays tout entier baigne dans la sous-information, un facteur très nocif au développement. A titre d’exemple, il a révélé que le pili-pili congolais est exporté au Gabon, mais par un citoyen du Congo/Brazzaville, qui s’approvisionne à partir de chez nous. Le label « made in Congo » est inexistant. Il y a nécessité de le créer, afin de booster la compétitivité industrielle et commerciale congolaise.
Considérant la loi d’accès à l’information comme l’un des fondements de la démocratie, de la bonne gouvernance, d’une société ouverte, de lutte contre une anti-valeur nationale comme la corruption, il a fait part de son appui sans réserve à l’initiative de l’Omec et du Collectif 24.
« Un peuple qui ne connaît pas s’aliène… »
Le professeur Kambayi Bwatshia a articulé sa réflexion autour de « La loi d’accès à l’information et la réécriture de l’histoire nationale ». Il s’est voulu tranchant dès le départ : « Un peuple qui connaît se développe…un peuple qui ne connaît pas s’aliène… ». C’était pour souligner son inquiétude autour du faible degré de la conscience historique en République Démocratique du Congo. Il a ainsi plaidé pour l’inculturation de l’histoire congolaise, car les manuels d’histoire encore d’usage dans nos écoles répondent à la vision coloniale de notre mémoire collective. Le Congolais est devenu une sorte d’appendice de l’univers, car sous-informé, oublié, négligé.
Cet historien a fait bouger la salle en relevant le déficit criant d’information dans la passation de témoins au sommet de l’Etat. Ainsi, il n’y avait pas eu de remise-reprise entre les chefs traditionnels et Léopold II, entre celui-ci et le Roi Baudouin, entre ce jeune monarque et le duo Kasa-Vubu/Lumumba, entre Kasa-Vubu et Mobutu, entre Mobutu et Laurent-Désiré Kabila, entre Laurent Désiré Kabila et Joseph Kabila. Selon lui, chaque changement de gouvernance s’est traduit par le « chaos » pour le pays, suite à l’absence d’informations au sujet de l’actif et du passif de la République entre sortants et entrants. La démocratie, encore de façade, devrait permettre de corriger pareille situation, de manière à impulser des « ruptures positives » de gouvernance, comme dans les Etats modernes et développés.
Les deux communications ont suscité un débat houleux, dont la flamme a été allumée par Thérèse Olenga, ministre provinciale de l’Education à Kinshasa, qui a suggéré à l’Omec et au Collectif 24 de multiplier les actions de sensibilisation, de façon que notre peuple intériorise la culture du respect de cette loi, sans avoir besoin d’un policier pour cela. Elle a cité, au passage, le principe de l’enfant unique en Chine, que les couples observent de manière mécanique, sans la moindre contrainte, de même que le respect, en Europe, de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Dans notre pays, on croit avoir le droit de tout faire dès qu’on a un projet, sans tenir compte des droits des autres, a-t-il déploré.
Quant au « chaos » permanent décrit par le professeur Kambayi dans le processus de passation des pouvoirs, elle a tenu à le relativiser. A son avis, la généralisation risque de fausser la réalité. Enfin, s’agissant du lien entre le droit d’accès à l’information et l’éducation, elle a suggéré que l’information soit entendue comme un sous-ensemble du secteur éducatif.
Les notions d’information orale et écrite, d’archivage, de libération de l’information, de savoir, de société transparence, de redevabilité des gestionnaires des affaires publiques… ont fait l’objet des éclairages d’intervenants tels que les professeurs Thierry Nlandu, Biyoya et Munkeni, rejoignant dans l’ensemble les orateurs sur la pertinence d’une loi d’accès à l’information dans l’environnement congolais.
Pour boucler la boucle, Polydor Muboyayi, président de l’Omec, a tenu à lever, pour la nième fois, l’équivoque au sujet du caractère inclusif de cette loi, laquelle concerne tous les segments de la société congolaise, même si les journalistes, compte tenu de leur mission traditionnelle de collecte, traitement et diffusion de l’information sont intéressés de manière spécifique. Pour expliciter son idée, il a cité l’exemple de la maman vendeuse de pains ou de fufu, qui a besoin d’être informée de la légalité et du bien-fondé de chaque petite taxe qui lui est imposée. Après l’atterrissage provisoire de la phase de sensibilisation autour du contenu de la loi d’accès à l’information, il faut se mobiliser encore, d’ici peu, pour participer à son enrichissement lors du débat relatif à son adoption au Sénat.
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