Politique
L'acquittement de l'ancien vice-président congolais et chef rebelle est intervenu quinze ans après les crimes commis par ses hommes entre 2002 et 2003. Ce long feuilleton judiciaire est donc quasiment parvenu à son terme. Condamné à 18 ans de prison en première instance, Jean-Pierre Bemba voit sa sentence annulée en appel.
D'abord, c'est un verdict très partagé qui a été rendu hier. Trois juges se sont prononcés pour l'acquittement, deux ont été formellement contre, ils sont allés jusqu'à parler d'« un jugement profondément erroné ». Mais comme l'a rappelé la présidente de la cour d'appel, un jugement peut se prononcer avec la majorité de ses membres, trois juges sur cinq suffisent.
Ensuite, ces trois juges ont décidé d'inverser le jugement de première instance car il était « sérieusement entâché d'erreurs », notamment d'erreurs de procédures. Selon la chambre d'appel, les juges de première instance n'auraient pas dû prendre en compte dans leur verdict les crimes ajoutés par le bureau du procureur après la notification des charges.
Mais surtout la chambre a estimé que ses collègues de première instance n'avaient pas suffisamment tenu compte dans la formulation de leur jugement d'un certain nombre d'éléments qui auraient pu être considérés comme des circonstances atténuantes ou démontrer une volonté de prévenir ou de punir les crimes commis : une lettre adressée aux autorités centrafricaines, la capacité réelle de Jean-Pierre Bemba d'obtenir de vraies enquêtes en Centrafrique.
Pour les trois juges de la chambre d'appel, la responsabilité pénale de Jean-Pierre Bemba, en tant que commandant n'est pas établie au-delà de tout doute raisonnable, d'où cet acquittement. A l’énoncé du verdict, le chairman, comme on le surnomme, est lui resté impassible.
« Je ne peux que déplorer que cet écart important et inexplicable de la jurisprudence de la Cour apparaisse dans la plus grave affaire de violences sexuelles et à caractère sexiste sur laquelle la Cour ait dû se prononcer », a déclaré la procureure de la CPI. Dans cette première réaction transmise par email aux médias, Fatou Bensouda fait part de son dépi.
La cour d'appel statue sur le procédé juridique et non les faits, ce que Fatou Bensouma souligne : « L'arrêt rendu aujourd'hui ne réfute pas le fait que les troupes de M. Bemba ont commis des crimes qui ont causé de grandes souffrances en République centrafricaine. Le carnage et les souffrances engendrées étaient bien réels et ne sont aucunement remis en cause. »
La procureure de la CPI se donne quelques jours pour analyser le raisonnement juridique de la cour d'appel avant de rédiger un communiqué officiel la semaine prochaine.
De son côté, la CPI se dit satisfaite. Pour le porte-parole de la CPI, Fadi el-Abdallah,c'est le signe que l'institution fonctionne et assure des procès équitables pour tous.
C'est un souvenir douloureux, comme beaucoup dans l'histoire de la République centrafricaine. En 2002, après bientôt de dix ans de pouvoir, Ange-Félix Patassé, est sur la sellette. Son ancien chef d'état-major, François Bozizé tente de renverser le vieux patriarche. Pour contrer cette tentative de coup d'Etat, Patassé fait appel au chairman, comme on l'appelle de l'autre côté de l'Oubangui. Là, ses milices, sous prétexte de mater le rebelle Bozizé, s'en prennent aux civils.
Pour Jean-Christophe, ce verdict est donc incompréhensible. « C'est lui le premier criminel en RCA, c'est lui qui a amené les Bayamoulengué pour détruire la RCA. Ils ont pillé les Centrafricains, ils ont violé les Centrafricaines. Concernant sa libération, moi je suis contre. »
A PK0, au coeur de Bangui, Sylvère est déçu et s'interroge sur le sens de la justice internationale : « Je ne vois pas la confiance en la justice, à chaque fois que les gens commettent des crimes, ils devraient répondre de leurs actes devant la justice et ils devraient subir leur peine. »
Après tant d'années d'impunité en Centrafrique, le cas de l'ancien vice-président congolais servait d'exemple. Tous ceux qui sont poursuivis par la justice internationale ici, doivent désormais bien rigoler faisait remarquer hier un membre du gouvernement, alors que 80% du territoire est toujours occupé par les groupes armés.
Bernadette Sayoest la présidente de l'Organisation pour la compassion des familles en détresse qui a pris en charge des femmes victimes du MLC. Elle ne mâche pas ses mots : « C'est un nouveau crime aujourd'hui. C'est extrêmement grave moralement pour les victimes. On fait confiance à un tribunal international et on en arrive là, je ne comprends plus rien. Chaque victime, l'Etat centrafricain, tout le monde attendait que la justice se fasse équitablement par rapport à la gravité des faits. C'est un chef, c'est un haut responsable [...] Est-ce que cela va aider les Centrafricains à espérer à une justice par rapport à la Cour pénale spéciale basée ici en Centrafrique ? » A-t-elle expliqué.
« Le gouvernement centrafricain et la population centrafricaine sont dans une grande consternation. Nous nous concerterons, nous, la partie centrafricaine, pour voir s'il y a des voies de recours. C'est un très mauvais signal qui a été lancé par la justice internationale. Dans notre pays, nous avons considéré que parmi les voies de retour à une paix durable [...], il y a la justice, les réparations. Des Centrafricains par milliers ont été lésés, se voient dénier cette justice. Cela pose un problème de confiance par rapport à la justice internationale, » a déclaré Ange-Maxime Kazagui, le ministre de la Communication et des Média et Porte-parole du gouvernement.
A l'issue du verdict, famille, amis, militants et partisans de Jean-Pierre Bemba ont chanté et dansé devant la Cour pénale internationale. Avec le sentiment que cette décision est une chance pour l'avenir du Congo. Pour ses partisans, l'acquittement de Jean-Pierre Bemba tombe à point nommé.
Au MLC, c'est la joie. A la sortie de l'audience à La Haye, Eve Bazaiba, la secrétaire générale du MLC ne dissimule pas son bonheur.
Le combat politique est relancé, se réjouit un autre cadre du MLC : « Il y a en RDC une crise de leadership très criante, les cartes seront redistribuées. »
C'est la même ferveur parmi les employés des entreprises privées de Jean-Pierre Bemba : « la joie est vraiment immense ! Notre chef Jean-Pierre Bemba est acquitté ! »
Valentin Gerengbo, président fédéral du parti pour la ville de Kinshasa, s'attendait à cette victoire judiciaire :« J'ai écrit un livre, et je prépare une thèse là-dessus. Je suis aujourd'hui le plus heureux car tout ce que j'avais projeté est ce qui vient d'arriver : Jean-Pierre Bemba n'est pas libéré, mais il est acquitté. »
Les partisans de Jean-Pierre Bemba Gombo sont convaincus que leur leader a encore des chances de jouer un rôle important dans la vie politique du pays.
L'opposition congolaise voit la présidentielle d'un autre oeil
L'acquittement de Jean-Pierre Bemba a été salué par l'opposant congolais en exil. « Aujourd'hui est un grand jour pour les Congolais », a commenté Moïse Katumbi sur Twitter. Pour lui, cet acquittement aura des conséquences sur la prochaine présidentielle.
Pour sa part, Valentin Mubake (UDPS) estime que l'acquittement de Jean-Pierre Bemba illustre « une arnaque politique qui s'est transposée au niveau de la CPI ».
Même du coté de la Majorité certains tenors on salué cette décision.
Ainsi, le député Pius Muabilu, patron du Congrès National Congolais (CNC) qui a manifesté sa joie. « Comme tous les Congolais, c'est un compatriote, je ne peux que m'en réjouir. Dire que l'opposition gagne ou ne gagne pas de poids, ça ne serait pas responsable de ma part. »
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Les supporters de Jean-Pierre Bemba sont sortis dans les rues de Kinshasa après le verdict de la CPI annulant la peine qui pesait sur leur leader, le 8 juin 2018. © JOHN WESSELS / AFP