Monde
Depuis son investiture à la présidence des États-Unis le 20 janvier, Donald Trump enchaîne décrets et réformes à bord d’un bulldozer lancé à la vitesse d’un TGV : coupes claires dans les services fédéraux à l’aide du DOGE dont la gestion est confiée à Elon Musk, durcissement des règles en matière d’immigration, rétropédalage en matière d’environnement, virages à 180 degrés en politique internationale allant jusqu’à déclarer que l’Union européenne a été conçue "pour emmerder les États-Unis".
Depuis 5 semaines, Donald Trump trace son boulevard. Où est passée l’opposition politique aux États-Unis, à commencer par les démocrates ? Est-elle "groggy" ou "KO debout" comme l’avancent certains experts ? Anatomie d’une opposition entre sidération et reconstruction.
Groggy ? Un peu, beaucoup…
"La particularité, c’est que l’on ne voit pas beaucoup l’opposition démocrate pour le moment, commente d’entrée de jeu le professeur d’histoire contemporaine de l’ULB Serge Jaumain qui dirige par ailleurs le Centre pour l’étude des Amériques AmericaS. C’est quelque chose que l’on voit rarement parce que même après une défaite électorale, normalement l’opposition se réorganise et tente au moins de se faire entendre".
Le professeur en relations internationales de l’Institut des sciences politiques de UCLouvain Michel Liégeois préfère qualifier l’opposition démocrate de "groggy" mais estime "qu’elle n’est pas pour autant inactive, ce qui s’est vu dans son attitude très combative lors des auditions des membres qui étaient proposés pour le gouvernement, dont beaucoup de profils posent des problèmes. […] C’était quand même des moments parfois assez pénibles pour les personnes concernées et pour l’administration Trump".
D’autres personnalités démocrates sont également sorties du bois comme l’ancien colistier de Kamala Harris à l’élection présidentielle Tim Waltz. Celui qui est également gouverneur du Minnesota a par exemple qualifié de "illégal, stupide, bouffon et enfantin" le gel du financement fédéral décidé par Trump.
Pointons également le sénateur du Vermont Bernie Sanders qui, même s’il siège comme indépendant, a toujours été proche du Parti démocrate. Il est très actif sur les réseaux sociaux, expliquant les décisions de l’administration Trump qui lui semblent les plus dangereuses. Il publie des courtes vidéos portant sur la politique intérieure américaine mais aussi sur le virage à 180 degrés opéré par Trump en politique internationale, comme ci-dessous à propos de l’Ukraine et des Européens.
Mais il y a un avant et un après 20 janvier 2025. Et si les interventions et les actions des démocrates sont relayées par une presse américaine malmenée par Trump, force est de constater qu’elles traversent moins l’Atlantique.
Quelle stratégie face à l’omniprésence médiatique de Trump ?
L’une des raisons d’un certain silence démocrate, c’est que Donald Trump a érigé l’occupation de l’espace médiatique en stratégie politique. Le président américain fait des déclarations tonitruantes et les met en œuvre, secondé par une équipe fidèle et solide. Dans ce contexte inédit, les démocrates "ne savent vraiment pas où donner de la tête". Ils sont marqués par leur défaite et semblent perdus et hésitants.
Les démocrates s’interrogent sur la stratégie à adopter : "Doivent-ils s’opposer systématiquement à chacune des mesures ou essayer de reconstruire le parti ? Généralement, après une défaite comme celle-là, il y a une sorte de moment d’introspection. Et on vient ensuite avec de nouvelles propositions, une nouvelle stratégie. Or, on sent que les démocrates sont assez désorganisés, divisés, ils ne savent pas exactement comment réagir. On a même le sentiment que la question de l’interprétation de la défaite n’est pas encore très claire", analyse Serge Jaumain.
L’absence de leadership
Ken Martin, président du Parti démocrate depuis le 1er février 2025.
Un autre point d’analyse est le manque de leadership au sein du Parti démocrate. Après la défaite de Kamala Harris à l’élection présidentielle, aucun leader ne se dégage. "Certains avaient pu penser que peut-être Kamala Harris reviendrait sur le devant de la scène, mais pour le moment, on ne la voit pas du tout. Et ce sont d’autres personnalités qui émergent, notamment le gouverneur de Californie Gavin Newsom. Mais on n’a pas un leader vers lequel les médias pourraient se tourner pour avoir la voix démocrate ", constate le directeur d’AmericaS.
En tout cas, pas dans l’immédiat… Qui sait en effet à quoi ressemble le nouveau président du Parti démocrate Ken Martin, élu le 1er février dernier ? Actuellement, le plus visible parmi les démocrates est sans doute Hekeem Jeffries, le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Mais est-il le boss comme pouvait l’être Nancy Pelosi, cheffe de file de la minorité à la Chambre à plusieurs reprises, au début des années 2000 et entre 2011 et 2019, avant de devenir présidente de la Chambre des Représentants ?
Le grand écart et un leader pour tous
Les démocrates vont devoir se trouver une personnalité alors qu’ils sont par ailleurs composés d’une aile droite et d’une aile gauche et que leur prochain leader devra représenter toutes ces composantes : "La société américaine est très polarisée et on voit que les républicains et surtout les trumpistes jouent beaucoup là-dessus. […] À partir du moment où le Parti démocrate a tenté de rester plus centriste (avec Joe Biden, Kamala Harris… ndlr), il s’est privé d’un discours aussi extrême, finalement aussi de l’extrême gauche", analyse Serge Jaumain.
Un peu comme si le discours centriste devenait inaudible dans la société polarisée américaine d’aujourd’hui et que le Parti démocrate avait intérêt à se rapprocher du monde ouvrier dont il a perdu une partie des voix. Le choix de Ken Martin pour diriger le Parti démocrate est d’ailleurs peut-être dicté par cette volonté-là, lui qui a annoncé sa volonté de renouer le lien entre les classes populaires et les démocrates. "Donald Trump et ses alliés milliardaires sont prévenus : nous allons les tenir responsables de dépouiller les familles de travailleurs, et nous les battrons dans les urnes", a-t-il déclaré à peine élu.
"Un parfait inconnu"
La question du leadership et de la reconstruction du Parti démocrate est d’autant plus fondamentale que le calendrier électoral américain est dense et qu’il devra être prêt pour les midterms, les élections de mi-mandat, prévues en 2026.
Y a-t-il le feu au lac ? "Le leader se construit à travers les primaires (chaque camp choisit celui qui le représentera à l’élection présidentielle, ndlr). Et c’est rare d’avoir quelqu’un qui émerge et qui est d’emblée le favori, précise le professeur en relations internationales de l’Institut des sciences politiques de UCLouvain Michel Liégeois. C’est même plutôt l’inverse ces derniers temps. Donald Trump lui-même, lorsqu’il s’est lancé dans les primaires, n’était pas du tout favori. Barack Obama, lorsqu’il s’est lancé dans les primaires, n’était pas du tout favori".
Autrement dit, dans ce paysage américain bouleversé, difficile d’imaginer que le leader capable d’incarner un espoir pour les démocrates sorte rapidement de l’ombre. Le chemin de la reconstruction ne sera pas simple pour le Parti démocrate.
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