Politique
C’est un secret de polichinelle ! Le changement ou la révision de la Constitution devient incontournable, au regard du contexte actuel et des réalités auxquelles le pays est confronté. Datée de 2006, cette constitution taillée sur mesure devient à ce jour obsolète. En dépit des modifications antérieures qu’elle a connues, l’actuelle constitution mérite inéluctablement une mise à jour ou une refonte, n’en déplaise aux parrains de l’actuelle loi fondamentale en vigueur en République démocratique du Congo, qui a montré ses limites. Le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, tout comme la majorité des Congolais, sont bien conscients des faiblesses que comporte la Constitution dite des « belligérants ». Le vœu commun est de voir l’actuelle Constitution être revisitée soit par les élus du peuple, soit par la volonté populaire à travers un référendum.
Cependant, il existe un courant politique opposé à cette démarche. Les partisans de ce courant politique, bien que conscients des faiblesses que représente l’actuelle Constitution, ne veulent plus entendre d’une quelconque modification d’un seul iota de la loi fondamentale.
Mais, ceux qui soutiennent la mise à jour constitutionnelle y voient la nécessité absolue, au regard du dysfonctionnement des institutions du pays. Ils constatent par exemple que, la corruption a élu domicile à l’élection des gouverneurs et sénateurs ; certains individus cumulent des mandats électifs et désignent les membres de leurs familles comme suppléants aux postes qu’ils ne sauraient cumuler.
En outre, comment imaginer l’incapacité juridique du président de la République, élu au suffrage universel direct, de sanctionner un gouverneur de province qui le représente pourtant dans cette entité et qui n’est élu que par une poignée de députés provinciaux du reste corrompus ?
Bien que conscients de toutes ces antivaleurs qui émaillent le processus électoral, les opposants au changement de la Constitution voient dans le message du président Félix Tshisekedi l’intention cachée de se maintenir au pouvoir après son deuxième et dernier mandat. En effet, leur attention est plus focalisée sur les articles dits « verrouillés » de l’actuelle Constitution. Notamment, celui relatif à la durée du mandat du président de la République, qui pourrait ainsi se représenter en 2028 pour briguer un troisième mandat, si la Constitution est changée. Il va de soi qu’un tel changement ne saurait être du goût de l’Opposition et des princes de l’Eglise catholique du Congo dont on connaît l’hostilité affichée vis-à-vis du pouvoir en place.
Entre changement et révision de la constitution
Dans ces débats médiatiques, certains parlent du changement de la Constitution, d’autres évoquent la révision ou modification. Ce qui n’est pas forcément la même chose. Il existe une nuance entre les deux termes, même si au finish, l’objectif demeure le même : améliorer la gouvernance ou faire progresser le pays par rapport à une situation antérieure que l’on estime présenter des failles.
Ainsi, qui dit changement de Constitution sous-entend qu’on en rédige une nouvelle. A l’inverse, une révision constitutionnelle est une modification de certaines dispositions contenues dans la Constitution. Celle-ci prévoit les conditions de fond et de procédure à respecter pour effectuer un changement ou une modification.
La révision peut faire l’objet d’une loi constitutionnelle adoptée par le Parlement, telle la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006. Mais, il peut aussi être fait appel aux électeurs pour adopter une révision constitutionnelle par référendum. Tel le référendum constitutionnel des 18 et 19 décembre 2005 ayant permis aux Congolais de voter sur la proposition de constitution de la Troisième République.
Qui peut changer la Constitution ?
L’initiative ou le pouvoir de modifier la Constitution revient soit au président de la République, soit aux membres du Parlement composé de deux Chambres.
Lorsque l’initiative vient du président de la République, sur proposition du Premier ministre, on parle d’un projet de révision, et si l’initiative venait de n’importe quel parlementaire, c’est-à-dire un député ou un sénateur, on est en présence d’une proposition de révision. Concernant les projets de révision, le président de la République peut décider soit de les présenter au référendum, soit de les soumettre au Parlement convoqué en congrès. Dans ce dernier cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée nationale et par le Sénat en termes identiques (pour un texte constitutionnel, l’Assemblée nationale n’a pas le dernier mot comme pour les lois ordinaires).
Rappel historique
La RDC a connu plusieurs textes constitutionnels depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale en 1960. Mais plusieurs modifications y ont été apportées. Une nouvelle Constitution dite « Constitution des belligérants » est promulguée le 18 février 2006 par l’ancien président Joseph Kabila, après l’adoption de son projet par le référendum des 18 et 19 décembre 2005. Bien que cette Constitution ne définisse pas expressément la forme de l’État, elle prévoit cependant un État « uni et indivisible » et un « régime semi-présidentiel ».
En janvier 2011, la Constitution du 18 février 2006 est révisée. Huit (8) articles sur les 229 ont été amendés, notamment les articles 71, 110, 126, 149, 197, 198, 218 et 226. C’est cette Constitution révisée de 2011 qui est actuellement en vigueur. Elle prévoit un système semi-présidentiel où le président de la République et le Parlement dominent la vie politique, mais avec un rôle prépondérant donné au second, contrairement au système présidentiel consacré dans les constitutions de beaucoup de pays africains.
Ainsi, au regard de l’évolution de la situation politique du pays, notamment les récents blocages qui ont paralysé le fonctionnement des institutions, il apparaît clairement que cette Constitution a montré ses limites. Et puisqu’elle prévoit et règle elle-même les conditions de sa révision (Article 218), la changer ne serait pas scandaleux, n’en déplaise aux tenants du statu quo. Changer ou réviser une constitution ne devrait donc pas être considéré comme un tabou. Œuvre humaine, la constitution est perfectible selon que les circonstances l’exigent.
« Une constitution est vivante : elle reproduit le cycle biologique. Elle naît, se développe et meurt », note le professeur et constitutionnaliste Jean-Éric GICQUEL. Et les raisons du changement d’une constitution peuvent être nombreuses selon les réalités vécues ou les problèmes à résoudre. Cela étant, la question n’est plus de savoir s’il faut ou non changer/réviser la constitution, mais plutôt de s’interroger sur l’opportunité de le faire. En outre, un changement de constitution peut aussi vouloir répondre à une crise institutionnelle – le régime d’assemblée – et à une crise conjoncturelle comme l’actuelle guerre dans l’Est de la RDC.
Les vieilles démocraties à travers le monde (USA, France, Angleterre…) ont eu à changer leurs constitutions pour l’adapter aux nouvelles réalités qui étaient les leurs. La RDC ne devrait pas faire exception.
En définitive, le débat démocratique autour du changement ou de la révision de la Constitution devrait permettre à l’opinion de se faire une idée sur l’opportunité ou non de cette démarche. Mais vouloir singulariser le débat autour d’un individu à qui on prête l’intention de s’éterniser au pouvoir, est un vrai-faux débat qui ne mérite pas l’attention de l’opinion.
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