Economie
CT Group, une société de lobbying liée aux Tories (le parti conservateur britannique), a accepté d'aider la société minière canadienne, First Quantum, à faire basculer les élections de 2011 en RDC, selon une fuite révélée par le journal britannique « The Guardian »
Des documents divulgués suggèrent que la société de lobbying, détenue en copropriété par le stratège du parti conservateur anglais Sir Lynton Crosby, a accepté d'aider First Quantum à influencer l’élection présidentielle de 2011 en RD Congo.
Les documents révèlent également que CT Group a aussi travaillé, en toute discrétion, dans une campagne de mobilisation politique en Zambie, au nom d'intérêts miniers, tout en œuvrant pour évincer le président de ce pays.
CT Group, une société de lobbying liée aux Conservateurs britanniques
Sir Lynton Crosby (à gauche), le copropriétaire de CT Group, avec l'ancien Premier ministre anglais, Boris Johnson, à la soirée estivale du magazine Spectator en 2019. (© Alan Davidson/Rex/Shutterstock)
Sir Lynton Crosby est considéré comme le cerveau d'une série de campagnes électorales des Tories dont les anciens Premier ministres : David Cameron, Theresa May et Boris Johnson. Au cours des dernières années, plusieurs anciens employés du groupe CT ont occupé des postes de direction au siège du parti et au sein du gouvernement.
Le plus récent était Mark Fullbrook, qui dirigeait auparavant la société de lobbying avec Crosby et qui a été Chef de cabinet à la Primature britannique au Downing Street jusqu'à la semaine dernière.
Les révélations sur le travail de CT Group en Afrique au nom d'entreprises clientes sont intervenues alors que la nouvelle direction du parti conservateur réfléchit à l'opportunité de retenir Isaac Levido, un autre associé de longue date de Sir Crosby, pour mener sa prochaine campagne électorale.
Les documents divulgués semblent montrer comment, entre ses travaux sur les campagnes électorales des conservateurs, le groupe CT a cherché à façonner les événements politiques dans plusieurs pays africains au nom de clients commerciaux disposant de moyen colossaux.
Selon un document, marqué « brouillon », CT Group a déclaré aux représentants de la société minière canadienne First Quantum Minerals que Crosby et Fullbrook travailleraient sur la campagne électorale de 2011 contre le gouvernement Kabila.
Les documents suggèrent que le groupe CT pourrait avoir gagné jusqu'à 1,2 million de livres sterling [NDLR : soit près de 1,8 million de dollars américains à l’époque] de frais versé par First Quantum pour ce qui, selon lui, serait un projet de sept mois, avec un bonus de 1 million de livres sterling [NDLR : soit près de 1,5 million de dollars américains à l’époque] disponible si le groupe CT atteignait certains objectifs.
Contacté au sujet des projets en Afrique, Mark Fullbrook a cherché à prendre ses distances avec le travail en déclarant que : « Ça ne me concerne pas. » Un porte-parole de CT Group a reconnu que l'entreprise avait « soutenu des campagnes dans plusieurs pays », dont la RDC, mais a nié que ce travail était secret ou antidémocratique.
Cependant, son travail soulève des questions sur l'éthique des consultants politiques cherchant à faire basculer une élection politique au nom d'une entreprise luttant pour la sécurisation de ses intérêts miniers conséquents dans un pays en développement.
« Une vraie opportunité »
En mai 2011, CTF Partners a fait savoir à First Quantum, que les élections de décembre représentaient « une réelle opportunité d'influencer l'avenir du pays »
Lorsque le gouvernement a dramatiquement révoqué les permis d'extraction de cuivre de First Quantum à la fin de 2010, la société a réuni une armée d'avocats pour contester la décision devant les tribunaux internationaux. Des mois plus tard, il semble s'être tourné vers CT Group pour obtenir de l'aide.
Des documents montrent qu'en mai 2011, CT Group – alors connu sous le nom de CTF Partners – a fait savoir à First Quantum que les élections de décembre représentaient « une réelle opportunité d'influencer l'avenir du pays ». « L'expertise et la discrétion de l'entreprise peuvent garantir que cette opportunité soit exploitée », ont promis les dirigeants de ce cabinet.
Pour « assurer le résultat le plus favorable possible » et « ajouter de la valeur » à First Quantum, la CTF avait déclaré qu'elle fournirait « un soutien direct à la personne la plus susceptible de battre le président » Joseph Kabila et mènerait une « activité indirecte » pour le saper de l'intérieur et en international.
Une autre partie du plan de la CTF proposait de discréditer le président de l'époque, afin de « créer un climat d'opinion » favorable à First Quantum qui encouragerait tout tribunal international à donner raison à la compagnie minière dans son différend juridique avec le gouvernement congolais.
Trois sources connaissant les activités de CTF Partners à l'époque ont déclaré que le cabinet de lobbying avait travaillé tout au long de 2011 dans une campagne centrée sur le déroulement des élections en RD Congo.
Joseph Kabila - qui à cette époque était le président – avait été accusé de corruption généralisée et de violations des droits de l'homme ; ce qu'il avait toujours nié. Finalement, le président sortant avait été déclaré vainqueur de la présidentielle de 2011 lors d'un scrutin que plusieurs observateurs internationaux avaient qualifié de peu crédible.
Les documents mettent toutefois en lumière, la manière dont les lobbyistes britanniques bien connectés étaient prêts à intervenir discrètement dans les processus politiques de la RDC dans une tentative apparente de faire avancer les intérêts commerciaux de cette grande entreprise internationale.
CTF a assuré à First Quantum que son travail serait effectué de manière confidentielle, s'engageant à « ne pas commenter sur le client ou les élections à moins d'y être explicitement autorisé ».
First Quantum n'a pas répondu aux multiples demandes d’interview à ce sujet de cette affaire et Mark Fullbrook n'a pas non plus répondu aux multiples demandes de précisions quant à ses négations de toute implication dans le travail du cabinet CTF en RDC.
Bis repetita en Zambie !
Le cabinet de lobbying a soutenu l'élection de l’opposant Hakainde Hichilema (d), un homme d’affaire qui aurait été favorable aux entreprises, lors de la présidentielle particulière de 2015 contre son rival Edgar Lungu (g)
Trois ans après la campagne en RDC, CTF Partners travaillait sur un autre projet politique secret, en Zambie voisine, où First Quantum est le plus grand producteur de cuivre et le plus grand investisseur étranger du pays.
Des documents suggèrent que le client de l'entreprise était impliqué dans le secteur minier et également actif en Zambie, mais il n'est pas clair si le travail était seulement lié à First Quantum.
Les dossiers suggèrent qu'en 2014, CTF a mené des sondages et des recherches sur des groupes de discussion en Zambie et a aussi fourni des renseignements politiques à son client pour savoir quel parti politique « aurait probablement une approche plus favorable et cohérente à l'égard du secteur minier ».
Une source familière avec le travail de ce CTF en Zambie a déclaré que le cabinet de lobbying est allé jusqu'à soutenir l'élection de l’opposant Hakainde Hichilema, un homme d’affaire qui aurait été favorable aux entreprises, lors de la présidentielle particulière de 2015 [NDLR : qui avait pour seul objet de déterminer qui achèvera le mandat de Michael Sata décédé en cours de mandat le 28 octobre 2014 à Londres afin de conserver un cycle quinquennal d'élections présidentielles et législatives simultanées]. Hichilema a dépassé les attentes (46,67% des voix) mais n'a pas réussi à obtenir la présidence - qui était alors revenu à son rival Edgar Lungu (48,33% des voix) ; il a toutefois été élu président de la Zambie l'année dernière.
Une partie du travail du cabinet en Zambie avant les élections est toujours active aujourd'hui. Selon les documents divulgués, l'entreprise a créé un site Web d'information en ligne dont elle se vantait d'être devenu « une voix indépendante faisant autorité ».
Le site « Open Zambia » continue de publier des articles. Il se décrit comme « la seule source d'information indépendante de Zambie » et annonce son rôle dans la « promotion de la transparence ». Le site, qui contient fréquemment des articles favorables à First Quantum, ne révèle pas qu'il a été créé par une société de lobbying basée à Londres.
Rien n'indique que le groupe CT se soit livré à des activités illégales au nom de clients du secteur minier.
Dans sa déclaration, CT Group a déclaré : « Ce n'est un secret pour personne que nous avons travaillé sur des campagnes électorales à l'échelle internationale et respectons strictement toutes les lois et réglementations applicables dans ces juridictions. [...] Nous avons soutenu des campagnes dans plusieurs pays, dont la RDC et la Zambie. Soutenir un candidat, qu'il soit sortant ou de l'opposition, dans une campagne électorale, c'est participer au processus démocratique. »
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Mark Fullbrook (c), dirigeant du cabinet CT Group et membre du cabinet du 1er ministre britannique, avec d'autres membres du personnel de la Primature britannique, écoutant la Première ministre Liz Truss, (© Justin Tallis/AFP/Getty Images)