Politique
Ce nouveau sommet est déjà une victoire symbolique pour Kim, qui entend bien arracher d'autres concessions aux États-Unis, sans reculer sur le nucléaire.
Le second sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un est sur les rails. Le leader suprême nord-coréen file vers Hanoï à bord de son train blindé, avec pour ambition de transformer l'essai diplomatique marqué à Singapour, en juin dernier en desserrant cette fois l'étau des sanctions qui étrangle sa fragile économie et asseoir sa stature internationale de dirigeant désormais « fréquentable ». Le lourd et luxueux convoi emportant Kim et sa garde rapprochée devrait atteindre la frontière vietnamienne dans les prochaines heures, après un périple de 4 500 Km à travers la Chine, avant de retrouver le président américain mercredi pour un tête-à-tête incertain sur la « dénucléarisation de la péninsule coréenne ».
Engoncé dans un manteau noir, le dictateur trentenaire a foulé samedi le long tapis rouge écarlate déroulé sur le quai de la gare de Pyongyang avant d'embarquer à bord de son célèbre train couleur vert olive, en compagnie de sa sœur Kim Yo-jong ainsi que du négociateur Kim Yong-chol. Un départ en fanfare relayé avec force par les médias officiels appelant Trump à saisir cette « opportunité historique ».
Des enjeux de propagande intérieure
Le choix du train, et d'un périple de soixante heures, comme moyen de rallier ce rendez-vous crucial s'inscrit dans la geste dynastique du régime. Le jeune dictateur marche sur les traces de son père Kim Jong-ill, qui détestait l'avion et avait parcouru la Russie et la Chine à bord de son train blindé, allant jusqu'à Shanghai, avant de mourir à son bord en 2011, selon la propagande. Son wagon est exposé comme une relique dans le monumental Palais du soleil, le mausolée où le « cher dirigeant » est embaumé aux côtés du fondateur de la dynastie, Kim Il-sung, dans ce lieu de pèlerinage sacré pour les 25 millions de Nord-Coréens, dans la banlieue de Pyongyang.
Ce train fait partie de l'imaginaire collectif national, et permet d'ancrer encore un peu plus le troisième des Kim, élevé en Suisse, dans la lignée ancestrale. Le train permet également d'afficher son indépendance vis-à-vis du président chinois Xi Jinping, qui avait prêté son Boeing 747 à son turbulent allié pour se rendre à Singapour. Il s'agit également d'une solution à une contrainte technique : l'avion personnel de Kim, de fabrication russe, n'aurait pas l'autonomie suffisante pour parcourir les cinq heures de vol jusqu'à Hanoï, et le train offre les meilleures garanties de sécurité, supputent les spécialistes.
Car la rencontre avec Trump répond d'abord à des enjeux de propagande intérieure pour le maître de Pyongyang. Ce nouveau tête-à-tête avec l'homme le plus puissant de la planète sonne comme une victoire pour le régime le plus isolé de la planète, à l'agenda nationaliste. Après avoir résisté aux GI durant la guerre de Corée (1950-53), puis aux sanctions internationales, l'État paria obtient une nouvelle reconnaissance spectaculaire, sous les flashes des médias du monde entier.
À la recherche de concessions économiques
Au Vietnam, Kim espère obtenir plus : un premier pas tangible vers la reconnaissance diplomatique, sous la forme d'une déclaration mettant symboliquement un terme à la guerre de Corée, ou, mieux, l'ouverture d'un bureau américain de liaison à Pyongyang. Il s'agirait d'étapes préalables à un traité de paix suivi de relations diplomatiques en bonne et due forme si les négociations sur la dénucléarisation progressent. Cette déclaration symbolique de la fin des hostilités, vide sur le plan juridique, permettrait à Trump de claironner un triomphe, annonçant « la paix » plus de sept décennies après la fin des hostilités. Un « storytelling » que l'hôte de la Maison-Blanche entonne avec insistance depuis quelques jours, comme pour mieux camoufler la faiblesse des progrès tangibles sur le nucléaire.
Mais, derrière les grandes déclarations, les visées du Maréchal sont plus prosaïques, sous la pression des élites et des généraux à Pyongyang. « La Corée du Nord cherche avant tout des concessions économiques. Dans ce régime, tout le monde veut de l'argent. Kim doit revenir avec quelque chose de tangible pour satisfaire les militaires sous peine de voir sa stratégie d'ouverture diplomatique menacée à terme », juge Mason Richey, professeur à la Hankuk University of Foreign Studies, à Séoul.
Le maintien des sanctions internationales jusqu'à la fin du processus de dénucléarisation est une ligne rouge de Washington, qui nourrit l'impasse des négociations depuis huit mois. Mais, depuis quelques semaines, l'administration Trump semble assouplir sa ligne alors que son nouveau négociateur, Stephen Biegun, multiplie les séances de discussion avec ses homologues à Pyongyang et, ce week-end, à Hanoï. Si les sanctions votées par le Conseil de sécurité devraient rester en place, des aménagements à la marge sont sur la table pour offrir un ballon d'oxygène à l'économie nord-coréenne, en récession l'an passé, selon la Banque centrale sud-coréenne. Une flexibilité encouragée par Pékin, et Séoul, qui espère relancer la coopération économique transfrontalière avec son frère ennemi.
La « dénucléarisation » au point mort
En retour, les États-Unis exigent un trophée tangible sur le nucléaire, à défaut d'une percée décisive. « Trump ne peut pas revenir les mains vides », juge Richey. Sous peine d'être la cible des démocrates maîtres du Congrès, qui l'ont peu applaudi lorsqu'il a annoncé son rendez-vous avec Kim à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union.
Tout reste à faire tant les positions sur le fond restent antagonistes. Pyongyang et Washington ne sont toujours pas d'accord sur la définition de « la dénucléarisation » inscrite dans la déclaration de Singapour, a même reconnu Mike Pompeo, le secrétaire d'État américain. Impossible d'arracher du régime une liste des sites sensibles, ou même une feuille de route pour guider la dénucléarisation huit mois après Singapour. « Le Nord suit sa méthode habituelle pour ralentir le processus en adoptant la tactique du salami : découper la négociation en multiples rondelles », juge Go Myong-hyun, expert au Asan Institute, à Séoul. Face à cette inertie, l'administration américaine n'a d'autre option que de réduire ses ambitions sous peine d'une rupture brutale qui sonnerait comme un échec pour le président Trump.
La fermeture du site atomique de Yongbyon ou le retour d'inspecteurs internationaux sur le site d'essai nucléaire de Punggye-ri, déjà fermé, font partie des concessions visées, faute de mieux. Déjà, Washington indique que d'autres rencontres au sommet seront nécessaires pour aller de l'avant. Donald Trump s'est dit « pas pressé » de dénucléariser, tant que Kim ne reprend pas ses tests atomiques. Presque un blanc-seing pour le dictateur. « Ils vont contourner les sujets les plus difficiles pour maintenir le processus diplomatique en route », prédit Richey. Jusqu'à la dernière minute, les négociateurs en coulisse tentent d'accoucher d'un accord le plus présentable possible.
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La première rencontre entre le dictateur nord-coréen et le président américain à Singapour en juin 2018 a tourné à l'avantage de Kim, selon les experts. (© DR)