Politique
A un peu plus de trois semaines de la présidentielle en République démocratique du Congo, le pouvoir kabiliste fait flèche de tout bois pour obtenir la levée des sanctions européennes qui frappent une série de politiciens et de militaires congolais, parmi lesquels Emmanuel Shadary Ramazani, candidat à la présidentielle congolaise depuis le 8 août dernier sous l’étiquette du FCC, la plateforme politique du pouvoir en place en RDC.
Le dauphin de Kabila, ministre de l’Intérieur durant les massacres aux Kasaï début 2017, est épinglé pour son rôle dans ces exactions qui ont fait plusieurs centaines de morts et jeté sur les routes des dizaines de milliers de civils kasaïens. Shadary était encore en poste quand les deux experts des Nations unies (Michael Sharp et Zaida Catalan) ont été exécutés le 12 mars par de pseudo rebelles Kamwina Nsapu. Il occupait toujours cette fonction lorsque la police n’a pas hésité à ouvrir le feu dans les églises lors des marches pacifiques organisées sous l’égide des évêques congolais.
Cette semaine, une enquête commune de cinq médias (dont RFI et Le Monde) a soulevé de nouvelles questions sur le rôle réel des autorités congolaises dans ces exactions du Kasaï. Les documents des Nations unies que ces médias ont pu recueillir montrent aussi clairement que les Nations unies savaient que Kinshasa était impliquée dans ces faits mais qu’elles ont préféré étouffer l’affaire pour ne pas contrarier le pouvoir congolais.
Aujourd’hui que Shadary est devenu le dauphin de Kabila, le pouvoir congolais exige la levée de ces sanctions. Dans une sortie récente, Kikaya Bin Karubi, conseiller de Joseph Kabila, explique que « pour démontrer sa neutralité dans le processus électoral, l’UE doit lever les sanctions contre Shadary ». Il poursuit, dans une interview diffusée sur DigitalCongo.net, en expliquant : « Nous sommes d’avis qu’imposer des sanctions à nos personnalités dont Emmanuel Ramazani Shadary, candidat à la présidence de la République, est une manière de s’ingérer indirectement dans le processus électoral, parce que les gens risquent de se poser des questions de savoir pourquoi Ramazani Shadary ne peut pas voyager en Europe (…). Nous estimons que pour cela l’Union européenne devrait éviter d’être taxée d’une organisation internationale qui s’ingère dans le processus électoral de la RDC. Et j’espère maintenant que l’UE prêtera une oreille attentive à notre demande. »
La candidature qui enlève toutes les tâches
Une rethorique qui assène des propos sans se soucier de la plus élémentaire vérité. L’Union européenne n’a jamais interféré dans la course à la présidence. Les sanctions contre Shadary, mais aussi contre Mende notamment, ont été prises bien avant la désignation de Shadary comme candidat à la présidentielle. L’obtention de cette casquette de candidat à la présidentielle suffirait donc à exonérer l’ancien ministre de la responsabilité de ses actes durant son passage à l’Intérieur? Toutes les personnes qui se retrouvent sur cette liste de sanctions pourraient donc être blanchies en payant les 100.000 dollars nécessaires à une candidature à la présidentielle. Pas cher payé quand vous êtes accusé pour avoir orchestré des massacres en série.
Kinshasa n’en démord pas, ces sanctions doivent être levée sous peine de mesures de rétorsions contre les Etats européens. Les proches du pouvoir se montraient même très confiants dans leur levée, certains des ministres de la Kabilie expliquaient dernièrement que « l’Espagne travaillait pour eux et même des élus belges »…
Nouvelles sanctions américaines ?
Pourtant, cette semaine, loin de cette arrogance congolaise, les élus de la commission des affaires étrangères de la Chambre des Etats-Unis envisageaient de nouvelles sanctions contre des responsables congolais pour les « responsabiliser » et les pousser à organiser des élections « vraiment libres et démocratiques.
« Prévoir des santions pour éviter de rater les élections du 23 décembre »
Dans l’interview sur Digitalcongo.net, le même Barnabé Kikaya Bin Karubi, interrogé sur la fermeture et la levée de la protection diplomatique de la maison Shengen à Kinshasa expliquait encore : « On ne peut pas nous demander la réouverture de la Maison Schengen alors que les causes qui ont conduit à sa fermeture sont encore présentes ». Argument imparable qui pourrait être repris à la lettre par les élus européen. « Pourquoi lever les sanctions contre Shadary alors que la situation en RDC n’a pas évolué ? » Dans son dernier appel, lancé ce 30 novembre à Kinshasa, le Comité Laïc de Coordination pointe d’ailleurs l’instabilité et les violences qui sévissent toujours dans de nombreux coins du pays.
Communicaton digne de l’extrême droite
Tout ce déploiement médiatique congolais a des relents digne de la campagne d’un Trump, des Brexiters et de l’extrême droite française ou hongroise. On flingue à tout va. On refuse les interviews ou les débats contradictoires pour pouvoir asséner toutes ses vérités sans risquer d’être contrarié, d’autant plus, en RDC, que les médias indépendants sont muselés et que seuls ceux qui sont aux ordres du pouvoir ont droit de cité.
Un peu plus tôt cette semaine, Albert Yuma, le patron des patrons congolais, le boss de la Gécamines, a illustré cette campagne qui consiste à accuser les adversiares des pires défauts, à amonceler les contre-vérités à l’écoeurement. Pendant plus de trois heures, dans les salons cossus de l’hôtel Pullman de Kinshasa, Yuma a ainsi lancé une offensive en règle contre les ONG qui colportent, selon lui, des « attaques malhonnêtes et scandaleuses contre la Gécamines ».
Il faut dire que le Centre Carter, Global Witness ou Enough Project ont multiplié les rapports sur la mauvaise gestion de la société et ses millions « égarés ». Se présentant en victime de ces méchantes ONG occidentales, Yuma a parlé de « l’activisme obsessionnel contre la Gécamines défendeur des intérêts congolais face au capitalisme mondialisé » et de poursuivre en expliquant le plus sérieusement du monde que l’objectif de ces ONG est de « travailler à la spoliation des ressources naturelles congolaises au profit d’intérêts étrangers ».
Le pouvoir congolais cherche à se refaire vite-fait une image de marque en se présentant en victime expiatoire de l’acharnement de l’Occident, ce qui évite à ces tenants du pouvoir, parfois en place depuis vingt ans, de devoir justifier leur manque de résultats dans la gestion d’un Etat devenu une des pires dictatures du monde et où le niveau de vie des habitants n’a fait que s’effilocher au fil des ans.
Non, l’Union européenne n’a aucune raison de remettre en cause son régime de sanctions contre Shadary et les autres personnalités pointées du doigt. Ce serait envoyer un message catastrophique aux Etats défaillants et aux dictatures de toute ordre.
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