Economie
C’est un diagnostic sévère et très critique que le Professeur Kabatu-Suila fait de la mauvaise santé économique de la République démocratique du Congo, à l’instar de ce malade se trouvant dans un état agonisant. En effet, dans une interview musclée qu’il a accordée à votre quotidien La Prospérité, Prof. Kabatu-Suila ne pèche pas en conjecture pour démontrer, noir sur blanc, que les différentes thèses doctrinales avancées par la Troïka stratégique pour vanter la performance du cadre macroéconomique du pays, n’est rien d’autre qu’une pilule amère qu’on fait avaler au peuple congolais.
Pour lui, en effet, la stabilité du cadre macroéconomique longtemps clamée est une INTOX. Tenez, comment le cadre macroéconomique peut se stabiliser, quand les principaux éléments qui le composent sont en déséquilibre permanent ? Se demande-t-il. Par principaux éléments de stabilisation, il sous entend : la croissance économique ; le plein emploi ; la stabilité des prix ou l’inflation et, enfin, l’équilibre de la balance des paiements. Aucun de ces indicateurs économiques traditionnels ne rassure en République démocratique du Congo.
Par ailleurs, dit-il, puisque le Congo est nourri de l’étranger avec la dollarisation, il est normal que l’inflation ronge le pouvoir d’achat des ménages. Un pays qui ne produit pas, qui n’exporte donc rien, ne peut recouvrer un équilibre de la balance commerciale et encore moins, au niveau de la balance des paiements que dans les rêves. La dollarisation de l’économie de la RDC est une conséquence du déséquilibre macroéconomique et monétaire de l’économie nationale. Lorsque l’économie nationale ira mieux, le phénomène dollar disparaîtra de lui-même.
Ci-dessous, le décryptage du fond de la pensée du Professeur Kabatu-Suila.
L’instabilité permanente du cadre macroéconomique en RDC
Professeur Kabatu Suila-Docteur Honoris Causa, met en doute la sincérité des membres de la Troïka stratégique, d’avoir maquillé pendant longtemps la vérité sur la mauvaise santé économique du pays, afin de faire avaler la pilule amère au peuple.
La Prospérité : Pr. Kabatu-Suila, depuis plusieurs mois et même des années, le Gouvernement affirme que l’économie nationale va bien et que le cadre macroéconomique est stable, êtes-vous de cet avis ?
Prof. Kabatu-Suila : Comment peut-on se permettre de chanter, et encore à haute voix sur la place publique, que la santé économique du pays est excellente, alors que tout indique le contraire. Je n’exagère pas. J’affirme avec preuves palpables, qu’économiquement, le pays va de plus en plus mal. En effet, du gouvernement d’Antoine Gizenga à celui d’Adolphe Muzito, le budget avait un peu augmenté ; mais avec le gouvernement sortant, même l’héritage d’Adolphe Muzito sur ce plan n’a pu être préservé, au contraire, il paraît qu’il descendra encore même de 7 milliards de dollars de l’an passé à 3 milliards de dollars américains.
Pros : Vous mettez donc en doute toutes les affirmations de la Troïka stratégique ?
Pr. KS : Absolument, le cynisme de la Troïka dite stratégique est allé même trop loin en jurant sur la place publique, sur l’Emergence du Congo en 2030, alors qu’aucun indicateur économique Traditionnel ne plaide en ce sens. La stabilité du cadre macroéconomique longtemps clamée est une INTOX. Car on peut se demander, comment le cadre macroéconomique peut se stabiliser, quand les principaux éléments qui le composent sont en déséquilibre permanent.
La Pros. : Quels sont les principaux indicateurs du Cadre Macroéconomique auxquels vous faites allusion?
Pr. KS : En économie publique, les quatre principaux indicateurs de l’économie publique, selon l’économie keynésienne, se qualifient de Carré Magique, il s’agit de :
La croissance économique, 2. Le plein emploi, 3. La stabilité des prix ou l’inflation 4. L’équilibre de la balance des paiements.
Rappelons pour une bonne compréhension, qu’un carré représente 4 côtés égaux, dès qu’un côté seulement désobéit à cette règle, la figure géométrique ne représente plus un carré.
En principe, il y a stabilité du cadre macroéconomique dès lors que les quatre éléments le sont chacun. Si un des quatre indicateurs n’est pas en équilibre, ou pas stable ; il n’y a pas de stabilité du cadre macroéconomique. Cependant, dans l’économie congolaise, des quatre indicateurs, aucun n’est, en équilibre, et encore moins stable.
La Pros. : Pouvez-vous démontrer qu’aucun des quatre indicateurs n’est ni stable, ni en équilibre?
Pr. KS : 1. La Croissance économique : on peut déclarer, vrai ou faux la croissance à deux chiffres, mais cette croissance s’exprime sur quel marché du pays pour que tout le monde sente qu’il y a réellement croissance ? Toute la cité se plaint, sur tous les marchés de la République, les biens sont de plus en plus chers. Pratiquement tous les biens de consommation courante importés coûtent moins chers par rapport aux biens produits localement : le ciment de Lukala est plus cher que celui importé, la Farine, le Poulet, de Bukanga Lonzo sont plus chers que les parallèles importés. Les maïs produits au Katanga sont plus chers par rapport à ceux importés directement de la Zambie, les haricots de Goma sont plus chers que ceux importés de l’Ouganda.
En fait, on vit grâce à l’importation. Pour vivre les Congolais travaillent pour les producteurs étrangers. Le riz est le 3ème aliment de consistance au Congo, mais il est importé à 85%. Donc, comme le riz national n’existe pratiquement pas, en achetant le riz étranger, les Congolais travaillent pour l’étranger… Le pétrole de Muanda est plus cher ou non consommable au Congo, alors en contrepartie les Congolais n’ont rien. Comment les mêmes unités des téléphones portables sont plus chers localement qu’ailleurs ? En effet, il y a quelques mois, 100U/Airtel coûtaient 1$, alors que 100$ valaient 80.000 FC. Il y a quelques temps maintenant, le prix de 100 U/Airtel qui valait 800 FC, a augmenté en Francs congolais et même en dollars. Désormais, le prix de 100 U/Airtel est de 1400 FC. Alors à qui la faute ? Donc cet indicateur n’est pas économiquement stable.
2e Le Plein emploi : C’est un problème d’utilisation des facteurs de production : les hommes, les machines, les usines, etc. Théoriquement, le plein emploi est en équilibre lorsque chaque personne qui désire travailler trouve un travail. Ce qui n’est pas le cas pour la RDC. Le Congo n’a plus d’usines pour engager les gens. Tout le patrimoine laissé par les Belges a été détruit. Entre les Présidents Joseph Mobutu et Joseph Kabila, le portefeuille de l’Etat qui comptait encore en son sein plus de 65 entreprises, par des opérations financières diverses, l’Etat ne possède plus aujourd’hui qu’une dizaine, comme la Snel ; la Regideso ; la Sonas ; l’Ogefrem, OCC, etc. Mais, les autres entreprises publiques ont disparu du Portefeuille de l’Etat, comme Air-Congo ou Lac, BAT, Office Congolais du Café, Zaïre Containers, etc.
Parmi les entreprises qui restent encore, la gestion est chaotique : des détournements et des corruptions sont légion, on arrête tous les jours les détourneurs et on les réhabilite aussitôt. Probablement à cause de l’incompétence des gestionnaires, le gouvernement est toujours tenté et négocie encore en douce pour la vente de quelques-unes et même les autres, voire pour Inga. Certaines entreprises publiques ou même privées, comme Orgaman ont disparu à cause de la multiplication des taxes et des tracasseries des agents de l’Etat, mais le nombre de sans-emploi, les chômeurs n’a fait que grossir.
Alors dans ces conditions, comment peut-on parler de l’équilibre et même de la stabilité du cadre macroéconomique, dès lors qu’un des indicateurs du même cadre macroéconomique est en déséquilibre ? De son côté la Fonction publique est dégraissée par la volonté du Gouvernement. Nous sommes en temps de crise, au lieu de créer de nouveaux postes dans la Fonction publique pour mettre les concitoyens à l’abri du risque et des difficultés, comme le font d’autres pays en temps de crise, en RDC, le gouvernement dégraisse la Fonction publique, en créant de plus en plus des démunis, des sans-abris, des pauvres...
Pourquoi ne pas payer les retraites et les primes de sortie aux différents agents de l’Etat retraités, afin qu’ils laissent leurs postes aux nouveaux diplômés ? Il y a de plus en plus des diplômés, mais de moins en moins de postes de travail. Donc cet indicateur n’est pas économiquement stable.
3e la Stabilité des prix ou l’inflation : Sur ce point, une longue démonstration n’est pas nécessaire. Il n’y a peut-être que les membres de la Troïka stratégique qui n’ont pas encore réalisé que l’inflation ronge le pouvoir d’achat des ménages depuis si longtemps. Puisque nous sommes pratiquement nourris par l’étranger, en 2012 pour acheter 100 $ américains, nous avions besoin de débourser 80.000 FC. Aujourd’hui, pour les mêmes 100 $US, il faut déposer au coin sur la table de l’agent de change plus de 140.000 FC. Alors prétendre qu’il n’y a pas d’inflation dans notre pays, n’est pas honnête et c’est même de la provocation. Donc cet indicateur n’est pas économiquement stable.
4e L’Equilibre de la Balance des Paiements : Un pays qui ne produit pas, qui n’exporte donc rien ne peut recouvrer un équilibre de la balance commerciale et encore moins au niveau de la balance des paiements que dans les rêves. Les plus courageux diront que la RDC exporte les minerais ! Mais ils oublient de se souvenir que la GECAMINES n’existe plus. Les étrangers et les privés qui ont acheté des carrés miniers n’exportent pas pour le compte de la République et, par conséquent, les devises qu’ils encaissent, c’est aussi pour leurs caisses privées. En ce qui concerne les taxes à l’exportation, Dieu seul sait quel chemin elles prennent, si elles sont réellement versées…. Donc cet indicateur n’est pas économiquement stable.
Au regard du comportement de chaque indicateur du carré magique, il n’est pas difficile, même pour les aveugles, de voir que la stabilité du cadre macroéconomique écriée publiquement par la Troïka stratégique n’est pas soutenable.
Un exemple plus simple : Si une table de cuisine fabriquée avec ses 4 pieds, perd la stabilité ou l’équilibre d’un des 4 pieds, cette table continuera-t-elle à rester équilibrée ou stable ? On parlera de la stabilité du cadre macroéconomique si chacun des quatre indicateurs reste équilibré et par conséquent stable.
La Pros. : Selon le confrère Le Potentiel, le gouverneur de la Banque centrale serait surpris du niveau aussi élevé de dollarisation de l’économie nationale et se demanderait même comment dédollariser notre économie ? Pour sa part, le ministre de l’économie du Gouvernement Matata sortant pensait lui que la dédollarisation de l’économie nationale passerait par l’affichage systématique des prix de biens en vente, en Francs Congolais. Alors selon vous, quel est le remède à cette situation ?
Pr. KS : La dollarisation de l’économie de la RDC est une conséquence du déséquilibre macroéconomique et monétaire de l’économie nationale. Lorsque l’économie nationale ira mieux, le phénomène dollar disparaîtra de lui-même. Nous devons agir sur la production de l’économie nationale, la solution n’est pas ailleurs.
En son temps, le Président Laurent-Désiré Kabila avait déjà essayé, grâce aux conseils de certains collègues professeurs moins qualifiés, de chasser le dollar américain de notre économie par la force. Mais son fils Joseph qui lui avait succédé, avait lui finit par comprendre avant terme, que le dollar sera lié au sort de l’économie nationale malade jusqu’au jour où l’économie nationale sera guérie pour laisser la place à la monnaie nationale.
Mais malheureusement, depuis, l’économie nationale n’a cessé de plonger et aucun gouvernement depuis n’a été apte à arrêter l’hémorragie. L’économie nationale n’est pas comparable à une boxe asiatique, où tous les coups sont permis. Il faut agir selon la logique économique des urgences et des priorités, mais en respectant également et scrupuleusement les préséances, sinon, on sera en désaccord avec elle.
D’une façon générale, le rôle que joue la monnaie dans une économie nationale d’un pays est comparable à celui que joue le sang dans un corps humain. Quand le corps est sain, le sang l’est aussi, quand le corps devient malade, le sang ne peut pas rester indifférent. Comme je l’ai démontré en ce qui concerne la dépendance de notre économie à l’extérieur, la monnaie nationale, le Franc Congolais, étant inconvertible, la dollarisation de notre économie sauve la face de l’économie nationale.
Autrement dit, si aujourd’hui il n’y avait pas de dollars dans notre pays, dans notre économie, comment les Congolais pourraient-ils acheter du riz, manger du pain, acheter du pétrole et autres articles vitaux comme les médicaments, voyager à l’étranger… l’inconvertibilité de la monnaie nationale impose à elle seule la présence du dollar américain dans notre économie. Donc, le dollar n’est pas une mauvaise chose dans notre économie, une chose détestable, au contraire, il est même, le bienvenu.
Le dollar n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin de lui.
Pr. KABATU-SUILA Docteur Honoris Causa
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