Provinces
Le come-back de l’ancien président congolais, prévu en territoire rebelle, interroge sur ses intentions réelles de reprendre le pouvoir. Un retour qui signerait la légitimation du M23, alors que Kinshasa lance une procédure judiciaire contre Joseph Kabila et suspend son parti politique.
Encore une mauvaise nouvelle pour Félix Tshisekedi. Alors les rebelles du M23, appuyés par le Rwanda, occupent toujours les villes de Goma et Bukavu et que les multiples initiatives diplomatiques patinent, Joseph Kabila est annoncé à Goma, ce qui n’est pas encore officiellement confirmé. En exil depuis décembre 2023, le retour de l’ancien président congolais en territoire rebelle serait une nouvelle épine dans le pied de Félix Tshisekedi et complexifierait la délicate équation d’un retour à la paix dans l’Est du pays. Pourtant, ce retour n’aurait rien d’une surprise. Il a été préparé méthodiquement depuis plusieurs mois, en commençant par la restructuration de son parti, le PPRD, laissé en jachère depuis les élections de 2018. L’ancien président a ensuite savamment distillé sorties médiatiques et rencontres avec des opposants, comme Moïse Katumbi ou Claudel Lubaya.
« Implosion imminente »
À chacune des tribunes au vitriol de Joseph Kabila dans la presse, il en a profité pour s’en prendre à son successeur, dont il qualifie le régime de « tyrannique ». Selon lui, « l’implosion est imminente », et « si le problème congolais n’est pas traité en profondeur, la crise persistera bien au-delà du conflit avec le Rwanda. » En retour, Kinshasa n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier Joseph Kabila qu’elle accuse d’avoir instrumentalisé la rébellion pour reprendre le pouvoir par la force. Pour Félix Tshisekedi, « Kabila est derrière le M23 ». D’ailleurs, Corneille Nangaa, le coordonnateur de l’AFC, la branche politique de la rébellion, n’est autre que l’ancien président de la Commission électorale (CENI), et un fidèle de l’ex-chef de l’État.
Perquisitions et poursuites judiciaires
Le retour d’exil de Joseph Kabila à Goma, en territoire rebelle, après un crochet par Kigali, qui soutient les rebelles, est un pari risqué qui semble confirmer la thèse de Kinshasa qui associe l’ancien président au M23 et au Rwanda. Ces derniers jours, les autorités congolaises ont tenté de prouver la collusion entre le prédécesseur de Félix Tshisekedi et la rébellion en perquisitionnant plusieurs de ses propriétés pour y trouver des preuves matérielles du soutien de Joseph Kabila au M23. Ce week-end, le ministère de la Justice a demandé à l’auditeur général de l’armée congolaise d’engager des poursuites judiciaires contre l’ancien président et le ministère de l’Intérieur a décidé de suspendre les activités de son parti, le PPRD.
« Une collusion d’intérêts » entre Kabila et le M23
Pour le politologue Christian Moleka, le retour de Joseph Kabila continue d’interroger. « L’ancien président entretient un grand flou, et l’opinion à Kinshasa ne comprend pas bien la lisibilité de sa démarche. Est-ce qu’il va assumer le statut que Kinshasa veut lui coller de parrain de la rébellion ? Cela paraît peu vraisemblable. Par contre, il y a collusion d’intérêts entre l’ancien président et l’AFC-M23, souligne le coordonnateur de la Dynamique des politologues congolais (DYPOL). Les rebelles ont d’abord réussi à estomper les initiatives de changement constitutionnel qui se mettaient en place à Kinshasa. Ensuite, ils ont forcé le pouvoir à une décrispation politique envers certains opposants, et à accepter une logique de dialogue ».
Kabila l’imprévisible
Quel rôle peut désormais jouer Joseph Kabila ? Ses proches confient qu’il serait de retour « dans une dynamique de paix », et ont annoncé que le Raïs consulterait des membres de l’AFC-M23 pendant son séjour à Goma. L’ancien président est-il revenu pour initier une médiation dans le conflit à l’Est ? Ses relations avec Paul Kagame sont à géométrie variable et ses liens avec le M23, qu’il a combattu en 2012, sont loin d’être clairs. Souhaite-t-il consulter l’ensemble des forces politiques pour un dialogue interne ? Pour quelles finalités ? Peut-il rejoindre l’initiative des Églises catholiques et protestantes ? Selon Christian Moleka, il est trop tôt pour répondre à ces questions : « Kabila n’est pas quelqu’un de prévisible. Il l’a montré par le passé ». Au sein de la société civile, on garde un bien mauvais souvenir des années Kabila : tripatouillage électoral, répression sanglante, corruption et prédation… l’ancien maître du Congo, qui a gouverné 18 ans sans partage, ferait davantage partie du problème que de la solution.
Une légitimation de la rébellion
Pourtant, dans l’incertitude politique créée par le chaos sécuritaire à l’Est, un espace politique existe bien entre le M23 et Félix Tshisekedi. Joseph Kabila espère pouvoir s’y glisser, dans le rôle du rassembleur. D’ailleurs, avec Moïse Katumbi et Martin Fayulu, ils sont tous les trois favorables à la dynamique de dialogue initié par les Églises, CENCO et ECC associées. Mais il y a un hic selon Christian Moleka. « Son arrivée à Goma, en terre rebelle, risque de rendre perplexe des opposants, comme Martin Fayulu, qui vont s’interroger sur la nature de son rapprochement avec le M23. La question du Rwanda et du soutien étranger est très sensible et largement utilisée par le pouvoir pour décrédibiliser l’opposition ». Pour le politologue, le come-back de Kabila, signe pourtant un tournant important dans la crise congolaise. Car, s’il reste de nombreuses zones d’ombre sur les intentions réelles du Raïs, son retour d’exil à Goma constituerait une légitimation de la rébellion. « Lorsqu’un ancien chef d’État, sénateur à vie, va s’installer dans une zone occupée par un mouvement rebelle, cela légitimise la contestation qui se met en place contre Kinshasa ».
Le code à 7 caractères (précédé de « @ ») à côté du Nom est le Code MediaCongo de l’utilisateur. Par exemple « Jeanne243 @AB25CDF ». Ce code est unique à chaque utilisateur. Il permet de différencier les utilisateurs.
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Les plus commentés
Politique Partenariat stratégique RDC-USA : Félix Tshisekedi attendu ce jeudi à Washington
29.04.2025, 15 commentairesPolitique Dossier Matata Ponyo : Kamerhe accuse le président de la Cour constitutionnelle de violer la Constitution
30.04.2025, 13 commentairesPolitique Corneille Nangaa : « L’AFC/M23 va continuer à se battre jusqu’au départ ou démission de Félix Tshisekedi »
30.04.2025, 13 commentairesPolitique Didier Mumengi invite Félix Tshisekedi et Joseph Kabila à une réconciliation "des braves" pour la paix de la nation
29.04.2025, 11 commentairesOnt commenté cet article
Ils nous font confiance