Politique
Il s’agit d’un effet boomerang que Joseph Kabila avait peut-être sous-estimé. L’ex-président congolais a déclenché une onde de choc avec sa tribune publiée dimanche dans le Sunday Times, dénonçant le « régime tyrannique » de son successeur, Félix Tshisekedi. Une sortie qui a provoqué une avalanche de réactions, entre indignation, moqueries et analyses stratégiques. Mais que cherche réellement Kabila en brisant un silence qu’il entretenait depuis 2019 ?
Le passé du « raïs » est trop encombrant pour donner des leçons de démocratie, bougonne une frange de Congolais sur la toile et dans les milieux politiques. La première vague de réactions a été sans appel. Nombreux sont ceux qui dénoncent une hypocrisie manifeste de celui que l’opposition avait surnommé : « Ayatollah », une personne aux idées rétrogrades qui use de manière arbitraire et despotique des pouvoirs étendus dont elle dispose. « Comment Kabila, qui a verrouillé l’espace politique, réprimé l’opposition et modifié la Constitution pour se maintenir au pouvoir, peut-il aujourd’hui parler de tyrannie ? », interroge un activiste sur X.
Certains rappellent les heures sombres de son régime, marqué par la répression brutale des manifestants. Le nom de Célestin Kanyama, ancien chef de la police sanctionné par les États-Unis, a refait surface. « Avant obima, osi otali photo ya mwasi na bana ? » (entendez : Avant de sortir pour manifester, as-tu regardé la photo de ta femme et de tes enfants ?). Cette phrase sinistrement célèbre, adressée aux manifestants anti-troisième mandat de Kabila, reste gravée dans la mémoire collective.
Honoré Mvula, membre du pouvoir actuel, y a embrayé sur X en affirmant que : « Le régime Kabila restera marqué par la terreur : tueries, massacres, fosses communes, exécutions d’opposants… Une page sombre de notre histoire que nul ne peut effacer ». Face à ces rappels, l’intervention du sénateur à vie apparaît pour beaucoup comme une tentative maladroite de réécriture de l’histoire.
Ratage communicationnel ou plan machiavélique ?
Si les uns crient à l’erreur de communication, les autres y voient une manœuvre finement orchestrée. Litsani Choukran, journaliste congolais, souligne l’ironie de la situation : « Lorsque Tshisekedi a accusé Kabila d’être derrière l’opposition armée, il a été moqué. Aujourd’hui, c’est Kabila lui-même qui le crédibilise ».
Aux yeux des autres analystes, la tribune de l’ancien chef de l’État n’a rien d’une improvisation. « Cet homme sait ce qu’il fait. C’est un félin politique. Il jette un morceau de viande dans une rivière infestée de crocodiles affamés… et observe », nous livre un expert en communication sociale.
Un moyen de détourner l’attention ou de tester le terrain avant un retour plus frontal ? Difficile de donner une réponse rapide. Toutefois, les éléments troublants ne manquent pas depuis quelques mois. Non seulement que le chef de file du Front commun pour le Congo (FCC) multiplie les rencontres avec ses anciens alliés et/ou adversaires. mais récemment, il a aussi huiler sa propre machine politique (le PPRD), avec de nouvelles nominations. « Cette tribune serait-elle le premier jalon d’une reconquête politique ? », se questionne-t-on.
Discours ambigu sur la rébellion du M23
Le point qui suscite le plus la polémique, c’est la position de JKK sur la crise dans l’est de la RDC, pays qu’il a dirigé pendant 18 ans. En 2012, à New-York, lui-même accusait clairement un voisin d’être le « véritable commanditaire du M23 ». Aujourd’hui, il adopte un ton plus flou, refusant d’imputer directement la responsabilité au Rwanda, la nation voisine dont il faisait allusion à l’époque. Avec cette volte-face, Kabila cherche à ménager certains acteurs régionaux ou encore tente simplement d’embarrasser son successeur, a laissé entendre Thierry Monsenwepo.
Kabila viole la loi sur les anciens chefs d’État
Au-delà des critiques politiques, un autre débat a émergé : Joseph Kabila a violé son obligation de réserve en tant qu’ancien chef d’État. La loi stipule dans son article 5 que tout ancien président doit faire preuve de « dignité, patriotisme et loyauté envers l’État et s’abstenir de révéler des secrets d’État ». Pour ses détracteurs, sa tribune constitue une faute grave. Mais ses soutiens, relativisent : « Il n’a fait qu’exprimer son opinion sur la situation du pays. Rien qui ne menace la sécurité nationale ».
Entre retour durable et feu de paille ?
Finalement, cette sortie marque-t-elle un véritable retour sur la scène politique même si pour l’instant, son entourage reste silencieux. Aucun de ses proches ne commente officiellement. Une posture intrigante qui alimente les spéculations. Certes Joseph Kabila n’a pas fini de faire parler de lui, comme le pensent ses inconditionnels, mais son message, loin d’affaiblir Tshisekedi, semble au contraire avoir offert au régime actuel une opportunité d’exhumer les dossiers sales et macabres de son règne.
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Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo @Photo Droits tiers.