Politique
L’idée d’une révision de la constitution fait son chemin en République démocratique du Congo.
Quelque temps à peine après sa réélection fin décembre 2023, au terme d’une campagne et d’un scrutin entachés d’un chaos indescriptible, Félix Tshisekedi, les membres de sa famille politique et quelques zélotes ont commencé à lancer des ballons d’essai pour envisager une révision de la constitution congolaise, texte qui a été avalisé par un référendum populaire et plus de 85 % de “oui” en décembre 2005.
Une constitution rédigée alors que la toute jeune République démocratique du Congo était en pleine transition politique après le renversement du régime Mobutu en mai 1997, l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila en janvier 2001 et l’installation sur le trône congolais du jeune Joseph Kabila. Une transition de trois ans qui a réuni autour d’une même table les anciens belligérants et la société civile dans un système inédit de 1 + 4 (1 président et quatre vice-présidents) qui a accouché de ce texte et lancé la Troisième république dans l’ex-Zaïre.
Depuis, quatre scrutins présidentiels ont été organisés sur base de ce texte (2006, 2011, 2018 et 2023).
Un travail de sape
Dès le mois de février dernier, quelques jours seulement après la prestation de serment du président Félix Tshisekedi pour son deuxième et dernier mandat selon cette constitution, les affidés de la présidence ont commencé un travail de sape. En première ligne, André Mbata, constitutionnaliste qui avait chanté les mérites de la constitution de 2006 avant, désormais, d’épingler “les limites de ce texte.” Dès février 2024, à l’occasion des 18 ans de la constitution de 2006, l’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique (IDGPA), dirigé par… André Mbata, devenu premier vice-président de l’Assemblée nationale, plantait le décor et interrogeait : “Les dispositions contenues dans la Constitution du 18 février 2006 sont-elles éternelles ou certaines devraient-elles plutôt subir des modifications pour s’adapter au contexte, à l’évolution des mentalités, aux besoins nouveaux de la société, ou pour anticiper les chocs du futur ?”
Une sortie qui a immédiatement fait réagir la maigre opposition politique et quelques ONG de défense des droits civiques qui voyaient dans cette sortie les prémices d’une prolongation de mandat pour l’actuel président.
Quelques semaines plus tard, en mai 2024, de passage en France et en Belgique, Félix Tshisekedi lui-même promettait la création d’une commission “pour réfléchir sereinement sur la manière de doter notre pays d’une Constitution digne”, qualifiant l’actuelle d‘”obsolète”, jugeant qu’elle faisait “la part belle aux belligérants”.
En cette période de rentrée politique, c’est Augustin Kabuya, le secrétaire général de l’UDPS, l’homme lige de Félix Tshisekedi, qui en a remis une couche en évoquant “une constitution des étrangers” et en expliquant, la main sur le cœur, que le président – qui dispose pourtant d’une majorité parlementaire de plus de 80 % – avait perdu du temps pour la mise en place des institutions et la formation du gouvernement, ajoutant que la dernière année du mandat était essentiellement consacrée à la campagne électorale. Bref, sur un quinquennat, le président congolais ne disposerait réellement que de trois ans pour appliquer sa politique. À l’UDPS, on n’a pas oublié non plus qu’en 2005, le leader du parti, Étienne Tshisekedi, avait appelé au boycott du référendum sur la constitution. Près de vingt ans plus tard, cet appel sert de moteur aux velléités pour revoir le texte.
Article verrouillé
Tout cet argumentaire semble taillé sur mesure pour lancer une réforme en profondeur de la constitution.
Mais l’assemblée nationale, très majoritairement entre les mains de l’Union sacrée de la nation (USN), la plateforme politique de Félix Tshisekedi, ne peut tripatouiller comme elle l’entend ce texte. En effet, les rédacteurs de la constitution congolaise ont pris le soin de verrouiller certains points. L’article 220 prévoit ainsi : “La forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel […] le nombre et la durée des mandats du Président de la République […] ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle”.
La constitution de 2006 a été révisée une fois en 2011 quand la famille politique du chef de l’État a obtenu le passage de la présidentielle de deux à un tour. En 2015, le clan de joseph Kabila avait eu des velléités de modifier ce texte pour permettre à son leader de prolonger son bail à la tête de l’État. Une volonté qui s’est fracassée sur la mobilisation de l’Église catholique, de milliers de manifestants et de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Grand Katanga, qui a osé lancer une campagne pour le refus d’un troisième mandat.
Un Moïse Katumbi qui, ces derniers jours, dans ce contexte politique instable et alors que son parti Ensemble pour la République a clairement répété son refus d’une modification de la constitution, vient de voir le patron des services du renseignement militaire, le général Christian Ndaywell, de nationalité belge, s’intéresser de près à certaines de ses installations, n’hésitant pas à laisser entendre que l’opposant politique pourrait être de mèche avec d’éventuels rebelles susceptibles d’attaquer le régime Tshisekedi au Katanga. Pour les katumbistes, il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’une première pression pour éviter toute sortie de l’ancien gouverneur contre cette éventuelle révision de la Constitution.
L’impossible référendum
Félix Tshisekedi, qui se trouve désormais dans son dernier mandat, jouerait avec le feu en lançant cette aventure. Le président de la République est soupçonné de chercher à remettre les compteurs à zéro comme l’ont fait plusieurs de ses collègues africains en optant pour une élection du président par les élus du Congrès qui réunirait les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat. Mais en agissant de la sorte, il remettrait en cause le suffrage universel.
Pour lancer cette révision, les caciques du régime doivent aussi inévitablement passer par un référendum national comme l’avaient fait les constituants de 2006. Mais la République démocratique du Congo de 2024 n’est pus celle de 2005, ni même celle de 2023. Les rebelles ont largement progressé dans l’est du pays depuis l’avènement, le 15 décembre dernier, de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa. Aujourd’hui, il est impossible pour Kinshasa de lancer un référendum national sur un territoire où le pouvoir central ne contrôle plus qu’une partie du Nord-Kivu. Si le régime de Tshisekedi devait être tenté d’imposer malgré tout ce référendum, il abandonnerait de facto une portion du territoire national et renforcerait ainsi les ambitions confédérales, voire plus, de certaines riches provinces du pays.
L’État congolais unifié, éreinté par un pouvoir aux dérives dictatoriales et familiales, pourrait ne pas résister à cette révision qui chercherait aussi à désigner les gouverneurs des provinces à partir de Kinshasa. Une mesure qui viserait, officiellement, à éviter de donner trop de poids aux parlements provinciaux. Mais cette modification supplémentaire, portée essentiellement par une ethnie, risque d’encourager les tenants du confédéralisme à outrance qui, à plus de 1 000 kilomètres de Kinshasa, pourraient ne plus se sentir tenus par les diktats d’un pouvoir centralisé dont ils ne veulent plus.
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