Politique
« Il faut penser au départ des troupes de la CEAC. Je ne les vois pas nous libérer, puisqu’elles sont juges et partie », martèle le président de Nouvel Élan.
Comme tout Congolais normalement constitué, Adolphe Muzito est inquiet quant au processus électoral devant mener à la tenue des élections justes et transparentes dans les délais. En séjour en Europe, l’opposant congolais voit le pays plongé dans un vide juridique, en cas de non tenue des élections dans l’échéance constitutionnelle. On retomberait dans le régime des institutions et animateurs de facto, du sommet à la base. C’est en substance ce que l’initiateur de Nouvel Élan et porte-étendard de Lamuka a articulé, à haute et intelligible voix, lors de l’interview qu’il a donnée à France 24.
France 24 :
En République démocratique du Congo, la situation demeure extrêmement volatile. Vous avez une préconisation radicale. Vous estimez qu’il faut faire la guerre au Rwanda plutôt que négocier avec Paul Kagame. Est-ce c’est cela que vous proposez à vos concitoyens ?
Adolphe Muzito :
Voilà effectivement ce que je propose à mes compatriotes, puisque le Rwanda ne comprend que le langage de la force, le langage du feu… Il faut se préparer à faire la guerre au Rwanda. Et parallèlement, il faut négocier et discuter avec le patron du Rwanda : les multinationales, les États puissants, nos amis occidentaux… pour qu’ensemble, on commence à réfléchir sur la possibilité de la mise en valeur du Congo, d’une manière générale. Et particulièrement sur cette partie est de la République qui regorge beaucoup de ressources et fait l’objet de beaucoup de convoitises…
Quand vous dites qu’il faut faire la guerre au Rwanda, on voit déjà que l’armée congolaise n’arrive pas à se battre contre les groupes rebelles, à commencer par le M23. Comment imaginer qu’elle puisse aller faire la guerre ?
Quand le Rwanda nous attaque en 1996, en prétendant qu’elle est venue nous libérer du régime de Mobutu, nous avions un budget de 100 millions de dollars. Et pendant toute la période de 1990 jusqu’à 2000, le Congo a collecté plus ou moins un montant de 1,200 milliard sur une période de 10 ans. Donc, nous avons sombré en tant qu’État, et le Rwanda nous a occupé. Ce qui nous a permis de résister, c’était que nous sommes un peuple uni avec une grande capacité de résilience. Quand je parle de la guerre qu’il faut faire, c’est en perspective, en dotant notre armée progressivement, maintenant qu’on a un budget qui dépasse les 10 milliards de dollars… Nous venons de 1 milliard de dollars sur 10 ans. Maintenant, nous pouvons équiper l’armée sur deux voire trois ans. En même temps, c’est en partie au moment où nous négocions que nous devrons parallèlement préparer la guerre en renforcant notre armée. À terme, nous aurons raison du Rwanda. Mais aussi, nous voulons une diplomatie économique avec les puissances qui profitent de l’exploitation…
Qui sont ces puissances, ces patrons du Rwanda ?
Les patrons du Rwanda, d’une manière générale, ce sont les États occidentaux !!! Ce sont les multinationales qui exploitent…
Les États-Unis, l’Europe… ?
Etc... Tout ce monde-là ! Leurs multinationales, ce sont elles qui viennent exploiter nos richesses d’une manière illicite, en occasionnant des morts ! Nous pensons que c’est en négociant avec eux – Je dis bien négocier avec les puissants, et non pas avec le Rwanda qui n’est qu’un bras armé – que, progressivement, nous pouvons obtenir qu’ensemble, dans un partenariat gagnant – gagnant, nous puissions exploiter les richesses du Congo qui représentent une opportunité pour l’humanité dans le nouveau contexte de la Transition écologique.
Alors, pour l’instant, ce n’est pas la stratégie du président Tshisekedi ! Il a tout d’abord essayé de négocier avec Paul Kagame. Dorénavant, il a fait appel à une force de la communauté des États d’Afrique de l’Est qui se déploie (Burundi, Ouganda, Kenya…). Est-ce que c’est la bonne solution pour venir à bout du M23 et d’autres groupes armés ?
C’est une étape, mais je ne crois pas beaucoup à cette étape. Parce que je considère que ce sont des pays qui sont jugés et parties. C’est des pays pauvres comme nous qui ont les mêmes intérêts que le Rwanda. Et nous, nous pensons qu’il faut négocier avec les vrais partenaires. Ceux avec qui nous pouvons défendre les richesses du Congo. Défendre le Congo et développer ensemble ses potentiels pour l’intérêt de l’humanité.
Et donc vous pensez que c’est une erreur. Qu’il faut que ces forces des pays voisins quittent le Congo ?
Il faut penser à leur départ. Absolument. Puisque ce ne sont pas eux qui vont nous libérer. Ils ne sont pas plus puissants que nous. Si nous, nous ne nous en sortons pas, parce que nous n’avons pas une véritable armée. Je ne les vois pas nous libérer, puisqu'ils sont jugés et partie.
Est-ce que vous pensez que Félix Tshisekedi craint Paul Kagame ?
Bon, je ne sais pas le dire. Pour moi, Kagame n’existe pas. Ce n’est pas Kagame qui est devant nous. Même si, en même temps, le Rwanda a un problème de terre. Ils sont 500 au kilomètre carré. Demain, ils seront 1.000 au kilomètre carré. Nous, on est 45, voire 50 au kilomètre carré. Nous avons de bonnes perspectives. Nous pensons que ce que le Rwanda veut gagner par l’agression, il peut l’obtenir par la coopération.
Alors, je veux en venir à l’élection présidentielle. Elle est prévue le 20 décembre. Beaucoup craignent un glissement, c’est-à-dire que le délai ne soit pas respecté. Pensez-vous que ce scrutin sera réellement transparent ?
Je crois que nous sommes en train d’aller vers le glissement. Parce que nous sommes en face de trois contraintes. La première, c’est le respect de délai. J’ai l’impression que, puisque nous devrons consolider le fichier aujourd’hui avec la CENI, il faut penser à l’élaboration de la loi relative à la répartition de sièges pour un processus dont l’enrôlement n’a pas eu lieu dans quatre territoires, dont trois à l’est et l’autre à l’ouest, notamment Kwamouth. La Ceni ne saura pas présenter cette loi. Il sera donc difficile de faire appel à candidature. Par conséquent, on sera hors délai. Nous, nous avons proposé en son temps que Monsieur Tshisekedi accepte que nous fassions un forum informel qui allait discuter et proposer aux institutions, pour entérinement, des propositions de réformes. Il ne l’a pas voulu. Eh bien, si nous franchissons le délai constitutionnel, c’est un pouvoir qui va tomber. Nous serons alors devant un vide juridique. Finalement, il faudra que la classe politique se mette d’accord pour reprendre les choses avec les institutions de facto.
Pour vous, Félix Tshisekedi ne peut pas rester au-delà du délai prévu par la Constitution ?
Il ne s’agit pas de rester ou de ne pas rester. De toute façon, s’il reste, il sera un président de facto, qui aura, pour source de légitimité, la classe politique. Si on le faisait partie, celui qui viendra, ça va être un problème de rapport de force.
Et si les délais sont respectés ?
On peut respecter le délai, mais dans le cadre d’un processus chaotique. Je ne crois pas beaucoup à ce qu’on concilie le respect du délai et la transparence du processus lui-même que nous voulons voir être requalifiés par l’ensemble des parties prenantes qui, aujourd’hui, sont exclues.
Avec la signature de la Charte de l’Union sacrée, Félix Tshisekedi s’est rallié l’appui de Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, au moment où l’opposition est totalement éparpillée. Ne pensez-vous pas que, dans ce scrutin à un tour, la réélection de Tshisekedi est garantie ?
La question de l’opposition ne se pose pas en terme d’unité pour gagner les élections. Moi, je crois que la force de l’opposition doit être constituée par l’unité autour d’un programme alternatif. Avec un candidat porteur d’un programme issu d’un consensus, de rapport de force, des échanges ou d’un débat entre acteurs de cette opposition. Mais, cela présuppose que cette opposition se définisse comme alternative plutôt qu’une force de résistance. Dans notre pays, on a toujours considéré l’opposition comme une force de résistance qui tire sa légitimité dans la protestation, dans la contestation que plutôt que dans la proposition d’un programme alternatif pour changer le Congo.
Votre rupture avec Martin Fayulu n’est-elle pas la preuve qu’il y aura la concurrence avec Félix Tshisekedi ?
Vais-je faire un-deal avec Tshisekedi ? Il fait ses alliances, il recrute… Martin Fayulu, lui, est déjà en alliance en perspective avec les anciens de l’Union sacrée comme Moïse Katumbi qui a élaboré les lois électorales que nous contestions avec Martin Fayulu. Maintenant, il est avec lui ! Est-ce pour combattre ce que Katumbi aura fait ?
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