Société
Cette dernière faute communicationnelle de Paul Kagame sur l’histoire de la délimitation des frontières régionales entre les pays des Grands lacs est plus dangereuse pour le Rwanda que pour la République démocratique du Congo. Puisque l’histoire n’est pas du tout tendre en la matière. Les révélations historiques faites le 1er mars dernier par le professeur Tshibangu Kalala croisées au coup de colère de Patrick Muyaya lundi à Goma, font porter à Paul Kagame le délit de l’histoire. Envisager un débat sur les lignes délimitant les aires d’exercice de la souveraineté des États dans la région équivaut à une déclaration de guerre.
Paul Kagame est mal barré. Sa nouvelle thèse en vue de l’obtention du certificat de balkanisation de la République démocratique du Congo est déjà mal appréciée, condamnée et susceptible d’engendrer une crise politique indescriptible entre la RDC, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi notamment. Pour avoir mené des recherches internationales sur cette problématique pendant plus de 10 ans, le professeur de droit public international de l’Université de Kinshasa, Tshibangu Kalala, décrit une RDC et ses 11 frontières comme étant un espace territorial inviolable.
« J’ai passé plus de 10 ans de recherche sur la nature de nos frontières, de l’historique de sa création à la démarcation en passant par sa délimitation pour comprendre d’où nous venons et où, en sommes-nous, et comment nous avons eu ce territoire, un patrimoine sacré », avait-il rassuré. Un petit survol historique depuis la Conférence de Berlin de 1885, démontre que les frontières de la RDC n’étaient pas fixées au cours de cette rencontre et qu’à ce jour, « la RDC n’a de conflit frontalier avec aucun de ses voisins ». Une frontière dont les détails chiffrés sur sa longueur partagée avec les pays voisins s’étend sur 2 525 km avec l’Angola, 2 100 km avec la Zambie, 492 km avec la Tanzanie, 205 km avec le Burundi, 213 km seulement avec le Rwanda, 817 km avec l’Ouganda, 787 km avec le Soudan du Sud, 1 100 km avec la République centrafricaine et 1 544 km avec le Congo Brazzaville.
A la Conférence de Berlin de 1885, il n’a jamais été question des frontières. Les 14 pays réunis ont traité de la liberté de commerce, la libre navigation et circulation dans le bassin du Congo et les règles à mettre en place pour l’occupation des territoires, explique le Pr Tshibangu Kalala, ajoutant que les 38 articles du Traité de Berlin sont explicites à ce propos.
Paul Kagame est en guerre avec l’histoire
Face aux velléités expansionnistes de Kagame, « nous devons être prêts à défendre notre territoire avec une armée dissuasive. Si quelqu’un veut revendiquer quoi que ce soit, nous allons répondre », a poursuivi l’éminent professeur. Le chercheur a précisé que malgré les spéculations et autres discours tenus par Paul Kagame, la RDC n’a aucune portion de terre à devoir au Rwanda. « Je suis formel parce que je fais ce que Cheick Anta Diop nous conseillait nous les intellectuels africains disant que nous devons aller chercher la vérité directe au lieu de passer par des intermédiaires. J’ai voulu savoir ce qui se passait à Berlin ? J’ai lu les documents, on n’a pas abordé la question des frontières. Les amis rwandais, le président nous a dit que ce sont nos frères et sœurs. Les amis rwandais qui tiennent ses propos, c’est par ignorance parce qu’à Berlin, on n’a pas du tout abordé la question des frontières », avait-il fait savoir devant la presse. S’appuyant sur des recherches fouillées reproduites dans son livre intitulé, “la RDC et ses 11 frontières Internationales”, le professeur Tshibangu Kalala indique qu’à l’époque l’Allemagne face à la Belgique avait tenu à l’intégrité territoriale du Royaume du Rwanda et qu’aucune partie du Rwanda ne se retrouvait du côté de la RDC.
Le premier européen est arrivé 10 ans après Berlin au Rwanda. Les Allemands étaient intransigeants, ils ne voulaient pas qu’on touche à l’intégrité territoriale du Royaume du Rwanda. Les Belges ont écrit, les Allemands ont écrit pour déterminer où se trouvent les frontières historiques du Royaume du Rwanda. Le roi du Rwanda Yuyi Musinga, qui était au pouvoir à l’époque, avait autorité jusqu’à tel endroit, et c’est au nom de ce principe là que nous avons récupéré l’île d’Idjwi où le Roi Yuyi Musinga n’avait aucune influence. Donc, Idjwi ne faisait pas partie du Royaume du Rwanda et les Belges ont dit puisque c’est ça le principe nous récupérons l’Île d’Idjwi. Donc, les plus grands défenseurs, acharnés, c’était les Allemands qui ont protégé l’intégrité territoriale du Royaume du Rwanda et les frontières qui ont été tracées. Ces frontières épousent justement les limites historiques du Royaume du Rwanda parce qu’on estimait que c’était un petit territoire, un très petit territoire. Parce que l’Allemagne a tout fait pour que tout ce qui appartient au Rwanda sur le plan territorial reste en Allemagne et les documents sont là, renseigne-t-il.
Tshibangu Kalala estime même que si les Rwandais osent se pencher sur cette bataille axée sur la notion des frontières, ils seront battus à plate couture. Car la question de l’intangibilité des frontières héritée de la colonisation n’est pas à négocier mais s’applique à tout le monde. « Au mois d’août 1910, le ministre des Affaires étrangères belge de l’époque Julien d’Avignon se présente devant le Parlement belge pour demander de voter la loi, pour ratifier la convention que les deux pays l’Allemagne et la Belgique venaient de signer pour tracer cette frontière.
Qu’est-ce que Julien d’Avignon dit devant le Parlement ? On a défendu une thèse depuis l’État Indépendant du Congo mais c’était indéfendable, on devait respecter l’intégrité territoriale du Royaume du Rwanda et qu’on ne prend rien, aucun morceau du territoire du Rwanda pour mettre dans le Congo et c’est sur cette base qu’on a conclu ce traité que le Parlement belge a ratifié ». Et d’ajouter que si nos amis rwandais soulevaient cette question « je vous assure qu’ils vont déclencher une bataille intellectuelle et juridique. Une bataille où ils seront battus », prévient-il. A bien suivre Paul Kagame, l’intégrité territoriale de la RDC est de plus en plus menacée par l’expansion des rebelles du M23 sans compter l’activisme des groupes armés étrangers.
Les peuples rwandophones de la RDC ne se reconnaissent pas au Rwanda
Les populations d’expression rwandaise que les frontières coloniales ont placées du côté de l’Etat Indépendant du Congo en 1885 existent bel et bien. Elles étaient localisées essentiellement dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi au Nord-Kivu, tout comme dans l’île d’Idjwi et dans les territoires d’Uvira, au Sud-Kivu. Au Nord-Kivu, l’implantation des Rwandais s’est faite, avant le découpage colonial sanctionné par la conférence de Berlin de 1884-1885. Des clans composés à la fois de Hutu et de Tutsi vivaient déjà dans la région de Rutshuru, à Walikale, à Goma et dans le massif de Masisi. Les Belges, au début du XXe siècle, encourageront d’ailleurs un mouvement d’émigration des Rwandais vers cette zone qu’ils souhaitaient mettre en valeur. À un point tel que les Banyarwanda, nom qu’on attribue à cette population du Nord-Kivu parlant le kinyarwanda, sont aujourd’hui, selon certaines sources, près de 3 millions, se répartissant à parts égales entre Tutsi et Hutu.
Longtemps, les Banyamulenge et les Banyarwanda ont été considérés comme des citoyens congolais. Au moment de l’indépendance, en 1960, la nationalité a été octroyée à tous les groupes vivant dans le pays avant la fameuse conférence de Berlin. En 1972, à l’instigation de Barthélemy Bisengana, directeur du bureau de la présidence, lui-même d’origine tutsie, le général Mobutu décida une naturalisation collective de tous les Rwandais vivant au Zaïre. La mesure, mal accueillie dans l’est du pays, sera abrogée en 1981.
“Lorsqu’on parle de Congolais rwandophones, c’est un méli-mélo. Il y a des Hutu et Tutsi en RDC. C’est un concept vague dont le souci clair est de se présenter comme défenseur en chef, sans mandat des communautés, de toutes les populations congolaises qui parlent kinyarwanda. Je souhaiterais que dorénavant l’on parle des Tutsi et Hutu comme on parle de Luba, ça serait plus clair”, avait soutenu le ministre Patrick Muyaya Katembwe lors d’un point de presse à Kinshasa.
Avis partagé par le professeur Tshibangu Kalala qui, à son tour, estimera que le terme “rwandophone” est un non-sens. “C’est après avoir posé les bornes entre la RDC et le Rwanda que l’on avait donné à la population locale un délai de 6 mois pour qu’elle choisisse leur lieu d’habitation soit en RDC ou au Rwanda. La majorité des Hutu avait préféré rester au Congo, fuyant les agissements des colons allemands au Rwanda. C’est là qu’est né ce terme. Il faut arrêter de prononcer le terme rwandophone. Où ce sont les Hutu, les Nandé ou les Tutsi. Le concept rwandophone n’a aucun sens. Il n’y a pas de langue appelée rwandophonie”, a-t-il conclu
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