Politique
A Kinshasa, la fin de la coalition FCC-CACH a ouvert une nouvelle séquence d’incertitudes pour l’avenir.
Nombre de Congolais attendent beaucoup du président Félix Tshisekedi et de son Union sacrée de la nation.
Élu le 30 décembre 2018 dans des circonstances controversées, longtemps considéré simplement comme le fils de son célèbre Papa, Félix Tshisekedi s’est efforcé depuis lors de se faire un prénom en s’émancipant de l’influence jugée trop envahissante de son partenaire Joseph Kabila Kabange.
Il y a deux ans, le 24 janvier 2019, l’ex-opposant radical avait eu un court malaise physique lors de son investiture sous les effets conjugués de l’émotion, de la chaleur tropicale étouffante et d’un lourd gilet pare-balles. «Je m’en excuse auprès du président de la République», avait-il lancé à la reprise de la cérémonie sous le regard flegmatique de son prédécesseur, Joseph Kabila, qui se contenta de lui remettre les symboles du pouvoir avant une accolade marquant une transition pacifique et historique au sommet de l’Etat.
Aujourd’hui, alors que Fatshi est en train de renverser les fondations d’une alliance inédite dont les derniers épisodes (déchéance de la présidente Mabunda de l’Assemblée nationale, et censure du 1er ministre Ilunga du gouvernement de coalition), l’heure est au bilan. Pour plusieurs analystes ici qui expriment leur lassitude, il est plutôt sévère.
Lassitude et déception
«Nous sommes déçus. Nous ne savons plus à quel saint nous vouer avec ce pouvoir qui déclarait travailler pour sortir le peuple de la misère mais qui est, au contraire, à la solde de quelques individus qui s’enrichissent nuit et jour», s’agace Thierry Mbumba, conducteur kinois de taxi-bus de 41 ans. Omer Kitebe, 32 ans, enseignant, assène quant à lui que «rien de bon ne viendra du régime Tshisekedi. Tout est sombre. Nous ne pouvons que prendre notre mal en patience et prier pour qu’un jour ça change». L’immobilisme dans la marche des affaires de l’État énerve plus d’un Congolais qui en rendent responsable la vraie fausse rupture avec les pratiques prédatrices du passé et ne se rassure guère du retour tonitruant autour de l’Union sacrée de la nation de Jean-Pierre Bemba, un ex-seigneur de guerre et de Moïse Katumbi, réputé ancien kleptocrate de l’ère Kabila.
L’Union sacrée de la nation, un leurre ?
Alerté par la dégradation continue de la situation sociale des populations que le seul Covid-19 ne saurait expliquer, Félix Tshisekedi a annoncé en décembre dernier la fin de la coalition au pouvoir FCC-CACH et la création de «l’Union sacrée» des forces vives en vue de la refondation de l’action gouvernementale.
Auparavant, le chef de l’État avait lancé des consultations tous azimuts en battant le rappel d’anciens alliés du groupe dit de Genève et même de partisans de Kabila. Problème : cette Union sacrée semble déjà se concentrer sur un vulgaire «partage» de pouvoir. Le député Jean-Marc Kabund, président intérimaire de l’UDPS, le parti de Tshisekedi a ainsi révélé que Bemba et Katumbi tentaient d’obtenir des postes clés (perchoir et primature). «Je ne peux pas comprendre qu’ils proposent pareille chose et je leur ai dit que c’est impossible. Vous êtes venus tuer l’Union sacrée», a-t-il déclaré. Ces propos ont douché les espoirs suscités par l’annonce de la rupture de la coalition FCC-CACH. «A l’évidence, le peuple n’a pas sa part dans cette initiative. C’est juste un changement de nom. Le contenu demeure le même : le partage du pouvoir entre des fauves politiques», analyse Luc Bolo, un diplômé au chômage. Un pessimisme que ne partage pas Eric Nsenga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo (ECC) qui accorde la bénéfice du doute à Tshisekedi : «Si chacun garde un regard positif, sans haine, sans orgueil, sans égoïsme, sans triomphalisme ni calculs personnels, l’union sacrée peut servir de nouveau départ pour la RDC. Le secret, c’est d’en donner un contenu idéologique», a-t-il tweeté.
La transhumance, une panacée ?
Chantre de l’État de droit et de la bonne gouvernance, Fatshi est attendu au tournant. Avant son assaut contre la majorité FCC pro-Kabila, il avait pris le soin d’écarter des piliers du système sécuritaire comme le patron des renseignements généraux Kalev Mutond et l’inspecteur général des FARDC John Numbi puis s’est assuré le contrôle de l’appareil judiciaire avec la nomination de plusieurs hauts magistrats. «On assiste ces derniers jours à des scènes ubuesques où le camp présidentiel pour faire basculer la majorité en sa faveur, débauche à tour de bras les élus à coups de billets de banque et de promesses de maroquins», dénonce Junior Wombe, un partisan du leader de l’opposition Lamuka de Martin Fayulu. Cet opposant s’est abstenu de prendre part aux consultations initiées par le chef de l’Etat et n’a eu de cesse d’appeler ses compatriotes à «ne pas vous laisser berner par ces petites guéguerres de positionnement entre ceux qui ont confisqué votre souveraineté et qui ont opté pour la théâtralisation à choix raisonné et la manipulation. Ce divorce est une mise en scène de ceux qui affirmaient il y a peu qu’il n’y avait pas de crise entre eux. Une tentative de faire subtilement oublier le bilan négatif des deux dernières années».
Patrick Nkanga, cadre du PPRD de l’ancien président Kabila, déplore que «la violation des textes soit devenue le principe et leur respect l’exception». Pendant ce temps, Joseph Kabila garde son mutisme légendaire. L’énigmatique quatrième président de la RDC s’est retiré depuis quelques semaines dans sa ferme de Kashamata près de Lubumbashi (Haut-Katanga) et n’a fait aucun commentaire sur le phénomène de transhumance politique qui permet à son ancien partenaire de siphoner son FCC dans le cadre de manœuvres politiques en perspective des futures élections générales de 2023.
L’activiste des droits humains Jean-Claude Katende se désole à ce sujet du fait que «les politiciens congolais, sont plus préoccupés par les postes que par le devenir du pays!».
Ilunga jette l’éponge
Le 1er ministre kabiliste Sylvestre Ilunga récemment destitué par l’Assemblée nationale a, après avoir été notifié de cette décision par le bureau d’âge de l’Assemblée nationale dont ses conseillers contestaient la veille encore la compétence à cet égard a fini par jeter l’éponge en déposant sa démission auprès du président de la République.
Sa mise à l’écart résulte du basculement de la majorité à la chambre basse du parlement. Le professeur Eugène Banyaku, ancien juge constitutionnel, estime que l’acte des députés est plus politique que juridique. «Lorsqu’un nombre aussi élevé d’élus ne reconnaissent plus au premier ministre sa qualité d’exercer ses fonctions, il n’y a aucun un autre moyen pour ce dernier que de se rendre à cette évidence», souligne – t-il avant d’ajouter que la juridiciation de la politique entraîne des situations anormales.
«De fait, en retirant leur confiance au gouvernement, les députés ont déclaré ne plus se retrouver dans l’exécution par cette institution de la politique pour laquelle ils lui avaient donné quitus. Par ce vote, ils lui retirent simplement le droit d’être premier ministre», martèle-t-il.
Nouvel exécutif en gestation
Pendant ce temps, l’informateur Bahati Lukwebo a d’ores et déjà présenté son rapport au président Tshisekedi qui peut désormais nommer un formateur du gouvernement.
En attendant que le paysage politique se stabilise, le Congolais lambda se contente de prier pour que la scène politique du pays retrouve plus de cohérence.
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