Tshisekedi à Goma : croisade pour la paix

On savait déjà que son voyage à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, était entouré de tensions. On savait aussi qu’il buterait à une hostilité d’une frange de la population de l’Est. Finalement, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a mis le cap sur Goma qu’il a atteint, lundi dans la soirée. Si la mobilisation a été au rendez-vous, des échauffourées isolées ont été signalées ça et là dans la ville volcanique. Le plus important est que Félix Tshisekedi est venu dompter Goma, avec elle toute la partie Est de la RDC. C’est le premier pas d’une croisade pour la paix qui promet de s’étendre dans différents coins névralgiques de la RDC. Quoi qu’il en soit, à Goma, la population n’a pas caché sa soif de la paix et d’une stabilité. C’est tout ce qu’elle attend de son Président de la République. Sans doute, Tshisekedi at-il bien saisi le message de Goma.

L’arrivée du Président de la République, Félix Tshisekedi, à Goma a été diversement commentée. Goma avait affiché deux tableaux diamétralement opposés pour montrer au chef de l’État que la situation n’est pas aussi bonne qu’elle ne paraît.

Dans la ville, Goma a traduit en effet, le sentiment de tous les habitants des villes, villages et cités de l’Est de la RDC où des groupes armés ont tous décidé de dicter leur loi, comme si quelqu’un avait sifflé le début des actions de sabotage et de déstabilisation. Chaque jour qui passe, il y a au moins un Congolais qui est tué par un milicien, parfois dans sa maison où il dormait tranquillement.

A Goma même, les nuits sont agitées à cause du banditisme ambiant, oeuvre des hors-la-loi qui n’ont même pas respecté la présence du chef de l’Etat dans leur ville. Ils ont, une fois de plus, troublé la quiétude de son séjour par des tirs nourris entendus la nuit, aussi bien du lundi que du mardi.

A Beni, plus au nord de Goma, le groupe armé ADF dicte toujours sa loi. Ces sanguinaires massacrent des paisibles citoyens congolais afin de les déloger des terres de leurs propres ancêtres. Plus au nord, en Ituri, la population est prise en otage par des miliciens Codeco d’un coté, et des ADF, de l’autre, sans oublier de nombreux groupes armés actifs dans ce coin comme ailleurs d’ailleurs.

COCKTAIL EXPLOSIF

C’est pour cette raison que Goma a présenté un double visage au chef de l’État. D’un côté, Félix Tshisekedi a eu droit à un accueil chaleureux le long de son parcours. Une chaleur qui a contrasté d’avec des menaces qui avaient envahi la ville lors de la programmation d’une visite précédente. De l’autre côté, c’était l’expression de la colère, d’une colère vive, expression d’une exaspération. Si le côté festif a occupé les caméras, le côté colère a également été pris très au sérieux. Des pierres ont été placées sur la voie publique, des pneus ont été brûlés et des jeunes tenant des affiches ont été vus, arrêtés ou dispersés violemment par la police.

Il faut savoir décrypter le message que cette population de Goma a voulu faire passer à son chef. En décidant de passer trois jours à Goma, Tshisekedi a été au contact direct d’un peuple à la fois meurtri et traumatisé au quotidien.

Il y a en priorité les questions sécuritaires. La stratégie de traque des groupes armés, généralement expérimentés dans les régions de l’Est, n’a pas marché. Il y a eu certes des avancées, mais tant que des groupes armés ne seront pas complètement éradiqués, l’Est sera toujours un terrain difficile pour tout chef d’État en RDC.

La stratégie militaire et sécuritaire qui convient ne peut avoir comme finalité que de mettre un terme définitif aux tueries et à l’influence des pays voisins sur la RDC. Il est donc de la responsabilité du chef de l’Etat de penser à ce qui convient pour la protection des frontières nationales afin d’offrir la quiétude tant attendue par la population. Les quartiers chauds de Goma qui ont allumé le feu de la contestation est justement l’échantillon de ces citoyens frustrés par la politique sécuritaire du pays, particulièrement à Beni. 

L’autre message à écouter attentivement est celui des partisans de Vital Kamerhe qui en appellent à la libération de leur leader, condamné à 20 ans de prison pour le détournement de 57 millions de dollars Usd alloués aux travaux des 100 jours du chef de l’Etat.

Mais, ici il y a erreur de destinataire dans la mesure où le président Tshisekedi n’est pas juge ou magistrat pour interférer dans la bonne administration de la justice dans une affaire de droit commun.

N’empêche que cette frange de la population congolaise est convaincue que le chef de l’Etat est à la base de la condamnation de son compagnon de lutte électorale, Vital Kamerhe. Cette compréhension de la chose ne peut être balayée que par une pédagogie forte et une sensibilisation politique de haut niveau.

La situation de Minembwe est venue s’ajouter à la tension ambiante, viciant l’atmosphère de la visite présidentielle dans l’Est. Que l’érection de Minembwe en commune rurale ait attiré autant de monde, lui accordant une importance particulière, a soulevé la curiosité de nombreux Congolais qui n’ont pas compris qu’une cérémonie aux allures de capitulation a été organisée. L’officiant Azarias Ruberwa a donc accompli sa mission en trouvant une terre propre à ses frères et à sa communauté. En RDC, c’est la grogne.

A Goma, Félix Tshisekedi a tendu la main aux uns et autres pour une voie de sortir qui soit la plus pacifique possible. Le chemin à parcourir est tortueux.

La population congolaise attend de cette communauté qui revendique les terres de collines de Mulenge une intégration réelle à la nation, en lieu et place de servir de cheval de Troie pour faire exploser la case commune.

C’est en décryptant ces différents messages que le président Tshisekedi pourra capter le vrai message contenu dans ce double visage des habitants de Goma, en particulier, et de l’Est, en général.

Félix Tshisekedi a rendez-vous avec l’histoire. Le peuple de l’Est veut le voir l’œuvre dans la recherche de la paix. C’est le plus beau cadeau que le chef de l’Etat pourra offrir à ce peuple qui, malgré ses souffrances, ses blessures et ses frustrations, n’a pas hésité à l’accueillir chaleureusement sur son sol.

Quoi de plus normal que Félix Tshisekedi lui rende l’ascenseur en donnent un contenu réel à sa croisade pour la paix dans l’Est.