Monde
Cette décision des députés contraint désormais le Premier ministre Boris Johnson à demander aux Européens un nouveau report de la date du divorce.
Le feuilleton du Brexit continue. Les députés britanniques ont décidé samedi de reporter leur décision sur l'accord de Brexit conclu entre Londres et Bruxelles, ce qui contraindra le Premier ministre Boris Johnson à demander aux Européens un nouveau report du divorce. Ce dernier a pourtant aussitôt réagi en indiquant qu'il ne négocierait pas de report avec le Vieux Continent. L'amendement, déposé par le député Oliver Letwin, a été approuvé à 322 voix pour et 306 voix contre. Pour ses partisans, il vise à donner plus de temps aux députés pour débattre de l'accord dans ses détails sans risquer un « no deal » le 31 octobre s'ils n'ont pas fini.
Plus tôt dans la matinée, Boris Johnson avait enjoint aux députés d'adopter sans délai cet accord, à 12 jours seulement de la date prévue de sortie de l'UE. Arguant que le « deal » était « la meilleure solution possible », il a indiqué que le texte permettrait de réunir de nouveau le pays, très divisé sur le Brexit depuis son vote par référendum en 2016. « Adoptons un accord qui puisse guérir ce pays », avait-il lancé. Le Premier ministre conservateur avait également appelé les députés à « se rassembler et rassembler le pays » et à adopter l'accord, qualifiant le vote de « chance historique » de « réaliser le Brexit » et de « permettre au pays d'aller de l'avant » plus de trois ans après le référendum de 2016. Pour lui, tout nouveau report serait « inutile, coûteux et profondément destructeur pour la confiance du public ».
Arraché in extremis à l'issue de négociations laborieuses, l'accord est censé régler les conditions du divorce après quarante-six ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d'une période de transition courant au moins jusqu'à fin 2020. Son succès est suspendu à l'approbation du Parlement s'il se prononce dessus samedi. Or les députés ont rejeté par trois fois le précédent accord de sortie conclu entre l'ex-Première ministre Theresa May et les 27 autres membres de l'UE.
« Pas de meilleure issue »
Boris Johnson a déployé tous ses efforts ces derniers jours pour convaincre les députés de soutenir son accord, enchaînant coups de téléphone et interventions à la télévision. Ses arguments semblent avoir fait mouche auprès des brexiters les plus durs de son Parti conservateur. L'un de leurs chefs de file, Steve Baker, a indiqué samedi qu'ils voteraient pour. Si l'accord est approuvé, il devra encore être validé par le Parlement européen.
En cas de rejet, Boris Johnson a toujours dit qu'il préférait une sortie sans accord plutôt qu'un nouveau délai, le Brexit ayant déjà été repoussé deux fois. Mais une loi votée par le Parlement l'oblige à demander un report de trois mois à l'UE. Le dirigeant pourrait se trouver contraint de demander une prolongation même en cas d'approbation, si les députés soutiennent un amendement déposé par le conservateur Oliver Letwin. Leur objectif est de s'assurer que les brexiters, après avoir donné leur feu vert à l'accord, ne sabotent pas la loi d'application qui doit être soumise au Parlement la semaine prochaine, ce qui précipiterait le pays vers un « no deal ».
La perspective d'un Brexit sans accord est redoutée des milieux économiques, car il pourrait entraîner, selon les prévisions du gouvernement lui-même, des pénuries de denrées alimentaires, d'essence ou encore de médicaments. Le gouvernement, sans majorité, a besoin de 320 voix pour valider son accord. Les partis d'opposition ont déjà annoncé qu'ils s'y opposaient : le parti centriste libéral-démocrate (19 voix) et les nationalistes écossais SNP (35 voix) sont anti-Brexit, le Parti travailliste (242 voix) estime que le nouvel accord fragilise les droits des travailleurs, les Verts (1 voix) qu'il ne respecte pas l'environnement… Surtout, ça coince auprès des unionistes nord-irlandais du DUP (10 voix), pourtant alliés de Boris Johnson à Westminster, pour qui le texte octroie un statut différent à l'Irlande du Nord et isole la province britannique du reste du pays.
La société britannique divisée
Le gouvernement espère convaincre certains travaillistes ainsi que des indépendants, notamment les députés exclus du Parti conservateur parce qu'ils s'opposaient à un « no deal ». Si le Parlement est divisé, la société britannique l'est aussi, près de trois ans après le référendum de 2016 qui a décidé à 52 % du départ du Royaume-Uni du bloc européen. Alors que les débats battront leur plein pour régler les conditions du divorce, une manifestation anti-Brexit est prévue devant Westminster pour pousser à la tenue d'un second référendum. La décision des députés sera aussi scrutée outre-Manche. Plusieurs dirigeants européens leur ont enjoint de l'approuver pour pouvoir passer à la phase suivante des négociations, celle qui déterminera la future relation entre l'UE et le Royaume-Uni. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a averti qu'un rejet du texte engendrerait une « situation très compliquée », tandis que le président français Emmanuel Macron s'est prononcé contre de « nouveaux délais ».
L'accord de Boris Johnson est censé résoudre la quadrature du cercle de la frontière irlandaise, sur laquelle avait buté le processus jusqu'à présent. L'objectif est d'éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord britannique et la République d'Irlande, membre de l'UE, pour préserver la paix sur l'île. Pour cela, il maintient sur le papier l'Irlande du Nord dans le territoire douanier britannique, mais prévoit un régime spécial pour les marchandises arrivant dans la province britannique, selon que celles-ci sont destinées à y rester ou à passer dans le marché unique européen.
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