Politique
Le gouvernement de la République démocratique du Congo a enfin été dévoilé lundi 26 août 2019, sept mois après la passation de pouvoir entre le président sortant Joseph Kabila et son successeur élu fin 2018, Félix Tshisekedi. La composition de cette équipe pléthorique apparaît comme le fruit d’une difficile négociation pour satisfaire les forces ralliées à ces deux personnalités.
Le poste de Premier ministre avait déjà été attribué en mai à Sylvestre Illunga Ilukamba, un proche de Joseph Kabila. Environ deux tiers des postes vont aujourd'hui à ses partisans, majoritaires à l’Assemblée nationale. Nous avons demandé à Bob Kabamba, professeur de Science politique à l’université de Liège, de décrypter la composition de cette nouvelle équipe gouvernementale.
Un gouvernement qui compte 65 membres, est-ce habituel en RDC ?
Bob Kabamba : "Non, dans le gouvernement précédent, il y avait une quarantaine de membres et quelques vice-ministres. En général, les gouvernements congolais ne dépassent pas le nombre de 50 ministres. Avec 65 ministres, on a explosé les critères habituels de fonctionnement. Cela découle de la complexité de la situation politique congolaise. Nous avons un rassemblement de deux coalitions composées chacune de forces internes. Pour les satisfaire, il faut multiplier le nombre de compétences et de ministres. La coalition de Joseph Kabila représente la majorité sortante et dispose toujours de la majorité au parlement. Elle est constituée d’environ une centaine de forces politiques. Et du côté de Félix Tshisekedi, c’est une coalition qui est composée d’une part de l’UDPS et d’autre part de l’UNC de Vital Kamerhe, auquel s’ajoutent quelques autres alliés qui voulaient aussi avoir des postes ministériels dans ce gouvernement".
Ce gouvernement paraît composé essentiellement de personnes novices. Pourquoi ?
"Cela confirme que le pouvoir ne sera pas exercé par ce gouvernement, il va être réparti entre deux pôles. Le pôle Kabila voudra gérer le gouvernement face au pôle Tshisekedi. Ce sont ces deux personnalités qui vont diriger ce gouvernement et pour pouvoir le faire, ils devaient éviter la présence de poids lourds en son sein. Les membres du gouvernement sont en fait des collaborateurs de ces deux personnalités : ils vont travailler pour leur leader, plus que dans l’intérêt national de la RDC. On a choisi le plus petit dominateur commun pour permettre que d’une part Félix Tshisekedi puisse exercer son rôle et d’autre part que Kabila puisse garder son influence sur la gestion du pays".
Y a-t-il un équilibre respecté entre ces deux forces dans la répartition des portefeuilles ?
"Il y a une recherche d’équilibre sur deux points. D’abord dans le secteur de la sécurité : ils ont donné le ministère de l’Intérieur à Tshisekedi et la Défense à Kabila. On espère ainsi arriver à stabiliser et équilibrer le contrôle des forces de sécurité. La même dynamique se retrouve au niveau des Finances, puisqu’on a d’une part les Finances qui sont aux mains de Joseph Kabila et le Budget dans le clan de l’UNC, c’est-à-dire du côté de Tshisekedi. On voit cet équilibre permanent au niveau des postes clés qui permettent d’avoir un contrôle sur la gestion du pays. D’autres ministères ont été scindés en plusieurs compétences, comme l’Energie qui s’occupait de l’électricité, du pétrole… Il a été divisé en plusieurs compétences, réparties entre les gens de Tshisekedi et de Kabila. Tout ça dans une recherche d’équilibre pour qu’aucun n’obtienne la mainmise exclusive sur la gestion du pays".
Dans ce cadre, la justice est une compétence sensible ?
"Comme chaque fois qu’il y a un changement de régime, le nouveau pouvoir lance généralement une chasse aux sorcières, qui passe par le contrôle du ministère de la Justice. C’était un point de blocage durant plusieurs semaines : Félix Tshisekedi voulait ce ministère, ce que Joseph Kabila refusait. Dans le rapport de force, c’est Kabila qui a réussi à conserver le ministère de la Justice".
Doit-on s’attendre à une cohabitation sereine ou conflictuelle ?
"La cohabitation ne sera pas sereine. La publication de la composition de ce gouvernement a laissé de côté une série de personnalités politiques qui représentent d’autres forces. Ces personnalités frustrées risquent de commencer à interpeller, à mener une fronde dans plusieurs institutions, à l’Assemblée ou bien dans les assemblées provinciales. Cela pourrait augurer des tensions politiques entre les deux familles politiques. Ce ne sera pas une gestion simple et consensuelle. Mais, comme lors des négociations entre les deux coalitions, les difficultés ont été chaque fois résolues par des rencontres bilatérales entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. J’imagine que ce genre de rencontre va se multiplier à l’avenir pour éviter qu’il puisse y avoir une gestion conflictuelle et une cohabitation ingérable".
Quelles sont à présent les priorités de ce gouvernement ?
"Il y en a beaucoup. Une priorité déjà sur la table, c’est la gratuité de l’enseignement. Le président de la République s’était engagé à la rendre effective à la rentrée scolaire de cette année. Il reste quelques jours pour résoudre cette question. La deuxième, ce sera l’assainissement des finances publiques, puisque le pays est géré depuis plusieurs mois sans gouvernement directement par le président élu. Et puis il y a aussi la crise de la fièvre Ebola et la question sécuritaire à l’Est".
LA COMPOSITION DU GOUVERNEMENT
Voici la liste complète du gouvernement congolais dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Il comprend 66 membres au total, dont 42 sont issus des rangs du Front commun pour le Congo (FCC, la plateforme de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange), et Cap pour le changement (Cach, la coalition de l’actuel président de la République démocratique du Congo).
L’équipe gouvernementale compte cinq postes de vice-Premiers ministres, dix de ministres d’État, 31 de ministres, trois de ministres délégués et dix-sept de vice-ministres, selon l’agence congolaise de presse. 83 % sont des hommes et 17 % des femmes, a précisé M. Ilunga.
Vice-Premiers ministres et ministres aux fonctions
Ministres d’État et ministres aux fonctions
Ministres aux fonctions
Vice-ministres
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Bob Kabamba, professeur à l'Université de Liège. - © RTBF