Société
Paul Mwilambwe demande son extradition pour être jugé en RDC. Témoin clé de l'assassinat de Floribert Chebeya en 2010 à Kinshasa, il estime que l’élection de Félix Tshisekedi permet désormais la tenue d’un procès dans son pays. Paul Mwilambwe a affirmé à plusieurs reprises avoir vu, via une caméra de surveillance, ceux qui ont tué et asphyxié Floribert Chebeya dans les locaux de la police dirigée à l'époque par le général Numbi. Il souhaite donc porter désormais ses accusations devant la justice congolaise.
Né en 1963, Floribert Chebeya fut pendant près de trente ans la figure de proue du combat pour les droits de l’homme en République démocratique du Congo, un militant connu et respecté, dirigeant-fondateur de l’ONG La Voix des sans-voix (VSV).
Le 1er juin 2010, il est convoqué au siège de l'Inspection générale de la police, alors dirigée par le général John Numbi. Le lendemain, son corps sans vie est retrouvé dans une voiture, la scène grossièrement maquillée en affaire de mœurs. Son chauffeur Fidèle Bazana est porté disparu, son corps n’a jamais été retrouvé.
À l’époque, un premier procès a lieu en RDC : John Numbi est suspendu et huit policiers, dont Paul Mwilambwe, sont inculpés. Quatre d’entre eux sont condamnés à la peine de mort et un à perpétuité. Paul Mwilambwe réussit à prendre la fuite et se réfugie au Sénégal. En 2015, en appel, quatre des policiers sont acquittés, faute de preuves. Le cinquième voit sa peine réduite à 15 ans de prison.
Depuis 2014, au Sénégal, une procédure est en cours, après une plainte des familles des deux victimes contre Paul Mwilambwe, protagoniste présumé de ce double assassinat.
Le 1er juin 2010, jour du double meurtre de Floribert Chebeya, défenseur congolais des droits de l’homme, fondateur de l’ONG « la Voix des sans voix » (VSV) et de son chauffeur, Fidèle Bazana, le major Paul Mwilambwe est alors en charge de la sécurité des bureaux de l'inspection générale de la police nationale. Il affirme avoir tout vu sur les caméras de vidéosurveillance. Il accuse le général John Numbi, chef de la police en 2010, d'être « le commanditaire » de l'assassinat et le major Christian Ngoy d'en être « l’acteur principal ». Ce dernier serait actuellement « à Lubumbashi protégé par l’ancien pouvoir », selon ce témoin capital de l’affaire. Quant au donneur d'ordre, Paul Mwilambwe n’a aucun doute : « C’est le président Kabila. »
RFI : Vous avez décidé de vous exprimer à nouveau. Pour quelle raison ?
Paul Mwilambwe : D’abord parce qu’il y a eu un changement de pouvoir en République démocratique du Congo, avec l’arrivée de Félix Tshisekedi. Maintenant, le président Kabila n’est plus au pouvoir. Raison pour laquelle j’accepte de m’exprimer aujourd’hui.
Il y a une procédure judiciaire en cours au Sénégal. Aujourd’hui, vous demandez votre extradition vers la RDC ?
PM : Exactement. Je demande l’extradition vers la RDC parce que le Sénégal s’est déclaré compétent pour me juger. Il y a cinq ans, il n’y avait ni procès ni jugement. Il faut que je sois extradé dans mon pays pour que je répète mes accusations. Je me souviens qu'à l’époque, les ministres avaient dit que pour que mes déclarations soient crédibles, il fallait que je sois présenté devant un juge congolais. Raison pour laquelle je demande mon extradition.
Vous avez aussi fait le choix de montrer votre visage, notamment aux chaînes de télévision ?
PM : En 2012, quand je me suis exprimé à RFI et à France 24, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, avait dit que le vrai Paul Mwilambwe était « un bègue ». Vous êtes en face de moi, je crois bien que je ne suis pas bègue. Je dois être filmé pour être bien identifié.
Vous souhaitez répéter vos accusations. Quelles sont justement ces accusations ?
PM : Je parle du 1er juin 2010, de l’assassinat de Chebeya. Dans les locaux de la police qui étaient sous ma responsabilité, on m’a amené Chebeya physiquement. Quand on est descendu avec Chebeya, j’ai vu les policiers, sous commandement du major Christian Ngoy, cagouler Chebeya. Cela, je l’ai vu dans ma caméra de surveillance. Ils sortaient de mon bureau. La même personne qui a amené Chebeya dans mon bureau - je cite bien le major Christian Ngoy - c’est la même personne qui est venue récupérer Chebeya dans mon bureau, en disant qu’il allait l’amener à la résidence privée du général John Numbi. Je veux répéter les mêmes accusations : que c’est le président Kabila qui est le donneur d’ordre, le général John Numbi le commanditaire et le major Christian Ngoy l’acteur principal, qui est actuellement à Lubumbashi protégé par l’ancien pouvoir.
John Numbi a dit qu’il n’avait aucune raison de recevoir Floribert Chebeya. Que pensez-vous de ces témoignages qui vont à l’encontre de vos propos ?
PM : Ce sont de simples mensonges. C’est une façon d’échapper à la justice. Et je voudrais revenir en arrière : même la dame Chebeya [Annie Chebeya, veuve de Floribert Chebeya, NDLR] avait porté plainte à l’époque auprès de la justice congolaise, particulièrement la justice militaire, contre le général John Numbi, et la plainte n'a pas été examinée. C’est le général Numbi qui a donné l’ordre d’assassiner Chebeya parce que, quand j’étais à Kinshasa, je recevais des menaces de la part du général John Numbi.
Quel type de menaces ?
PM : Des menaces pour que je ne dise à personne ce que j’avais vu. Quand on m’a emmené devant le procureur militaire, le général Ponde, pendant mon interrogatoire, le général John Numbi a appelé le procureur pour lui demander de me parler au téléphone. Et le général John Numbi, effectivement, m’a parlé au téléphone dans notre dialecte, le kiluba, en me disant, je pèse mes mots : « Moi et le président Kabila, on va s’occuper de te faire sortir du pays, mais il ne faut pas dire ce que tu as vu ce jour-là. »
Le colonel Daniel Mukalay, principal suspect aux arrêts dans cette affaire, a toujours dit que Floribert Chebeya n’est jamais arrivé à l’Inspection générale de la police.
PM : Je ne peux pas répondre à la place du colonel Daniel Mukalay, parce que je ne suis pas son porte-parole.
Vous estimez aujourd’hui que votre sécurité peut être assurée si vous rentrez à Kinshasa ? Le général John Numbi, que vous accusez directement, est aujourd’hui inspecteur général de l’armée
PM : D’abord le président Félix Tshisekedi prêche l’État de droit. J’ai mis en cause le président Kabila qui n’est plus au pouvoir. A ce moment-là, je dois faire confiance à la justice congolaise.
Pour vous, quand doit se faire cette extradition ?
PM : Je lance un appel à son excellence M. le président de la République du Sénégal, M. Macky Sall. Son implication directe dans cette affaire pour qu’il y ait clarification. L’affaire Chebeya n’est pas une affaire politique, c’est une question de justice.
Vous considérez aujourd’hui que la vérité est en RDC ?
PM : C’est ça mon souhait. Ce serait mieux que la justice se fasse en RDC. C’est la justice pour nous tous, et la famille de Chebeya, et même pour le major Christian Ngoy qui est considéré comme en fuite, et même pour le général Numbi, et même pour moi-même. Quand il y aura le procès, il y aura un procès équitable pour tout le monde.
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