Formation d'un exécutif au Sud-Kivu : un équilibre entre forces politiques et promotion des compétences

La mise en place de nouvelles institutions provinciales fera bien la une des tractations politiques en ce mois de mai 2019. Alors qu’on chemine droit vers la dernière ligne droite pour la mise en place de l’équipe gouvernementale, au Sud-Kivu, la question de critérium reste sensible.

Au risque de ne pas retomber dans les erreurs du passé, il est impérieux, pour le duo Théo Ngwabije et Fiston Malago, de tenir compte des aspects purement objectifs afin de se trouver des collaborateurs susceptibles de rencontrer les désidératas du peuple.

Entre ce qu’on appelle « géopolitique » dans la province, l’équilibre entre forces politiques et promotion des compétences, les nouveaux patrons de l’exécutif provincial devront faire leur choix.

Depuis un moment maintenant, un amalgame sans issue s’orchestre autour des questions politiques au Sud-Kivu. Dès la mise en place de la troisième république, il se constate que la considération tribale a pris de l’ascendance, dans le rouage politique provincial, au point de devenir le principal critère de sélection dans le partage de responsabilités, surtout quand il s’agit des postes nominatifs.

Cette pratique, consacrée à travers les accords dits « de La roche », est sans doute génitrice d’une forme d’apaisement social apparent [bien que celui-ci ne tienne qu’à un fil en coton] entre les différents groupes tribaux de la province. Actuellement, s’il y en a qui peuvent se plaindre pour autre chose, aucun territoire du Sud-Kivu ne se dira non concerné par les conséquences de la gestion (bonne ou mauvaise) de la province sous la première mandature.

A ces jours, à quelque exception près, toutes les tendances tribales ont été associées à la gestion [quoique à des dimensions différentes], peu importe les résultats que cela a produit.

Les quatre axes principaux semblent avoir été desservis convenablement, bien que tous n’aient pas occupé la tête du gouvernement.

La « géopolitique » et ses faiblesses au Sud-Kivu

Aujourd’hui, les vendeurs de la distribution selon les axes géographiques semblent avoir emballé toute l’opinion dans la logique de sa théorie ; celle de la tribalisation de la vie politique de la province, comme si ce schéma était parfait.

Loin de ce que prêchent partisans de cette perception, le principe de la « géopolitisation » de la province du Sud-Kivu n’a pas eu que de biens le long de son application. Bien au contraire il a plus à se reprocher d’avoir promu, outre mesure, le tribalisme en lieu et place de la méritocratie, de la compétence et le principe du vivre ensemble.

Ce fut un moment où l’on pouvait nommer pour ministre une personne incapable de lire ne serait-ce qu’un discours, simplement pour pas que sa communauté se sente lésé.

L’on pouvait se voir attribuer un portefeuille qui n’a rien à voir avec ses atouts, rien que pour faire plaisir à telle tribu. Ce fut la vie du Sud-Kivu, pendant plus de treize ans ; et les conséquences sont connues. La province a stagné pendant toute cette période au point qu’aucun des quatre gouverneurs, ayant travaillé dans ce mandat, ne peut s’autoévaluer positivement.

Si l’approche « géopolitique » n’est pas pour l’heure évitable, elle ne pourrait constituer le seul ni le principal critère de sélection des animateurs des différents ministères. N’ayant pas été au rendez-vous des attentes de la population, cette donne devait être considérablement réformée.

Des héros peuvent venir d’ailleurs

Peu d’analystes se demandent aujourd’hui d’où serait né le démon de scission de la province alors que, pendant plus de treize années, sa gestion a été faite de manière collégiale.

Finalement, ne peut-on pas conclure que l’apaisement proviendra d’ailleurs que de la seule équilibration entre les huit tendances belligérantes qui se sont organisées en quatre axes ? Ne faudrait-il pas tenir compte de la seule tendance conciliante que tout le monde semble minimiser, si pas négliger ?

Les tambourinaires de la « géopolitique » divisent traditionnellement la province en quatre axes basés sur des tendances tribales. Il s’agit des axes Walungu-Kabare (majoritairement Bashi), Mwenga-Shabunda (domaine à prédominance Lega), Fizi-Uvira (dominé par les Bembe et les Bafulero) et Kalehe Idjwi (avec en tête les Bahavu).

Cependant, les pionniers de cette démarche omettent une circonscription aussi stratégique qu’importante qu’est la ville de Bukavu. Bukavu est certes le chef-lieu de la province du Sud-Kivu, n’est pas seulement le nœud central des huit territoires que compte la province.

De par sa multiplicité culturelle, Bukavu constitue à lui tout seul un nouvel axe qui vaille la peine d’être considéré comme tel. Il est en effet un dénominateur commun entre plusieurs cultures, dont celles venant d’autres coins du pays.

L’histoire de la ville de Bukavu montre que les héros, ayant fait sa fierté, ne sont qu’originaires des territoires du Sud-Kivu.

Il serait malhonnête et injuste de traiter de non-bukaviens des personnalités de la trempe du Général Mulamba, du Général Mbuza Mabe, de l’archevêque Emmanuel Kataliko, et bien d’autres, au vu des grands sacrifices qu’ils ont accepté de consentir pour le bien de la province et la ville de Bukavu.

Vers le début des années 2000, le Sud-Kivu a connu un magistrat exceptionnel qui est resté gravé en lettre d’or dans les annales de la justice en province. Feu, le procureur général Rigobert Patawule Ntiti a marqué l’histoire de la magistrature au Sud-Kivu par sa rigueur. Ceux-qui l’ont vécu témoignent d’un homme juste, qui musait à tout prix à l’application équitable de la justice. Pourtant, non originaire du Sud-Kivu, le procureur général Patawule s’est goulument battu pour l’indépendance totale de la justice. Il lui est reconnu le mérite de n’avoir jamais, le long de son séjour au Sud-Kivu, accepté de subir l’influence des autorités politico administratives.

Le  feu Charles Mwando Simba est de nos jours considéré comme l’un des meilleurs gouverneurs qu’aient connu la province du Sud-Kivu bien qu’ayant ses origine au Katanga.

Le nouveau gouverneur et son colistier, étant des fins connaisseurs du vécu quotidien de la province du Sud-Kivu, ne devraient pas tomber dans l’une des erreurs ayant présidé à l’échec de leur prédécesseurs, en promouvant la médiocrité pour faire plaisir à certains individus qui, du reste ne font que se servir de leurs appartenances tribales pour leur propre émergence politique.

Il sied de rappeler que depuis la mise en place de la nouvelle assemblée provinciale, certains politiciens montent les enchères et tentent de se mettre dans la peau d’aigris afin d’essayer de piocher plus gros tant pour eux que pour leurs proches. Un groupe est même allé jusqu’à préconiser la création d’une nouvelle province, dans le cas où la rétribution n’atteignait pas le degré de leurs attentes.

La balle est donc dans le camp de Théo Kasi Ngwabije, le seul habilité à départager les différentes tendances et mettre en place une équipe qu’il jugera favorable à sa compréhension de la gestion de la province.

Entre temps, le nouveau locataire de Nyamoma devra garder à l’esprit, qu’à l’instar de ses prédécesseurs, son mandat ne sera pas évalué en fonction de l’équité dans le partage des postes seulement, mais plus sur base de la qualité de services que rendront les hommes et les femmes dont il se sera entouré.