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Comment le gouvernement a privé sa population d’internet

2019-01-19
19.01.2019
Economie
2019-01-19
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En République démocratique du Congo (RDC), la population n’a toujours pas accès au web et aux réseaux sociaux, près d’une vingtaine de jours après les élections générales et la coupure de l’internet mobile. Comment le gouvernement fait-il pour soumettre les opérateurs à un tel « shutdown » numérique ?

Il y a toujours des messages d’erreur sur les smartphones congolais... vingt jours après les élections générales en République démocratique du Congo, le 30 décembre dernier, l’internet, l’internet mobile et les SMS sont toujours bloqués dans l’ensemble du pays.

Le 24 décembre 2018, au lendemain de la date initiale des élections générales, l’Autorité de régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo (ARPTC) contacte ce jour-là les quatre opérateurs mobiles congolais. Par courrier, il leur demande de restreindre l’accès aux « vidéos et images sur les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Viber, YouTube, Twitter ». Un document que RFI a pu se procurer.

 

Dans les faits, seuls les SMS ont été coupés à cette date, témoigne Blaise Ndola, blogueur congolais. La coupure des réseaux sociaux, elle, n’a eu lieu que le 31 décembre - « vers midi », indique Jean K.*, un professionnel du réseau basé à Kinshasa que nous avons décidé d’anonymiser - soit au lendemain de la date effective des élections, repoussées d’une semaine par la Commission électorale (Céni). Le gouvernement « s’est très vite rendu compte que ce n’était pas jouable », analyse Franck M.*, chercheur français en réseau informatique qui a également souhaité garder l’anonymat.

Le 31 décembre, la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT), établissement public qui gère la seule fibre sous-marine qui raccorde le pays à internet (appelée WACS pour West Africa Cable System), a coupé l’accès internet à certains fournisseurs d’accès (FAI) pour leur mettre la pression.

Néanmoins, les fournisseurs d’accès à internet, eux, ont poursuivi la coupure de l’internet mobile pour l’ensemble de la population. Or, celui-ci concerne pas moins de 80% du trafic dans le pays, selon des études croisées de l’Union internationale des télécommunications (UIT), de la GSM Association (GSMA) et d’autres organismes de recherche.

Des coupures protégées par un cadre légal

En RDC, ces injonctions du gouvernement sont tout à fait légales, en vertu de l’article 46 de la loi cadre du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC  :

La République démocratique du Congo n’est pas un cas isolé. Presque tous les pays possèdent une telle loi, assure Nnenna Nwakanma, de la Web Foundation, ONG de l’un des fondateurs du web Tim Berners-Lee qui milite pour un accès libre de l’internet à travers le monde. « La France en a une et l’Australie vient d’en voter une en décembre », précise-t-elle.

Selon la Web Foundation, il y a eu 109 coupures totales de l’internet dans une région ou dans un pays entier en 2017, contre seulement 75 en 2016. Les chiffres pour 2018 ne sont pas encore connus.

Souvent effectuées pour des raisons de défense nationale, ces coupures n’en sont pas moins une atteinte « à la circulation de l’information et contre le peuple », alerte Franck M.*. « Aux Philippines, pour le concours de Miss Univers 2017, il y a eu une coupure d’internet ! En quoi un concours de beauté devient-il une urgence sécuritaire ? », se révolte Nnenna Nwakanma.

En RDC, la mention « soit pour tout autre motif » dans la loi laisse le champ libre au gouvernement. Interrogée par la Web Foundation, la présidence congolaise a justifié sa décision par des « rumeurs » de personnes qui voudraient « publier des résultats non-officiels ».

Qu’est-ce qui a été coupé exactement le 31 ?

Internet est un réseau de réseaux. Les différents fournisseurs d’accès internet et les fournisseurs de contenus - tels que Google et Facebook - s’interconnectent sur ce qu’on appelle un point d’échange, un point physique unique, hébergé dans un même bâtiment. Le seul point d’échange en fonction en RDC se trouve à Kinshasa (KinIX). Il est géré par l’Internet Service Provider Association of DRC (ISPA), un consortium financé par tous les opérateurs du pays, dont les quatre opérateurs mobiles - Airtel, Vodacom, Orange et Africell - à qui la lettre du 24 décembre était adressée.

Ce consortium tient à jour un graphique qui montre le niveau d’échange total de bande passant en temps réel qui passe par KinIX, dont les 7 derniers jours sont visibles sur leur site. RFI a obtenu ce même graphique sur la période du 28 décembre 2018 au 17 janvier 2019. Il ne représente pas tout le trafic du pays, mais bien celui qui passe par le point d’échange KinIX - qui constitue néanmoins la très large majorité de l’ensemble.

 

 

En réalité, la coupure d’internet est visible car les services de Google et Facebook ne sont plus accessibles, d’où l’effondrement du trafic, explique Franck M.* Pour faciliter et accélérer la connexion à ces deux plateformes, dominantes dans le pays et ailleurs, les deux mastodontes ont installé des serveurs à Kinshasa, au plus près des internautes. Ceux de Google sont présents dans la capitale congolaise depuis trois ans et ceux de Facebook, seulement depuis six ou huit mois, selon nos informations.

Si l’on aperçoit bien une forte baisse du trafic à partir du 31 décembre, celui-ci ne tombe pas complètement à zéro ensuite. Pourquoi ? Tous les services mobiles (données mobiles, SMS et voix sur IP, VOIP - soit WhatsApp, Skype ou Viber) ont certes été coupés. Mais certains services et entreprises continuent à avoir accès à internet par connexions filaires (ADSL ou fibre optique).

Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut, elles ne concernent qu’une partie très minoritaire de la population congolaise. « Selon le discours du président l’année dernière, la couverture de la fibre optique est de 20% dans le pays, rapporte Blaise Ndola. J’ai fait mes recherches et ce sont des chiffres que je ne partage pas. »

Comment contourner le blocage ?

Pour les Congolais, il existe très peu de moyens de contourner ce blocage. « Il y a trois possibilités, énumère Blaise Ndola, blogueur basé à Goma, à la frontière est du pays. On peut aller au Rwanda ou utiliser une puce rwandaise et s’approcher de la frontière. Sinon, il y a quatre à cinq hôtel à Goma qui ont une connexion. Enfin, une semaine après la coupure, les entreprises de l’Etat ont vu leurs connexion être rétablie. Mais les employés n’avaient accès qu’aux e-mails et aux sites web, pas aux réseaux sociaux. Ils devaient, pour y accéder, utiliser des VPN [réseau privé virtuel, ndlr]. »

A Kinshasa, c’est Brazzaville, capitale de la République du Congo, de l’autre côté du fleuve Congo, qui reste la porte d’entrée privilégiée d’accès à internet, comme le Rwanda pour la ville de Goma. Le satellite, lui, est installé par quelques établissements (FAI, hôtels chics, banques, etc.) pour s’assurer d’une connexion en cas d’incident, par exemple. Celle-ci ne peut être coupée à distance, mais elle coûte très cher et n’est pas du tout à la portée des citoyens ordinaires.

« Il y a quelques opérateurs qui s’arrangent avec certains clients, qui doivent les protéger vis-à-vis des tenants du pouvoir », commence Jean K.*, qui a alerté Franck M.* sur la situation dans son pays. Une information confirmée par Blaise Ndola : « Orange a aussi laissé l’accès à quelques entreprises, mais sans les réseaux sociaux et avec une bande passante très réduite, qui ne permet pas de télécharger du contenu multimédia. »

Objectif n°1 des ONG : faire pression sur les opérateurs

Selon l’ONG Netblocks, au huitième jour sans internet, soit le 7 janvier, l’économie congolaise avait perdu plus de 22 millions d’euros à cause de la coupure.

Le jeudi 10 janvier, on aperçoit sur les graphiques un pic de connexion, qui retombe très rapidement. Africell, l’un des quatre opérateurs mobiles, « le plus fragile car le seul qui ne soit pas une filiale d’un grand groupe », a rétabli la connexion à ses utilisateurs pendant quelques heures, avant de la couper à nouveau. Pour Blaise Ndola, c’est un article du site Politico.cd annonçant le feux vert du gouvernement qui a induit le FAI en erreur. D’autres rumeurs de retour ont circulé ça et là, mais elles semblent ne pas avoir de fondement.

Pourquoi les opérateurs, qui pâtissent économiquement de ce « shutdown » numérique, se plient-ils aux ordres des autorités ? « Chaque opérateur a signé une licence d’exploitation avec le gouvernement, dans laquelle le premier s’engage à obéir, développe Nnenna Nwakanma. S’il n’obéit pas, on peut lui infliger des amendes ou même lui retirer la licence. » Généralement, ajoute-t-elle, le gouvernement appelle d’abord l’opérateur, qui demande un ordre écrit.

« Plus il y a de fournisseurs d’accès à internet dans un pays, plus il est difficile de le couper », poursuite l’activiste. L’Ethiopie, par exemple, ne possède qu’un seul opérateur, Ethio Telecom, propriété de l’Etat. Dans ce type de cas, l’Etat dépend entièrement des services du seul FAI, il n’est donc pas dans son intérêt de lui retirer sa licence. Il peut ainsi arriver que l’Etat menace les dirigeants de l’opérateur. En Somalie, il y a même eu des kidnapping après un refus d'obtempérer de la part d’un opérateur.

Selon nos sources, trois réunions ont eu lieu entre les opérateurs et le ministère de la Communication et des Médias de RDC, la première le 6 janvier et la troisième le 15. Les FAI ont demandé, lors de ces entretiens, le retour de l’internet. Sans succès, pour le moment.

« En France, un opérateur arrive à faire un bras de fer avec le gouvernement, pourquoi n’y parviendrait-il pas avec des pays comme la RDC ? », s’interroge Jean-Marc Bourguignon, de Nothing2Hide, une ONG qui lutte pour la protection de l’information. Son objectif, comme celui de l’ONG Access Now, est de faire pression sur les FAI. « Nous n’allons pas attaquer les opérateurs locaux, précise Jean-Marc Bourguignon. Ils ont de la famille, un travail… Le but, c’est d’interpeller les grands opérateurs (Orange Monde, Vodafone…) pour leur dire : "Via des filiales, votre marque va main dans la main avec des régimes autoritaires." »

 

 

Dans le pays, certains mouvements d’opposition font un travail de pression similaire sur les FAI, comme la Lucha à Goma, par exemple.

 

 

De nombreux blogueurs congolais utilisent aussi OONI Probe, une application développée par le Tor Project, un réseau d’activistes du web, pour détecter la censure**.

Contrairement à ce qui a pu se passer dans d’autres pays, comme en Egypte lors des printemps arabes, la coupure de ce début d’année en République démocratique du Congo ne demande pas d'avoir recours à des services extrêmement coûteux d’entreprises privées étrangères. Internet en tant que tel en RDC n’est pas filtrable. Le seul moyen de le bloquer, c’est de le couper pour les citoyens. Ce que le gouvernement a fait.

RFI a essayé de contacter le gouvernement congolais ainsi que la direction d’Orange RDC pour obtenir leur réaction, sans succès.

*Les noms ont été modifiés

** A l’échelle internationale, il existe aussi d’autres outils de surveillance du réseau : le plus connu est sans doute celui de Netblocks, largement relayé mais peu explicite sur sa méthodologie. Il existe aussi l’Internet Intelligence, de l’entreprise américaine Oracle, ou encore l’Internet Outage Detection and Analysis (IODA, pour Détection et analyse des coupures de l’internet), du Centre d’analyse appliquée sur les données de l’internet (CAIDA).


RFI / MCP, via mediacongo.net
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Vince Mutupeke @VJV8R63   Message  - Publié le 19.01.2019 à 23:33
Il y a certaines lois qu'il faut retirer du journal officiel, comment est-ce que un gouvernement peut priver toute une nation de la connexion internet ? infaisable.

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