Politique
Quelle semaine ! La scène politique en République démocratique du Congo a, une fois de plus, cristalisé toutes les tensions depuis le 11 et la désignation, par les leaders de l’opposition (Katumbi, Bemba, Tshisekedi, Kamerhe, Fayulu, Matungulu, et Muzito), regroupés au sein de la coalition Lamuka, d’un candidat unique en la personne de Martin Fayulu.
Le patron de l’ECiDé s’est imposé au nez et à la barbe de Matungulu, mais surtout de Kamerhe et de Tshisekedi. On sait désormais que cet accord a fait long feu. Moins de 24 heures après, les patrons de l’UDPS et de l’UNC reprenaient leurs signatures, annonçant qu’ils seraient chacun candidat.
Le front de l’opposition perdait de son éclat mais pas de son crédit. D’abord parce que les cinq autres leaders de l’opposition ont serré les rangs. Fayulu a gardé un profil présidentiel, ne s’abaissant pas « à tirer dans le dos des déserteurs », comme le constatait un député européen. Droit comme un « i », le « soldat du peuple », selon le surnom qu’il a acquis à Kinshasa, ne s’est pas départi de son rôle de rassembleur. A ses côtés, il peut compter sur le soutien indéfectible de deux « oncles » dont rêveraient tous candidats : Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba. Le premier a reconnu que Fayulu n’était pas son premier choix. Il a joué carte sur table avant de rappeler que les sept leaders de cette union s’étaient engagés à respecter le jeu démocratique, taclant au passage les deux candidats qui, eux, n’ont pas respecté leur engagement écrit. « Une trahison », dira Jean-Pierre Bemba, suggérant aux deux candidats « d’abandonner la politique », comme ils s’y étaient engagés à Genève en cas de non respect de leur signature. Derrière ces deux poids lourds, Fayulu peut aussi compter sur deux « frères » du Bandundu en la personne de Muzito et Matungulu.
Mauvais calculs
Evidemment, la course au pouvoir aurait pu être plus évidente sans les deux « défections » mais dans une élection à un tour, la coalition Lamuka conserve une solide avance sur tous ses adversaires, ce qui semble indiquer que le scénario qui est en train de s’inscrire n’avait pas été imaginé par la Kabilie.
La principale surprise est l’arrivée d’un candidat qui allie Bandundu et Kinshasa. S’ils avaient appréhendé ce scénario, jamais les tenants de la majorité n’auraient invalidé le « vieux » Gizenga, ni Adolphe Muzito. Le Palu d’hier a vécu, Muzito est dans l’opposition et soutient Fayulu, comme Matungulu ou Kamitatu. Sans oublier que le Bandundu (aujourd’hui scindé en trois provinces : Kwilu, Kwango et Mai-Ndombe) n’a jamais eu de président de la République, ce qui va encore booster la détermination des habitants de cette province contigüe à Kinshasa. Martin Fayulu va donc faire le plein de voix dans cette province et ce n’est pas la candidature de Kin Kiey Mulumba (génial créateur de la structure « Kabila désir ») qui changera la donne.
Fayulu, c’est aussi un ancrage à Kinshasa. Si l’homme a ses racines au Kwilu, c’est à Kinshasa qu’il a bâti sa carrière politique. Il y dispose donc d’une base, de relais sérieux dans les mouvements citoyens, sans compter, une fois de plus, sur le vote ethnique ou clanique. Des dizaines de milliers d’habitants du Bandundu sont venus s’installer par vagues successives dans la capitale toute proche, de quoi gonfler encore un peu plus l’électorat de Fayulu qui pourra aussi compter sur le soutien de Katumbi, candidat susceptible d’aller chercher des voix dans tout le pays et de Bemba qui a démontré, lors de son premier retour le 1er août dernier, qu’il avait conservé son matelas populaire dans la capitale.
Evidemment avec Bemba, c’est aussi tout l’Equateur (divisée désormais en cinq provinces) qui va voter comme un seul homme pour le candidat soutenu par le chairman : Fayulu (en 2006, Bemba avait fait 100% des voix dans cette province). Un constat qui vaut aussi pour la partie occidentale de l’ex-Province orientale (Bas-Uele et Tshopo).
A l’ouest, reste le Congo Central (ex-Bas Congo), une province qui ne dispose pas de grands noms sur l’échiquier politique mais qui se reconnaît toujours plus facilement dans le candidat de l’ouest, qui a quelques-uns de ses fils dans les geôles de la Kabilie et qui s’est souvent montrée très sensible aux appels du clergé catholique qui devrait annoncer la semaine prochaine son soutien au candidat unique de l’opposition.
Une alliance nationale
Si la Kabilie n’a pas vu venir la poussée à l’Ouest, elle doit aussi dire adieu à son bastion historique du Katanga. Même découpée, la province, qui a fait les beaux jours du clan Kabila, a tourné le dos au régime. Un retournement de situation imputable à Moïse Katumbi. L’ex-gouverneur, malgré son exil forcé, est toujours l’enfant chéri du grand Katanga. La Kabilie a perdu la province. Ici aussi la personnalité de Shadary ne sera d’aucun poids face à l’aura de Moïse Katumbi, soutenu par Gabriel Kyungu wa Kumwanza. Les consignes de ces deux-là permettront à Fayulu de raffler largement la mise.
Le soutien de Katumbi est essentiel pour le candidat de l’opposition quel qu’il soit et sur toute l’étendue du territoire. L’ex-gouverneur a su installer des bases et des relais dans tout le pays. Ensemble, sa plateforme, est sans conteste le plus bel outil politique en RDC. De Lumbi à Kamitatu en passant par Endundo ou Mwando, notamment, la structure couvre un large spectre des provinces avec de vrais acteurs politiques bien installés.
Toujours à l’est mais plus au nord, et les représentants de Lamuka le soulignent à chaque sortie, leur candidat peut aussi compter sur le soutien important de Mbusa Nyamwesi chez les Nande.
Morcellement de l’électorat qui ne rapporte rien à personne
Le double départ de Kamerhe et de Tshisekedi est évidemment une perte pour l’attelage de l’opposition mais une perte toute relative dans un scrutin à un tour. Kamerhe et Tshisekedi n’ont pas claqué la porte pour des divergences de point de vue mais pour répondre à l’appel de leur base. Kamerhe et Tshisekedi seront donc candidats. Les voix qu’ils recolteront ne grossiront pas l’escarcelle de l’opposition mais elles ne seront pas non plus ajoutées au viatique du dauphin.
Dans le dernier sondage Berci/Groupe d’étude sur le Congo à l’université de New York, Tshisekedi était crédité de 36% des intentions de vote au niveau national, loin devant Kamerhe et ses 17% qui devançait Shadary à 16%. Fayulu était en quatrième position.
Mais cette étude ne prenait pas en compte les mots d’ordre des barons de l’opposition. Tshisekedi dans l’Equateur contre Bemba, la donne a diamétralement changé. Idem au Katanga contre Katumbi. L’UNC de Kamerhe au Nord-Kivu contre Mbusa Nyamwesi ou en Province orientale en lutte frontale contre Bemba, c’est nettement moins fringant. A chaque fois, le constat est le même, Fayulu et ses « parrains » bénéficient de la nouvelle donne. Pour Shadary, rien ne change. L’homme ne dispose d’aucune marge de manoeuvre.
Une alliance UDPS – UNC ? Peu probable même si les deux hommes se sont vus ce vendredi 16 novembre (photo ci-dessous).
Kamerhe n’en démord pas, si Kabila a pu faire croire qu’il avait gagné en 2011, c’est de la faute de Tshisekedi qui n’a pas tenu parole et n’a finalement pas voulu faire aboutir le tandem qu’ils devaient mettre en place. Chez le fils du sphinx de Limete, tout le monde se méfie de Kamerhe et de sa capacité au slalom géant entre les familles politiques.
Une alliance d’un des deux avec Shadary ? En RDC tout est possible. Mais les deux hommes ont justifié leur revirement par un besoin d’écouter leur base qui leur demandait de se présenter.
On voit mal Kamerhe se mettre à plat ventre pour un candidat du Maniema.
Du côté de l’UDPS, a priori, cette union est très improbable. Le Kasaï a été le théâtre de violences terribles lorsque le candidat Shadary était encore ministre de l’Intérieur. Des dizaines de fosses communes, des milliers de morts et des dizaines de milliers d’exilés, le bilan est lourd, trop lourd, pour imaginer un instant l’UDPS, qui a toujours martelé qu’il aurait son candidat à la présidentielle, se retirer au profit du candidat FCC.
L’inverse est-il possible ? Shadary au service de Tshisekedi ? Peu probable. Le FCC peine déjà à se mobiliser réellement pour Shadary. Un changement de cap serait complètement indigeste pour les Kabilistes.
L’émiettement profite donc à l’opposition « Lamuka » dans un scrutin à un tour.
Le Maniema comme symbole
Le dauphin, lui, est donné vainqueur dans le Maniema, sa province. Il peut compter sur le relais de plusieurs barons de la Kabilie originaires de cette province (Matata, Thambwe,…). Mais même s’il devait empocher le Maniema, il ne pourrait revendiquer dans le meilleur des cas que 2,5% des voix au niveau national. Pas bien lourd. Dans l’opposition, on n’entend d’ailleurs pas laisser le champ libre à Shadary comme l’a démontré, ce vendredi à Kindu, l’accueil réservé à une délégation de la plateforme Ensemble.
« Tricher ou mourir »
Sans la machine à voter et sans le fichier électoral corrompu jamais Emmanuel Shadary Ramazani ne peut remporter les élections. Au sein même du FCC, la plateforme du pouvoir créée sur mesures (avec quels fonds?) pour le dauphin désigné par le président hors mandat, certains ne se font aucune illusion mais refusent d’entrevoir un scrutin démocratique. « On ne cèdera pas. On ira jusqu’au bout », explique un baron du Congo Central.
« Cela fat des années qu’on travaille sur ce scrutin, ce n’est pas pour le perdre. Tout aurait été plus simple avec Kabila comme candidat mais même avec Ramazani, nous avons les moyens de passer ». Quand on l’interroge sur la machine à voter, l’homme sourit et lache : « on ne peut plus faire marche arrière ». Une petite phrase qu’ont aussi prononcé Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, jeudi lors de la lecture de la Déclaration politique relative au Cadidat commun de l’opposition congolaise, mais pour justifier leur combat pour mobiliser les Congolais et pour exiger le retrait des machines à voter et la révision du fichier électoral.
Martin Fayulu dispose donc de solides atouts autour de lui mais il peut aussi capitaliser sur son image d’opposant « radical ». Etienne Tshisekedi parti, Bemba et Katumbi empêchés, ce rôle d’opposant inflexible est à prendre et ce caractère lui ramènera aussi des voix dans un contexte de dévalorisation de la classe politique.
« Sans tricherie, on l’emporte haut la main parce qu’on répond aux attentes du peuple congolais », déclarait récemment Moïse Katumbi.
Pour imposer son candidat, le pouvoir aura un besoin vital de la machine à voter et du fichier électoral « corrompu ». Les candidats que le pouvoir actuel peut mettre sur le terrain pour défendre son champion ne font pratiquement jamais le poids face à l’armada de l’opposition. La tricherie qui se prépare porte en elle les germes d’un chaos prévisble aux conséquences… imprévisibles. Les pays voisins le savent, l’Union africaine aussi, comme l’Union europénne et l’Onu. A bon entendeur…
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