Politique
On a dit : "subornation des témoins". De quoi s’agit-il exactement ? Est-ce : une partie de la corruption ? Un acte de corruption ? Une infraction de corruption ? Subornation et corruption, est-ce deux synonymes ? Dans les milieux des spécialistes du Droit pénal en RD Congo, le débat autour de ces deux concepts déchaine les passions. A chacun sa doctrine. Mais aussi, sa lecture comparée des textes en vigueur.
L’exercice est loin d’être un hasard ! Bien au contraire. Le débat semble avoir atteint son paroxysme dans un contexte particulier. Un environnement où, justement, l’un de principaux acteurs politiques congolais poursuivi à la CPI, pour subornation des témoins, attend le verdict de ladite Cour. Mais de quoi s’agit-il en réalité ? A cette question, Raphaël Nyabirungu Mwene Songa, Professeur émérite et Doyen honoraire de la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), ne balbutie pas.
"Il ressort du Droit pénal positif congolais, dans ses sources de droit interne et de droit international, que les atteintes à l’administration de la Justice sous forme de subornation des témoins constituent une entrave à la Justice et une forme de corruption", précise cette figure bien connue des étudiants de la Fac de Droit de l’Unikin, au cours d’une conférence de presse sur le thème : "La subornation des témoins et la corruption" mardi 31 juillet dernier à Kinshasa.
Pourquoi une telle rencontre avec les professionnels des médias à la veille du retour de Jean-Pierre Bemba au pays ? Quelle est donc la motivation du conférencier ? A cette question de la presse, le Prof répond sans trop chercher les mots. "En notre qualité de professeur émérite de Droit pénal, nous avons pensé que nous pouvions être en mesure d’apporter notre contribution au débat sur la subornation des témoins, en inscrivant l’échange avec les médias dans le cadre du lien nécessaire entre l’Université et la société. Le Prof de Droit pénal n’est pas le juge pénal. Mais il ne peut pas rester indifférent aux décisions du juge", déclare serein, Raphaël Nyabirungu, avant d’ajouter : "Nous ne sommes pas venus pour trancher un litige. Plutôt, pour donner un point de vue".
QUID DE L’ ARTICLE 129 DU CODE PENAL ?
Dans une salle où l’on a compté, aux côtés des journalistes, plusieurs scientifiques spécialistes des questions de Droit pénal, le Prof Raphaël Nyabirungu, est formel : "Une lecture superficielle des dispositions du Code pénal congolais peut difficilement asseoir la conviction selon laquelle la subornation des témoins serait une infraction de corruption ou rentrerait dans la définition de celle-ci", dit-il.
Par ailleurs, le conférencier rappelle que le Code pénal congolais définit la corruption et les infractions voisines au Titre IV consacré aux infractions contre l’ordre public. Ce, dans la section VII intitulée : "De la corruption, des rémunérations illicites, du trafic d’influence et des abstentions coupables des fonctionnaires".
Aussi, souligne le Prof, "la subornation des témoins n’apparait pas dans ces textes. Elle fait plutôt l’objet de l’article 129, section V du Titre III du Code pénal, intitulée : "Du faux témoignage et du faux serment".
A en croire le conférencier, l’article sus-évoqué stipule : "le coupable de subornation de témoin est passible de la même peine que le faux témoin, selon la distinction de l’article précédent". Il s’agit, selon le Prof, de l’article 128 qui détermine la peine selon qu’il s’agit d’un faux témoignage simple (5 ans de servitude pénale) ou aggravé par le sort du condamné à la servitude pénale à perpétuité. "Ainsi, au regard du Code pénal congolais, la subornation des témoins ne relève pas de dispositions relatives à la corruption ou aux infractions voisines", déduit le Prof Nyabirungu.
LA RDC ETANT ETAT PARTIE AUX TRAITES INTERNATIONAUX…
Le Prof Nyabirungu rappelle que le Droit pénal positif congolais en vigueur, ne se limite pas qu’aux dispositions du Code pénal congolais. Mais aussi, aux traités internationaux pertinemment ratifiés par le pays. A ce propos, l’alinéa 4 de l’article 153 de la Constitution du 18 février 2006, telle que révisée par la Loi constitutionnelle n°11/002 du 20 janvier 2011, stipule : "Les Cours et Tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour autant qu’ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs". Pas tout.
La même Constitution précise par ailleurs, en son article 215 : "Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie". C’est donc à ce juste titre que le conférencier rappelle trois Traités internationaux ratifiés en bonne et due forme par la RD Congo, considérant que ces derniers concernent précisément la question de subornation des témoins et de corruption. Le premier est la Convention des Nations-Unies de 2003, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Le second est la Convention de l’Union africaine du 11 juillet 2003 sur la prévention et la lutte contre la corruption. Puis, finalement, le Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale.
Selon l’orateur, la lecture croisée de ces textes acquiescés par la RD Congo ne laisse aucun doute possible, en ce qui concerne la subornation des témoins, en tant qu’infiltration de corruption, forme de corruption ou acte de corruption.
S’agissant de la Convention des Nations-Unies sus-évoquée, le Prof Nyabirungu rappelle que celle-ci énumère sans équivoque les actes constitutifs de la corruption, et l’entrave au bon fonctionnement de la justice. Il y apparait donc en bonne place, dit-il : "chaque partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d’infiltration pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement : au fait de recourir à la force physique, à des menaces ou à l’intimidation ou de promettre, d’offrir ou d’accorder un avantage indu pour obtenir un faux témoignage ou empêcher un témoignage ou la présentation des éléments de preuve dans une procédure en rapport avec la commission d’infractions établies conformément à la Convention".
Partant, l’orateur infère que la mise en œuvre d’une telle disposition par l’Etat congolais ne demande aucune initiative ou réforme particulière. Ce, dit-il, dans la mesure où la subornation des témoins, qui est une entrave à la justice, constitue déjà une infraction au Code pénal, en son article 129, et que toute autre formulation non prévue audit Code est applicable par le juge congolais, civil et militaire, du fait de la ratification de la Convention et ses dispositions pertinentes.
En ce qui concerne la Convention de l’Union africaine du 11 juillet 2003 se rapportant à la prévention et la lutte contre la corruption, le Prof Nyabirungu rappelle que le Code pénal congolais, tel que révisé en 2005, stipule que "la corruption s’applique à toute personne. C’est-à-dire agent public ou privé en tant qu’auteurs ou bénéficiaires des actes de corruption.
S’appuyant sur les différents instruments juridiques en vigueur, le Doyen honoraire de la Fac de Droit de l’Unikin, n’y va pas avec le dos de la cuillère. " L’entrave au bon fonctionnement de la Justice, dont la subornation des témoins n’est qu’une des modalités, rentre bel et bien dans la définition de la corruption, telle que définie par la Convention de l’Union africaine dont la RD Congo est un Etat partie ", martèle-t-il.
Pour ce qui est du Statut de Rome, le Prof explique que cet instrument international prévoit, en son article 70, 1.c, les atteintes à l’administration de la Justice. Par subornation des témoins, la même disposition entend " toutes les manœuvres visant à empêcher un témoin de comparaitre ou de déposer librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, destruction ou falsification d’élément de preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments".
Ainsi, conclut le Prof, "il ressort de l’analyse du Droit pénal positif congolais, dans ses sources de droit interne et de droit international, que les atteintes à l’administration de la justice sous forme de subornation des témoins constituent une entrave à la justice et une forme de corruption".
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