Politique
La date des élections a enfin été dévoilée, lors d'une cérémonie sous haute surveillance retransmise en direct par la télévision publique. Auparavant, des policiers armés avaient été déployés dans certains secteurs de la ville de Kinshasa, au cas où…
Les élections présidentielle, législatives et provinciales auront lieu le même jour : le 23 décembre 2018, selon la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui a égrené une litanie de dates et de chiffres superflus pour étayer son argumentaire. La publication de ce calendrier est intervenue quelques jours après le séjour à Kinshasa de Nikki Haley, l'émissaire du président Donald Trump. Après une série de rencontres avec des responsables congolais, la représentante des États-Unis à l'ONU, connue pour son franc-parler, s'était prononcée pour des élections « en 2018 », alors que Corneille Nangaa, le président de la Ceni, avait fait allusion à la tenue des scrutins « 504 jours » après la fin l'inscription des votants sur les listes électorales – ce qui donnait à penser que les électeurs seraient appelés aux urnes en… 2019.
L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, avec Corneille Nangaa Yobeluo, président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le 27 octobre 2017 à Kinshasa. © DR
La Ceni, dont l'indépendance est sujette à caution, est généralement perçue comme une structure au service du président Joseph Kabila qui n'est plus autorisé à briguer un autre mandat. Initialement prévue en novembre 2016, l'élection présidentielle, qui polarise l'attention du public, a, encore une fois, été différée. La Ceni met en avant des contraintes administratives, juridiques, logistiques et financières pour justifier ces reports successifs, dans le pays le plus vaste d'Afrique subsaharienne où des hélicoptères de l'ONU distribuent du matériel électoral dans des villages reculés et difficiles d'accès.
Le bail de Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et hors mandat depuis décembre 2016, a été tacitement renouvelé, au grand dam des principaux partis de l'opposition qui crient au scandale et promettent de tout mettre en œuvre pour faire pièce à ce qui semble, à leurs yeux, une manœuvre de la Ceni destinée à permettre au chef de l'État de rester le plus longtemps possible aux affaires.
« Nous rejetons catégoriquement ce calendrier. Tout a été construit pour donner les contours d'un calendrier imprécis qui viole la Constitution et l'accord du 31 décembre 2016 ainsi que la loi électorale », affirme Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province minière du Katanga et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle.
De son côté, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), l'un des piliers de l'opposition, parle d'un « non-événement ».
« Ce calendrier est un non-événement et ne nous concerne pas. C'est une provocation. Corneille Nangaa n'a fait que la volonté de son parrain qui lui donne des ordres », explique Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de l'UDPS.
La tonalité est différente du côté de la majorité présidentielle qui semble avoir accueilli l'annonce de la Ceni avec un brin de satisfaction. Dans un communiqué succinct, cette coalition de partis et d'associations favorables à Joseph Kabila a simplement appelé à la mise en œuvre du nouveau calendrier.
Cette photo prise le 06 décembre 2006 montre le Président congolais Joseph Kabila en train de faire une pause pendant sa cérémonie de prestation de serment à Kinshasa. © AFP/Lionel Healing
Un bras de fer à l'issue incertaine est désormais engagé entre l'opposition et la majorité présidentielle, rajoutant à la tension déjà perceptible dans le pays. L'opposition brandit l'article 64 de la Constitution, selon lequel « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Cependant, la même disposition précise également que « toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l'État. Elle est punie conformément à la loi ».
Les manifestants se rassemblent devant une voiture en feu lors d'un rassemblement de l'opposition à Kinshasa le 19 septembre 2016. © AFP/Eduardo Soteras
L'article 64, qui donne lieu à diverses interprétations et divise les spécialistes du droit constitutionnel, est sur toutes les lèvres.
« Nous avions déjà compris que Joseph Kabila tenait à s'éterniser au pouvoir et à ne jamais organiser les élections. L'UDPS considère toujours que la solution est l'application de l'article 64 pour obtenir une transition sans Joseph Kabila », martèle Jean-Marc Kabund. « Le mal congolais étant Joseph Kabila et ses comparses, dont fait partie Corneille Nangaa, seule l'application de l'article 64 pourra remettre les choses sur les rails. Nous avons toujours opposé l'application 64 à la non-application de l'accord de la Saint-Sylvestre (qui prévoit la tenue des élections au plus tard en décembre 2017) ».
L'homme d'affaires Sindika Dokolo, initiateur du mouvement citoyen Congolais debout qui prône le respect de la Constitution et le départ de Joseph Kabila, n'est pas en reste. « Joseph Kabila a créé les conditions prévues dans l'article 64 de la Constitution. Nous devons faire échec à ses manœuvres dès lors qu'il dirige ce pays en violation de la Constitution et par la force », explique le gendre de l'ex-président angolais Eduardo Dos Santos, qui se montre de plus en plus actif sur les réseaux sociaux.
« Il n'y a personne qui ignore la nature de ce régime et la stratégie en présence de laquelle nous nous trouvons. Mais ce qu'on attend, c'est avant tout la réaction de la population. La communauté internationale ne fera pas le travail que les Congolais ne seraient pas prêts à faire eux-mêmes pour sauver leur démocratie et imposer l'alternance. »
Les détracteurs du « système » qui semblent opérer en ordre dispersé envisagent de réfléchir ensemble à des stratégies communes de lutte. « La fin du sursis accordé à Joseph Kabila intervient en décembre. Il y aura une mobilisation générale de la population, de toutes les forces vives, des forces politiques et sociales pour mettre un terme à un pouvoir illégitime qui a totalement échoué dans sa mission. Aux termes de l'article 64 de la Constitution, on doit faire échec à ceux qui veulent conserver le pouvoir par la force. Aujourd'hui, Kabila est non seulement un dictateur, mais également un illégitime qui recourt à la ruse et à la violence pour conserver son pouvoir », explique Olivier Kamitatu. « Il y aura tout un calendrier d'actions communes de toutes les forces de l'opposition », affirme, pour sa part, Sindika Dokolo.
Les responsables de la frange la plus exigeante de l'opposition se montrent globalement optimistes quant à l'aboutissement de leur combat. Difficile de cerner sur quoi repose cet optimisme dans un pays où les manifestations sont régulièrement réprimées dans le sang. Les forces de l'ordre, censées encadrer les manifestants pacifiques, n'hésitent pas à tirer dans le tas.
Manifestant devant une affiche du parti d'Etienne Tshisekedi, l'UDPS. © AFP/Junior Kannah
Les manifestants ont-ils exorcisé leur peur ? Ont-ils atteint un point de non-retour ? Seraient-ils désinhibés au point de prendre le risque d'organiser des marches de protestation face à des policiers incontrôlés et capables de tuer en toute impunité ?
« Nous considérons qu'à partir du 31 décembre, Joseph Kabila n'est plus le président de la RDC. Le pays n'aura plus de président à partir de cette date. Nous allons appeler à la désobéissance civile généralisée dès aujourd'hui », affirme Sindika Dokolo. « Ce qu'il faut voir, c'est la capacité des forces vives à mobiliser la nation autour des thèmes forts. Je pense que tous les paramètres sont réunis. Les Congolais en ont marre. Ils ne sont plus dupes. Ils ne croient plus dans le jeu de Kabila. Ils sont désespérés, parce qu'ils se rendent compte qu'ils sont clochardisés, que leur pays court le risque de se déliter. La violence généralisée, les privations de liberté… Tout le monde en est conscient. Joseph Kabila a du mouron à se faire d'ici de la fin de l'année 2017. Je ne suis pas sûr qu'il fête le réveillon de nouvel an en RDC », ajoute-t-il.
« Le peuple qui, à longueur de journée, exprime déjà son ras-le-bol est prêt, tout ce que nous sommes en train de faire est de canaliser toutes ces énergies pour atteindre l'objectif qui est de chasser Joseph Kabila du pouvoir. Ce n'est pas aussi difficile qu'on peut le penser. Le peuple est déjà acquis à cette cause. Le problème de ce pays, c'est Joseph Kabila. Aussi longtemps qu'il sera au pouvoir, il n'y aura pas d'élections dans ce pays », déclare Jean-Marc Kabund. « Ou c'est la mort, ou c'est la patrie. Nous n'allons pas exposer le peuple congolais à la misère éternelle. Notre responsabilité, en tant que leader politique, est de prendre une décision et de l'assumer. Nous n'avons jamais exposé le peuple à la mort, mais nous demandons aux Congolais d'être conséquents et de se prendre en charge. Les manifestations pacifiques sont garanties par la Constitution », précise le secrétaire général de l'UDPS.
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