Politique
Bien que l'opposition en juge le bilan mitigé, la visite de l'ambassadrice américaine Nikki Haley en RDC pourrait marquer un tournant décisif dans la longue crise politique que vit le pays.
La visite, très attendue, visait à clarifier la position des États-Unis quant à l'organisation de l'élection présidentielle au Congo-Kinshasa. Donc Nikki Haley est venue.
Elle a vu. Elle s'est entretenue. Cela pourrait être un bon résumé de la visite de Nikki Haley en RDC, dans la foulée de son déplacement en Éthiopie puis au Soudan du Sud. L'ambassadrice américaine à l'ONU, qui a rang de ministre, est en première ligne sur les dossiers africains, délaissés par le secrétaire d'État Rex Tillerson et en l'absence de sous-secrétaire d'État aux Affaires africaines, toujours pas nommé.
Un voyage au pas de charge
Elle a donc passé son premier séjour sur le continent africain en RD Congo, une visite de trois jours, au pas de charge, qui l'aura d'abord menée à Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l'est du Congo, le vendredi 27 octobre en fin de matinée. Ensuite, à Kitchanga, à environ 80 km au nord-ouest de la capitale provinciale, dans le camp de Mungote, l'ambassadrice américaine a même versé quelques larmes. Face au témoignage d'une femme victime de viol, un phénomène qui revêt une ampleur dramatique dans cette région, elle n'a pas pu contenir son émotion. « Personne ne devrait vivre comme ça. Nous ne pouvons pas fermer les yeux », a-t-elle déclaré, sincèrement affectée.
Revenu à Kinshasa, où elle est arrivée jeudi 26 octobre, celle qui n'a jamais ménagé le pouvoir RD congolais, comme en témoigne sa vive réaction à l'occasion de l'élection de la RDC au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, a tout d'abord échangé avec Corneille Nangaa, le président de la Ceni, puis a rencontré les évêques de la Cenco, médiateurs dans l'accord dit de la Saint-Sylvestre du 31 décembre 2016, qui ont lourdement insisté sur la nécessité de mettre en œuvre rapidement trois préalables sans lesquels il ne pourra y avoir d'élections crédibles : l'impossibilité pour Joseph Kabila de se représenter, l'exécution des mesures de décrispation politique ainsi que la révision de la composition de la Ceni.
Lors de cet entretien, Nikki Haley a demandé aux évêques de « poursuivre leur mission entamée en 2016, et ce, jusqu'à son aboutissement : l'élection présidentielle ». Ensuite, Nikki Haley a vu certains des principaux responsables de l'opposition (Félix Tshisekedi, Pierre Lumbi, Eve Bazaïba et Vital Karmerhe).
Enfin, clou de cette visite, Nikki Haley s'est entretenue, le vendredi 27, aux environs de 15 h 30 heure locale, avec le président Joseph Kabila. Un entretien d'une durée de quatre-vingt-dix minutes, dont peu de choses ont (publiquement) filtré. On sait toutefois que, « conformément à l'ordre du jour », la situation politique, le processus électoral, la situation sécuritaire et le redimensionnement de la Monusco ont été abordés.
Le verre à moitié vide pour l'opposition
À lire les réactions des principaux leaders de l'opposition à l'issue de la visite de Nikki Haley, c'est la déception qui semblait dominer. Aucune critique directe, certes, mais un appel au peuple à se prendre en main. « Si d'ici le 31 décembre 2017, nous n'avons pas de signaux clairs comme quoi nous allons aux élections, eh bien, nous irons aux élections sans le président Kabila », a averti Pierre Lumbi, le président du Conseil des sages du Rassemblement.
Sur son compte Twitter, Sindika Dokolo, le gendre de l'ex-président angolais José Eduardo dos Santos, a tenu à galvaniser la jeunesse congolaise, au lendemain de la visite de Nikki Haley : « LesCongolaisDebout [nom donné à son mouvement] ne reconnaissent plus Kabila et confirment l'art 64.1. Nous nous battrons et résisterons jusqu'à la libération de la RDC. » En clair, aidons-nous nous-mêmes.
Un message sur lequel Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi – l'opposant numéro un à Joseph Kabila dont la réaction est très attendue, lui qui cultive des relations étroites avec Washington –, a rebondi en ces termes : « Il faudrait que nous soyons tous sots pour croire qu'après avoir tant usé de ruse et de violence Kabila décide de partir de son plein gré ! »
Sur Twitter, toujours, Claudel André Lubaya, député national et président de l'Udao, s'est voulu plus explicite encore : « Seule une transition citoyenne sans Joseph Kabila serait acceptable. Le peuple n'est pas prêt pour un schéma qui le maintienne même pour un jour » [après le 31 décembre 2017].
Si la critique reste voilée et le ton feutré du côté des responsables de l'opposition, le propos est plus direct du côté de leurs partisans : « C'est à ce peuple congolais, qui souffre déjà beaucoup, que l'Amérique de Trump voudrait ajouter une année de transition illégale, illégitime et criminelle ? » s'indigne sur son compte Facebook un militant se réclamant du Mouvement lumumbiste progressiste de l'opposant Franck Diongo.
Même son de cloche du côté des mouvements citoyens. La Lucha, qui avait publié le jour de l'arrivée de Nikki Haley à Kinshasa une lettre ouverte, intitulée « Kabila, le chaos en RDC, et le rôle des États-Unis », a vivement réagi sur Twitter après le départ du Congo de l'ambassadrice américaine : « Élections en 2016, 2017, et maintenant 2018 ? Quoi que les autres pensent, aussi puissants soient-ils, c'est au peuple que revient le dernier mot ! […] Notre peuple doit s'assumer, sous peine que les étrangers continuent à gérer sa destinée à leur manière et suivant leurs intérêts à eux. »
Si les réactions sont mitigées du côté de l'opposition, c'est parce que, d'une part, la date butoir du 31 décembre 2017 pour l'organisation des élections n'a pas été évoquée et que, d'autre part, l'hypothèse d'une transition sans Joseph Kabila n'a pas été mentionnée (du moins publiquement…) par les États-Unis. Au-delà, « certains opposants craignent qu'en évoquant la date de 2018 les États-Unis ne participent à démobiliser les Congolais que les mouvements d'opposition s'évertuent justement à mobiliser », explique un professeur en sciences politiques de l'université de Kinshasa.
Le code à 7 caractères (précédé de « @ ») à côté du Nom est le Code MediaCongo de l’utilisateur. Par exemple « Jeanne243 @AB25CDF ». Ce code est unique à chaque utilisateur. Il permet de différencier les utilisateurs.
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Réagir
Les plus commentés
Société Olive Lembe Kabila sur la perquisition de Kingakati : "Ils nous persécutent et créent expressément des dommages sur l'image de nos activités"
17.04.2025, 16 commentairesPolitique Guerre des puissants : la France défend le plan “controversé” de la CENCO-ECC, les États-Unis exigent le retrait “inconditionnel” des troupes rwandaises (Tribune)
19.04.2025, 12 commentairesPolitique Kabila à Goma : L’inquiétude monte et une tempête politique se profile à l’horizon
19.04.2025, 11 commentairesOnt commenté cet article
Ils nous font confiance