Politique
La délégation du Conseil de sécurité s’est envolée pour l’est du pays, Goma et Beni. Elle devrait ensuite se rendre en Angola. Samedi 12 novembre, la journée était consacrée à la crise politique et aux solutions pour y remédier. Les ambassadeurs auprès de l’ONU ont été reçus par le président et le Premier ministre. Ils ont ensuite rencontré les évêques de l’Eglise catholique qui tentent de rapprocher les points de vue. Et les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition ayant participé ou non au dialogue national, la société civile et les mouvements citoyens. L’occasion d’écouter la crise vue par les acteurs et surtout d'appeler au sens des responsabilités et à un processus plus inclusif.
La délégation du Conseil de sécurité dit être venue pour parler d’une seule voix. A sa tête, les ambassadeurs de France et d’Angola avec chacun leurs sensibilités. Quand le Français François Delattre parle d’une transition pacifique à la fin du mandat du président Kabila, l’Angolais Ismael Abraão Martins dit qu’un troisième mandat, ce n’est pas la solution en République démocratique du Congo.
Le Britannique Stephen Hickey relève sur Twitter (voir notre encadré) qu’à sa question sur un éventuel troisième mandat, Joseph Kabila a répondu qu’il était attaché à la Constitution, mais qu’elle pouvait toujours être modifiée. Les proches du président rétorquent que le chef de l’Etat a voulu marquer un point, éclairant son propos en montrant que le Conseil de sécurité était pointilleux sur cette question en RDC, mais pas chez ses voisins.
Les membres du Conseil de sécurité insistent surtout sur l’importance de condamner toute violence, d’un dialogue permanent, d’un processus politique plus inclusif et de mesures de confiance. Quand est évoqué le respect du droit de manifester, le représentant de l’Angola explique que manifester oui, mais jeter la jeunesse dans la rue peut entraîner le chaos. L’ambassadeur de France rappelle la nécessité posée par le Conseil de respecter de la liberté de la presse, qu’il faut rouvrir le signal de RFI. Au même moment, le gouvernement congolais publie un arrêté posant de nouvelles conditions à la diffusion des radios et télévisions étrangères dans le pays, comme une participation majoritaire des Congolais au capital de leur entreprise.
« Mission de routine »
Pour le sénateur She Okitundu, l’une des figures de la majorité, le Conseil de sécurité est surtout là pour s’informer, pas pour formuler des injonctions, ni pour vérifier l’application de la résolution de l’ONU. « Le Conseil de sécurité vient pour une mission de routine. Ce n’est pas la première fois qu’il y a une délégation du Conseil de sécurité, donc ici le Conseil est venu s’informer, écouter tous les acteurs politiques. Donc c’est un échange qu’il y a eu entre la majorité et l’opposition », assure-t-il.
L’ambassadeur Henri Mova, le secrétaire général du PPRD, le parti présidentiel, qui parle lui aussi de « mission de routine », trouve, lui, que l’important, c’est que chacun ait pu faire passer son message. « Nous avons eu de très bons échanges, le Conseil de sécurité a exprimé sa vision des choses, nous avons exprimé la nôtre et je crois que c’est une bonne chose que des échanges comme ça qui permettre l’intercompréhension entre nous. Nous n’avons pas de points de divergences avec le Conseil de sécurité », affirme-t-il.
«Nous n’avons pas de points de divergences avec le Conseil de sécurité qui a déjà exprimé sa ligne directrice avec ses différentes résolutions dont la fameuse 2277. Nous nous avons déjà exprimé notre vision de chose : le consensus, la stabilité, l’organisation des élections dans une atmosphère pacifiée avec beaucoup de compréhension », a-t-il indiqué.
Evoquant la question du dialogue, le secrétaire général du PPRD a souligné que les travaux de la cité de l’Union africaine sont à considérer comme un acquis autour duquel on peut bâtir autre chose, parce que l’accord politique trouvé est ouvert à tous ceux qui veulent y apporter leur contribution, afin que le pays aille dans la bonne direction.
Pour la société civile, c’est Georges Kapiamba de l’Association congolaise pour l’accès à la justice qui s’est exprimé. Il a surtout vu des convergences de vue sur la question du respect des droits de l’homme. « Nous avons trouvé beaucoup de points de convergences, notamment en ce qui concerne la nécessité et l’urgence de lever la mesure d’interdiction de manifestation et de réunion publique. Eux comme nous, nous avons compris qu’il s’agit de mesures illégales qui violent les engagements de la République démocratique du Congo sur le plan international. C’est ainsi que nous avons insisté pour que le signal de la RFI puisse être rapidement rétabli sans aucune condition », explique-t-il. Et d’ajouter encore à ces points de convergence, l’importance de la protection des membres de la société civile, la promulgation de la loi sur l’accès à l’information et la libération de tous les prisonniers politiques.
Pour le Mouvement de libération du Congo (MLC), il préconise la tenue de la présidentielle au 17 avril 2017. Sa secrétaire générale, Eve Bazaïba Masudi, l’a dit, samedi 12 novembre à Kinshasa, au sortir d’une audience avec les membres du Conseil de sécurité de l’ONU.«Le MLC et le Front pour le respect de la constitution, avons voulu mettre à contribution le délai constitutionnel supplémentaire de 120 jours. Qu'on organise l’élection présidentielle au plus tard le 17 avril, c’est-à-dire 120 jours à dater du 19 décembre 2016», a-t-elle souligné.
Eve Bazaïba estime qu’il ne sera pas question pendant cette période supplémentaire que le chef de l’Etat actuel reste en fonction:
«Nous avons souligné clairement qu’il n’était pas question pour le président Kabila de rester au pouvoir au-delà de la fin de son mandat d’autant plus que ça serait consideré dans l’opinion congolaise comme si on donnait une prime à quelqu’un qui, délibérément, a refusé d’organiser les élections alors que les moyens financiers et logistiques étaient là».
Elle a également boycotté l’accord issu du dialogue de la Cité de l’Union africaine qui, selon elle, a été un échec.
Le Rassemblement de l'opposition, qui a refusé l'accord politique signé entre la majorité et une frange de l'opposition, a également réagi par la voix de Christophe Lutundula du G7.
"Nous sommes tous d'accord sur le fait que le processus de recherche de solutions à la crise doit être un processus inclusif et crédible. Il faut donc des solutions concertées et consensuelles à la crise. Nous sommes tous d'accord aussi sur le fait que ce processus n'a fait que commencer." Christophe Lutundula
«La présence du Conseil de sécurité chez nous, nous réconforte d’autant plus qu’il y a, à la base, la résolution 2277 qui n’était que claire en ce qui concerne le mandat de M. Kabila ainsi que l’organisation des élections. Raison pour laquelle, nous demandons à cet organe suprême mondial de dire à M. Kabila de respecter la Constitution», a indiqué le coordonnateur interprovincial de cette plate-forme, Gabriel Kyungu wa Kumwanza.
Selon lui, le Rassemblement est d’accord avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) qui souhaite que l’on précise une date fixe pour les élections.
«Nous nous inscrivons dans cette logique. Dès lors que ces conditionnalités-là sont remplies, le Rassemblement va entrer en discussion avec le camp Tshatshi», a-t-il ajouté.
Un tweet qui fait parler de lui
Le représentant de la Grande-Bretagne dans la délégation du Conseil de sécurité a écrit sur le réseau social Twitter qu’à une question portant sur son éventuelle candidature à la prochaine présidentielle, le président Kabila aurait répondu que la Constitution de son pays ne le permettait pas, mais qu’il y avait toujours des mécanismes pour l’amender. Le Britannique s’est dit très préoccupé par ces propos.
L’auteur du tweet, le Britannique Stephen Hickey, avait posé la question à Joseph Kabila sur l’éventualité d’un troisième mandat. « Il a dit clairement qu’il était attaché à la Constitution, il a dit que c’était connu, mais il a aussi souligné que la Constitution pouvait être révisée. Mais je pense que parmi les acteurs politiques, il y a un consensus sur le fait qu’il faut la respecter », a-t-il expliqué.
Interrogé sur le fait que le président Kabila ait pu tenir ces propos devant le Conseil de sécurité, le sénateur She Okitundu, l’une des figures de la majorité, ne cache pas son étonnement. « Il faudrait alors demander des éclaircissements au président de la République, mais tout ce que je sais, c’est que la Constitution ne prévoit pas de troisième mandat, par conséquent, il ne peut pas y avoir de troisième mandat. »
Selon un proche du président, Joseph Kabila a surtout répondu à la question en évoquant son attachement à la Constitution. Il n’a ajouté la référence à la révision que comme un mécanisme existant. Pour preuve, sa remarque suivante : le chef de l’Etat congolais aurait souligné que le Conseil était particulièrement pointilleux sur cette question au Congo, mais pas dans les pays voisins.
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