Politique
« Indésirabilité » : c’est pour ce motif que le chercheur américain Jason Stearns a été expulsé, jeudi 7 avril, de Kinshasa. Son tort ? Officiellement, il lui est reproché d’avoir donné des informations erronées à la Direction générale de migration concernant son lieu de résidence dans la capitale congolaise. « C’est normal qu’il soit expulsé. C’est une infraction grave. En principe, il devrait même être arrêté pour espionnage », estime un haut responsable de l’armée.
Le directeur du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), qui travaille sur la République démocratique du Congo (RDC) depuis quinze ans, reconnaît avoir commis « par accident (…) deux erreurs mineures de procédure » au niveau de l’administration. « Mais je doute que ces irrégularités soient la raison de mon expulsion. Les officiels de l’immigration m’ont parlé plutôt de “raisons de souveraineté” et sur le document de renvoi la cause citée était “indésirabilité” », poursuit-il.
« Pour faire la confusion »
Il semblerait que soit plutôt le rapport préliminaire du GEC, intitulé « Qui sont les tueurs de Beni ? », publié le 21 mars, qui ait été jugé « indésirable » par Kinshasa. Le document dresse un portrait des auteurs présumés des massacres qui ont fait quelque 500 morts depuis octobre 2014 dans le territoire de Beni, situé dans la province du Nord-Kivu (est), chroniquement instable depuis plus de vingt ans. Il conclut, comme un rapport de l’ONU sorti en mai 2015, que la majorité des responsables appartient à la rébellion musulmane ougandaise des Forces démocratiques alliées (ADF) ou à des groupes armés alliés, et met en cause certains militaires congolais.
Le rapport est « totalement diffamatoire », peste le ministre de la défense, Crispin Atama Tabe. « Certains groupes armés utilisent frauduleusement la tenue des forces régulières, justifie-t-il. La RDC ne produit pas de tenues militaires. Rien n’empêche les souteneurs des groupes armés de (…) ravitailler ces bandits pour créer la confusion », lance-t-il, sans citer de complices potentiels.
Le haut responsable de l’armée congolaise renchérit, affirmant que Jason Stearns a fait preuve de « malveillance » ou a été « manipulé ». Ce que réfute l’intéressé. « Notre rapport préliminaire est basé sur plus de six mois de travail sur le terrain et plus de 110 témoignages. Nous avons parlé avec des rescapés, des participants et des autorités locales. Par ailleurs, les FARDC [armée congolaise] ont elles-mêmes arrêté plusieurs de leurs soldats pour complicité avec les ADF et les tueries, donc cette affirmation m’étonne. »
Le 29 novembre 2015, de présumés rebelles ADF avaient mené des attaques simultanées meurtrières à Eringeti, dans l’extrême nord du territoire de Beni. Le 2 décembre 2015, face à la presse, la Mission de l’ONU (Monusco), qui appuie l’armée sur le terrain, a rappelé le phénomène de mutation de l’ADF. « Pour faire la confusion, ils opèrent complètement en tenue FARDC, certains complètement en civils », a précisé le général Jean Baillaud, numéro deux de la force de la Monusco. Difficile de s’y retrouver ? « Nous sommes très sûrs des conclusions de notre rapport, mais il reste beaucoup à faire : nous devons travailler davantage sur la chaîne de commandement, et la motivation derrière les massacres », confie Jason Stearns. Sous couvert d’anonymat, un officier supérieur de la Monusco explique n’avoir « aucune preuve » que des militaires congolais ont joué un « rôle actif » dans les massacres, mais qu’il ne fait « aucun doute que des ADF, mais certainement plus des barons locaux, ont corrompu des soldats » pour qu’ils se montrent « passifs » en cas d’attaque.
« Répression » pré-électorale
Malgré ses efforts, Washington n’a pas pu empêcher l’expulsion de son ressortissant. L’ambassadeur américain James Swan a partagé son « regret » sur Twitter le 9 avril que Jason Stearns « ne puisse pas rester en RDC pour ses recherches ».
L’ONG Human Rights Watch a condamné « fortement » ce départ forcé qui marque, selon elle, un nouvel épisode dans la « répression » pré-électorale. Car les tueries de Beni ne sont pas le seul sujet de recherches de Jason Stearns, qui compte déposer une nouvelle demande de visa pour mener à bien son rapport sur le processus électoral, tellement englué que le report de la présidentielle, initialement prévue en novembre, semble inévitable.
Alors que l’opposition accuse Joseph Kabila, dont le mandat s’achève le 20 décembre 2016, de vouloir s’accrocher au pouvoir, le chercheur américain tentera de répondre à plusieurs questions : « Est-il possible de tenir les élections en 2016 ? Sinon, quelles sont les options à mettre sur la table ? Quelles sont les faiblesses majeures du processus électoral et les recommandations à faire au gouvernement, aux bailleurs de fonds, à l’opposition et à la société civile ? » Pas sûr que Kinshasa lui octroie un visa d’ici là.
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