Bruxelles: tête-à-tête Katumbi-Tshisekedi, combat commun pour l’alternance ?

L’avenir de la démocratie congolaise se jouera avec Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS. Courtisé de partout, le sphinx de Limete pèsera de tout son poids dans l’alternance démocratique au sommet de l’Etat. Depuis Bruxelles, son lieu de convalescence, il multiplie des contacts. Entre Moïse Katumbi, candidat désigné du G7 à la présidentielle, et le vieil opposant un accord se précise. Les deux conviennent d’un « combat commun pour l’alternance en RDC ».

Icône de la démocratie en République démocratique du Congo, Etienne Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), a toujours un mot à dire sur la scène politique congolaise. Malgré son âge avancé – 83 ans révolus – le lider maximo pèse toujours. Il aura battu le record de longévité dans son pays.

Lorsque de mauvaises langues le jettent prématurément dans la poubelle de l’histoire, il s’agit sans nul doute d’une erreur d’analyse. Car, Etienne Tshisekedi retrouve toujours les moyens de rebondir. Ainsi, malgré son long séjour à Bruxelles, pour raison de santé, Etienne Tshisekedi continue à influencer la vie politique en RDC. Ses détracteurs devront déchanter. Quand il a quitté Kinshasa dans un état presque fragile, personne ne lui donnait les chances d’avoir un mot à dire.

Mais, depuis un temps, tous ne jurent que par Tshisekedi. La Majorité présidentielle qui l’a vilipendé au lendemain des élections de novembre 2011 lui voue désormais un culte que d’aucuns ne pouvaient s’imaginer il y a quelques années. Dans la MP, Etienne Tshisekedi devient l’opposant le plus fréquentable. Il ne se passe plus un mois sans que les émissaires du chef de l’Etat, Joseph Kabila, ne fassent le déplacement de Bruxelles pour prendre langue avec le lider maximo.

Dans la fièvre du dialogue, le centre névralgique de la politique s’est déplacé vers la capitale belge. Edem Kodjo, facilitateur désigné par l’Union africaine dans la tenue du forum politique prôné par Joseph Kabila, n’a pas dérogé à la règle. Après tous des entretiens avec différentes parties congolaises à Kinshasa, l’émissaire de l’UA a terminé ses consultations à Bruxelles. Avec Etienne Tshisekedi.

Pourquoi Etienne Tshisekedi attire autant de monde autour de lui ? En réalité, Tshisekedi récolte les fruits de toutes ses années de lutte pour la démocratie en RDC. L’homme incarne un idéal ; un espoir de tout un peuple. De ce point de vue, on voit mal Tshisekedi renier le sens de son combat en compromettant ses chances d’entrer définitivement au Panthéon de l’histoire nationale.

Malgré tous les yeux doux que lui fait la Majorité – la même qui l’a martyrisé pendant des années – Etienne Tshisekedi sait maintenir le cap. Il est resté égal à lui-même quant à la défense des valeurs démocratiques et républicaines dont le point d’orgue reste le bien-être du peuple congolais.

Aujourd’hui, c’est avec Moïse Katumbi Chapwe, gouverneur honoraire de l’ex-province du Katanga, candidat désigné du G7 à la présidentielle de 2016, que Tshisekedi entend conclure son combat. Les deux partagent désormais une vision commune, c’est-à-dire l’alternance démocratique en RDC. En cette année électorale 2016, Katumbi et Tshisekedi ont convenu d’associer leurs efforts et de regarder dans la même direction.

Les deux personnalités ont eu, le lundi 4 avril 2016 à Bruxelles, une réunion très intéressante. Côté Moïse Katumbi, on a noté, notamment, la présence de son frère aîné, Katebe Katoto, réputé proche de Tshisekedi, et Salomon Idi, son plus proche collaborateur. Côté lider maximo, s’alignaient, entre autres, Félix Tshisekedi, secrétaire national en charge des relations extérieures à l’UDPS, et Bruno Tshibala, porte-parole du parti. La photo de famille sur le compte twitter de Moïse Katumbi démontre l’ambiance détendue dans laquelle se sont déroulés ces échanges.

La vérité est qu’Etienne Tshisekedi est resté constant. Il n’a pas transigé sur ses positions tranchées. Lorsque la Majorité présidentielle croit l’avoir enfermé dans son panier du dialogue politique national dont le fonds demeure occulte, Tshisekedi s’en extrait subtilement. Il est respectueux des principes et règles de jeu.

Il nous revient de Bruxelles que les deux parties ont dévidé sur ce qui les réunit, notamment le respect de la Constitution, la tenue d’élections, particulièrement la présidentielle, dans les délais constitutionnels, le respect des droits de l’Homme. La résurgence de la répression, la restriction des libertés fondamentales à l’encontre des leaders de l’Opposition ont également figuré à l’agenda des échanges entre Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi.

Au moment où des indiscrétions annoncent le prochain retour à Kinshasa du président national de l’UDPS, l’on sait dire avec exactitude de quel côté se penche son cœur. En tout cas, ce n’est pas dans les bras de la Majorité présidentielle qu’il va tomber. Leurs divergences sont tellement profondes que l’on voit très mal le sphinx de Limete s’associer à des gens qu’il a toujours combattus et qui lui ont « volé » sa victoire à la présidentielle de 2011.

Pas de doute possible en 2016. Etienne Tshisekedi va rouler avec Moïse Katumbi. En divorçant du PPRD, ipso facto de la Majorité présidentielle, Moïse Katumbi a jeté le pont qui le relie directement à Tshisekedi. Voilà qui fera sûrement la grande annonce de Tshisekedi à son retour tant attendu à Kinshasa.

Candidat désigné du G7 à la présidentielle de 2016, Moïse Katumbi va certainement tenter d’intégrer le G7 dans le combat de tous les jours que mène Etienne Tshisekedi. On n’est donc plus loin d’une alliance G7–UDPS, avec Moïse Katumbi comme point d’ancrage.

Dans ces conditions, la Majorité présidentielle ferait mieux de revoir ses calculs. L’identité de vues entre Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi fait que le projet du dialogue politique tend à se dérober sous les pieds de la famille politique du chef de l’Etat.