Economie
Alors que la France classe sans suite la plainte de la RDC contre Apple, la question des minerais et de leur rôle dans le conflit congolais reste entière.
Les relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda sont rompues, tandis que le M23 continue de semer la panique dans le Kivu après avoir pris le contrôle de Goma et Bukavu. Ce groupe armé progresse rapidement car il dispose des conditions favorables à son ascension : il a mis la main sur des mines extrêmement lucratives et extrait des minerais dits « de sang » – tungstène, cobalt, coltan ou or – des ressources incontournables pour l'industrie technologique mondiale.
Dans la mine de Rubaya, en République démocratique du Congo, enfants et adultes s'activent, pioches et pelles à la main, pieds immergés dans la boue. Des Congolais, mais aussi des Chinois, suivent une cadence effrénée, intenable pour les enfants, qui ne devraient pas y travailler. Du matin au soir, et parfois la nuit, ils creusent la roche avec des lampes torches et passent le fruit de leur labeur au tamis, à la recherche du précieux coltan.
De loin, des hommes armés surveillent cette ruche où des centaines de travailleurs s'activent en silence, dans des conditions insalubres, terrorisés à l'idée d'un éboulement fatal. Cette mine appartient au groupe rebelle M23, mouvement essentiellement composé de Tutsis congolais, auquel près de 3 000 Rwandais prêteraient main-forte. Elle produirait entre 20 et 30 % du coltan mondial, faisant de cette zone le cœur névralgique de l'extraction de ce minerai. Selon un rapport de l'ONU, le M23 exporte désormais 120 tonnes de coltan par mois vers le Rwanda et les taxes qu'il prélève sur cette production lui assurent un revenu estimé à 800 000 dollars mensuels. Une manne qui lui permet d'acheter des armes et de rémunérer ses troupes, dont les effectifs ne cessent de croître.
Une guerre alimentée par les minerais
Le 5 février, le M23 a poursuivi son avancée et s'est emparé de la cité minière de Nyabibwe, située à 100 kilomètres de Bukavu. Outre le coltan, on y trouve de l'étain et du tungstène, d'autres minerais prisés sur le marché mondial. Le coltan, lui, reste un composant essentiel pour les fabricants de smartphones : il joue le rôle de régulateur de chaleur, évitant ainsi la surchauffe des appareils électroniques. Il contient du tantale, utilisé dans la fabrication des téléphones, ordinateurs portables, appareils photo et consoles de jeux. Les deux tiers des réserves mondiales de coltan se trouvent à l'est du Congo.
Mais le M23 ne s'arrête pas au coltan. Depuis sa création, ce groupe rebelle a pris le contrôle de plusieurs autres mines, notamment celles de cobalt. La RDC détient à elle seule 70 % des ressources mondiales de ce métal, indispensable à la production des batteries électriques. L'or constitue également un enjeu majeur pour le M23, dont l'exploitation illégale est devenue un moteur de financement. Selon le Trésor américain, plus de 90 % de l'or produit en RDC est exporté clandestinement via le Rwanda et l'Ouganda, pays frontaliers.
Les ressources en minerais ne sont pas infinies. Le coltan, par exemple, est un minerai non renouvelable et ses gisements exploitables s'épuisent progressivement. Pourtant, les géants de la tech mondiale, en quête de croissance rapide, cherchent à maximiser leurs profits avant que ces ressources ne deviennent trop rares. Depuis les années 1990, l'industrie numérique a connu une croissance annuelle de plus de 10 %. La demande mondiale en minerais ne cesse d'augmenter, tandis que le secteur de la tech, peu affecté par les crises économiques, continue d'en dépendre pour produire toujours plus d'appareils.
L'industrie de la tech face à ses responsabilités
Face à cette situation, plusieurs ONG comme Amnesty International ont dénoncé les pratiques de grandes marques comme Apple, Sony et Samsung. Celles-ci sont accusées de s'approvisionner en minerais via des négociants liés à des mines exploitées illégalement et où le travail des enfants est monnaie courante. L'enjeu est crucial : l'industrie de la tech doit repenser ses approvisionnements et adopter une approche plus responsable.
En 2023, Bruxelles et Kigali ont signé un accord pour garantir un approvisionnement « durable » en minerais vers l'Europe. Une promesse jugée cynique par de nombreux observateurs, sachant que 90 % des minerais exportés par le Rwanda proviennent illégalement du Congo.
Côté RDC, l'heure est à l'action. Bestine Kazadi, ministre déléguée en charge de la Coopération internationale et de la Francophonie congolaise, a récemment exhorté l'Union européenne à suspendre son protocole d'accord avec le Rwanda. « Il est inacceptable que des minerais extraits illégalement, au prix du sang des Congolais, puissent être commercialisés sous couvert de durabilité », a-t-elle déclaré.
Cette exploitation illégale alimente directement le conflit en cours et entraîne de lourdes pertes économiques pour la RDC. Face à cette situation, Kinshasa a récemment porté plainte en France et en Belgique contre Apple, accusant la marque de dissimuler l'origine illégale des minerais utilisés dans ses produits.
Depuis les années 1990, ce sont les populations civiles qui paient le prix fort de cette guerre économique. Selon l'ONU, ce conflit a déjà causé plusieurs millions de morts et 7 millions de déplacés. À cela s'ajoutent les 500 000 personnes ayant fui Goma la semaine dernière et les 2 700 morts recensés lors de la prise de la ville par le M23. Dans ce chaos, le choléra se propage rapidement, frappant une population déjà vulnérable.
Au cœur des violences, les civils sont les principales victimes. Des organisations humanitaires rapportent une hausse alarmante des violences sexuelles : selon l'ONU, les cas de viols dans l'est de la RDC ont explosé depuis une dizaine de jours.
Alors que le conflit continue de ravager le pays, une question demeure : jusqu'où ira le M23 dans sa quête de pouvoir et de contrôle sur les richesses du Congo ?
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