Incendies de Los Angeles : les Jeux olympiques de 2028 sont-ils en péril ?

Les violents incendies qui ont ravagé des quartiers entiers de Los Angeles ont causé d'importants dégâts se chiffrant à des milliards de dollars. Cette tragédie a aussi suscité de multiples questions. Alors que la ville doit organiser les Jeux olympiques et paralympiques de 2028, de nombreux observateurs s'interrogent sur la capacité de la cité des Anges à accueillir un tel événement dans une région en proie aux catastrophes naturelles.

Il est l'un des visages des victimes des incendies de Los Angeles. Le nageur américain Gary Hall Jr a perdu sa maison, située dans le quartier huppé de Pacific Palisades. Face aux flammes, le champion n'a eu le temps de prendre que son chien, l'insuline dont il a besoin pour traiter son diabète, une peinture de son grand-père et un objet religieux. Il n'a pas pu mettre à l'abri les dix médailles qu'il avait décrochées lors de trois éditions des Jeux olympiques entre 1996 et 2004 (cinq en or, trois en argent et deux en bronze). "Aurais-je pu rester 30 secondes de plus et peut-être prendre les médailles ? Je n'étais pas prêt à prendre ce risque", a-t-il raconté au Los Angeles Times.

Face à la détresse du sportif, Thomas Bach, le président du Comité international olympique, a assuré, dimanche 12 janvier sur son compte X, que Gary Hall Jr allait recevoir des répliques de ces médailles. "Nous sommes pleinement solidaires des citoyens de Los Angeles et emplis d'admiration pour le travail inlassable des pompiers et des forces de sécurité", a-t-il ajouté. "Actuellement, l'accent doit être mis sur la lutte contre les incendies et sur la protection des personnes et des biens".

Des appels à l’annulation des JO

Alors que ces violents incendies continuent de menacer Los Angeles, la priorité est effectivement donnée aux opérations de lutte contre le feu. Mais dans les médias américains, la polémique enfle déjà sur la capacité de la ville à recevoir les prochains Jeux olympiques et paralympiques en 2028. Thomas Bach n'a bien entendu pas abordé le sujet, mais certains n'ont pas tardé à mettre le débat sur la table.

Sur son compte X, le polémiste Charlie Kirk, proche de Donald Trump, a appelé à l'annulation des Jeux de Los Angeles, bastion démocrate. "Si vous ne pouvez pas remplir une bouche d’incendie, vous n’êtes pas qualifié pour accueillir les Jeux olympiques" a-t-il écrit sur le réseau social, tout en proposant de déplacer les Jeux olympiques à Dallas ou à Miami "afin que les athlètes du monde entier puissent concourir dans un endroit capable de garantir leur sécurité". Autre figure de l'extrême droite, le commentateur politique Jesse Watters a déclaré, vendredi, sur Fox News, "qu'il n'était pas possible de présenter Los Angeles au reste du monde".

Interrogé par le New York Times, Eric Sheehan, l'un des responsables du NOlympics LA, un organisme opposé à la tenue des JO de 2028, en a lui aussi profité pour monter au créneau. Selon lui, les incendies sont une preuve supplémentaire que l'olympiade ne doit pas avoir lieu : "Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’investir l’argent public, le temps et l’énergie du personnel municipal et le développement des infrastructures pour un divertissement télévisé mondial alors que nous devons répondre à cette crise".

Des problèmes d’assurance

Quelques experts ont également soulevé les risques liés au fait d'organiser le plus grand évènement au monde dans une région régulièrement en proie aux incendies. "La situation est grave et vu l'évolution liée au réchauffement climatique, on peut se demander si cette situation pourrait se répéter, possiblement pendant les Jeux", a ainsi expliqué Simon Chadwick, professeur d'économie du sport et de géopolitique à l'école de commerce Skema à Paris, au quotidien britannique The iPaper. Ce spécialiste a également souligné les éventuels problèmes d'assurance qui pourraient toucher les JO de Los Angeles.

En raison du report des Jeux de Tokyo en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, les sociétés d'assurance ont enregistré des pertes de deux milliards de dollars. En conséquence, le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris n'avait pas réussi à souscrire une protection en cas d'annulation. Le même cas de figure pourrait se produire pour les organisateurs des JO de Los Angeles. "Le nombre de compagnies d’assurance prêtes à payer la note face à ce risque diminue et celles qui sont prêtes à le faire factureront des sommes énormes", souligne ainsi un expert du secteur auprès de The iPaper.

Une ville au cœur d’une multitude d’événements sportifs

Pourtant, jusqu'ici aucun des 80 sites olympiques déjà annoncés n'a été directement affecté par les incendies qui ont fait au moins 24 morts et détruit plus de 12 000 bâtiments depuis une semaine. Le parcours de golf du Riviera Country club a été épargné, alors même qu'il se situe dans le quartier dévasté de Pacific Palisades. Le campus de l'Université UCLA, qui servira de Village olympique, n'a pas non plus été touché, malgré sa proximité avec la zone des incendies.

Les feux ont toutefois chamboulé le monde sportif américain. La rencontre de NFL entre les Los Angeles Rams et les Minnesota Vikings a été délocalisée, lundi 13 janvier, dans l'Arizona, une première en raison d'une catastrophe naturelle. Les matches de NBA des Los Angeles Lakers et Clippers et de NHL des LA Kings ont aussi été reprogrammés.

Pour Jadrian Wooten, professeur à Virginia Tech, la question centrale dans les mois et les années à venir sera de savoir de quelle façon les ressources de la ville vont être consacrées "à la revitalisation des zones dédiées aux Jeux olympiques par rapport à celles dédiées à la lutte contre de futures incendies de forêt". "Il sera essentiel d'équilibrer ces deux priorités pour déterminer si Los Angeles a à la fois l'argent et la capacité de gérer un événement de cette ampleur parallèlement à la réponse aux incendies de forêt", a résumé cet expert auprès du New York Times.

Faire briller Los Angeles

En réponse à ces inquiétudes, Casey Wasserman, le président de LA2028, a déclaré dans un communiqué qu'il était convaincu que Los Angeles se remettrait des incendies et qu'ils ne compromettraient pas les Jeux olympiques. "Los Angeles se définit par sa résilience et sa détermination", a-t-il assuré. "La force de nos communautés et notre unité dans les moments difficiles rendent cette ville extraordinaire, et lorsque Los Angeles accueillera le monde en 2028, notre esprit brillera plus fort que jamais."

Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a lui aussi affirmé à NBC que les préparatifs pour les Jeux de 2028 et pour la Coupe du monde de football 2026, dont huit matches sont prévus à Los Angeles, étaient bien lancés. Selon lui, la multiplication des grands évènements sportifs à LA ces prochaines années (Coupe du monde des clubs 2025, NBA All-Star Game 2026, Superbowl 2027) doit être vue comme une opportunité, notamment par le prochain président Donald Trump. "C'est une opportunité pour lui de briller, pour ce pays de briller, pour la Californie et cette communauté de briller", a-t-il déclaré dans l'émission "Meet the Press".

Dans ces pages, le New York Times n'hésite pas à faire le parallèle avec la France et son président Emmanuel Macron, qui a supervisé "la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris en cinq ans, comme il l'avait promis". Selon le quotidien américain, les dirigeants de Los Angeles, ville qui a déjà accueilli les JO en 1932 et 1984 "sont convaincus que la ville rebondira et sera l'hôte de Jeux d’été magnifiquement organisés".