Monde
Guerre commerciale, sanctions technologiques, nouvelles routes de la soie, course à l’armement dans l’Indo-Pacifique… Le dénominateur commun de ces points d’achoppement entre les États-Unis et la Chine est leur caractère inextricablement politique et économique. L’économie politique internationale s’avère alors être une boussole analytique féconde permettant d’identifier les ressorts et la durabilité de la rivalité entre les deux superpuissances, ainsi que les risques géopolitiques accrus qui en découlent.
Au même moment, la Chine traverse également une crise économique qui ouvre la voie à la transformation capitaliste du pays. Les autorités à Pékin y associent l’espoir d’une accélération du développement qui passe entre autres par l’ouverture économique. La Chine intègre donc la mondialisation en cours de route, en y occupant une place subordonnée. Flairant la bonne affaire, les multinationales américaines perçoivent immédiatement le potentiel lucratif d’une main-d’œuvre très bon marché.
Le calme trompeur de la mondialisation
L’alliance de circonstance entre des communistes chinois et des capitalistes américains cache des motivations divergentes. Côté chinois, la participation à la mondialisation se fonde sur l’espoir d’accélérer le développement national. Côté américain, cette participation reflète la volonté de redresser les rendements. Les dirigeants politiques et économiques américains ne sont donc pas favorables à n’importe quelle participation de la Chine à la mondialisation. Ils veulent seulement lui accorder une place subordonnée. Ces attentes divergentes quant à la place de la Chine dans la mondialisation forment la racine profonde des tensions actuelles.
Dans un premier temps, tout le monde y trouve son compte. Les années 1990 apparaissent comme une période de lune de miel transpacifique. Pourtant, derrière l’apparence, les motivations divergentes se muent en désaccords ouverts dès les années 2000. Du point de vue macroéconomique chinois, l’insertion subordonnée dans la mondialisation a comme effet de plafonner la consommation intérieure. Structurellement, le pays doit exporter, ce qui lui vaut d’être accusé de mercantilisme par les Américains.
L’extraversion de l’économie chinoise se renforce encore lorsque, pour échapper à la crise de 2008-2009, la Chine met en œuvre un plan de relance qui augmente ses capacités de production pourtant déjà excessives. L’écoulement de ces marchandises sur le marché mondial et la quête d’investissements rentables à l’étranger offrent alors un répit. Or, l’extraversion post-crise de la Chine agace les multinationales américaines, d’autant que Pékin mène simultanément une politique industrielle permettant à ses firmes de réaliser un rattrapage technologique rapide. Le contrôle exclusif des technologies étant une des raisons majeures de la domination des chaines globales de valeur par les multinationales américaines, ces dernières estiment que les concurrentes chinoises s’affranchissent de la place subordonnée et chassent sur leur terrain.
La réorganisation sino-centrée du marché mondial
La rivalité entre la Chine et les États-Unis n’est pas qu’une simple compétition où chacun tente de donner un coup de pouce aux entreprises implantées dans son territoire afin de les aider à gagner ponctuellement des parts de marché. Car, pour réussir leur pari du développement capitaliste accéléré dans le cadre d’une concurrence mondiale, les autorités chinoises ne peuvent se contenter de participer au jeu américain, il leur faut en créer un autre. En effet, les règles encadrant la mondialisation ne sont pas neutres. Bien qu’elles permettent à toute firme désireuse d’y prendre part de le faire, elles restent biaisées en faveur des sociétés américaines.
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