Société
Visiblement, la RDC est entrée dans le régime de gratuité. En tout cas, à lire la détermination de la Ministre du Genre et famille, Léonnie Kandolo, il est clair que le mariage civil devrait devenir gratuit. La raison : la protection des femmes. Si la gratuité de l’éducation de base est constitutionnelle, il n’en est rien pour la gratuité de la maternité ou des frais administratifs liés aux mariages. Les conséquences de ces gratuités sont loin d’être efficaces au sens économique. Malgré la conviction de la ministre lors de l’ouverture de la 7e édition du Forum national des ministres provinciaux en charge du genre et des chefs de division, le lundi 2 septembre à Matadi (Kongo-Central), elle fait fausse route en termes d’objectifs assignés à cette politique.
D’entrée de jeu, il n’existe pas, à ma connaissance, une étude qui table sur une telle mesure. Mais l’inexistence d’une telle étude est probablement la preuve de la vacuité d’une telle mesure. Les plus optimistes vont sans doute rétorquer : « rien ne nous empêche d’innover en tenant compte de nos réalités ». A l’absence d’une étude empirique directement liée à une telle thématique, les outils de la science économique et le bon sens économique suffisent pour prédire la suite des événements.
Premièrement, la Ministre semble ne pas saisir le problème. Elle affirme que « nous estimons que ceci va permettre aux couples de se marier devant l’officier de l’Etat civil. Et ce mariage protège les femmes et les enfants en cas de divorce ou de décès ». Cette réflexion insinue que parmi les barrières d'accès au mariage civil, il y a notamment le coût. Or, dans les faits, pour un pays où le marché du mariage religieux est en plein essor, il serait illusoire de déduire que les frais administratifs soient véritablement une barrière. Peut-être que le marché du mariage religieux est plus un phénomène urbain. C’est un argument prenable, quoiqu’il nous manque suffisamment d’éléments factuels pour conclure. Mais même dans ce cas, les frais administratifs semblent s’adapter aux conditions sociales de chaque coin du pays. De plus, sociologiquement, le mariage ne s’organise pas seul, particulièrement dans le milieu urbain. De ce fait, tout le poids de l’organisation ne repose pas uniquement sur les mariés. Encore, il est important de noter que ces frais administratifs tournent globalement autour de 100 USD. Or, le PIB per capita courant est de 649 USD pour un congolais moyen. Dans un contexte où l’événement mariage se prépare dans le temps, il est culotté de faire des frais administratifs la principale contrainte qui restreint l’accès au mariage civil.
Deuxièmement, la Ministre n’a pas compris le problème parce que son argument réduit le problème à un aspect financier. Cette même erreur a été commise pour la gratuité de l’éducation et de la maternité. Ainsi, en rendant l’éducation gratuite sans anticiper les conséquences, la qualité de l’éducation s’est encore dégradée.
Bien qu'elle évoque également la notion de « masculinité positive » en souhaitant récompenser chaque année les hommes se démarquant par de telles pratiques, cela ne tient pas compte de la rigidité des normes sociales. Si les femmes ne sont pas protégées, ce n’est pas toujours une question des textes juridiques (institutions formelles). Sinon, beaucoup de problèmes auxquelles les femmes congolaises sont exposées auraient complètement disparu tant le Code de la famille a fondamentalement évolué depuis la dernière décennie. La réalité est la juxtaposition de ce que les économistes appellent institutions formelles et informelles (us et coutumes). Lorsque l’écart devient très important, l’on plonge dans l’inefficacité. Par exemple, bien que la polygamie ne soit pas encouragée par la loi, elle demeure une réalité dans la société, rendant les lois formelles inefficaces.
Troisièmement, dans un pays en manque de ressources qui veut ancrer la décentralisation, cette décision s’avère inopportune. En effet, les petites ressources communales pourraient une fois utilisées efficacement améliorer la confiance entre la population et les institutions, notamment par l’offre des services publics qu’elles peuvent induire. Que le gouvernement central, qui d’ailleurs a du mal à financer la caisse de péréquation ou à faire les transferts attendus dans le cadre de la LOFIP, supprime ces ressources constitue un coup dur pour la décentralisation.
Enfin, dans l’immédiat, si le Ministère du Genre et famille veut protéger les femmes congolaises, elle doit réfléchir plus finement. Par exemple, réfléchir comment influencer les comportements des hommes ou les dynamiques culturelles, comment se servir de l’éducation nationale dans ce sens sont parmi les pistes prioritaires.
*Gaetan Matonda, Economiste
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