Kinshasa se détend. Le Nigérien Maman Sidikou, 64 ans, a pris ses fonctions lundi 16 novembre comme chef de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco), l’une des plus importantes au monde avec quelque 20 000 hommes, et dotée d’un budget de 1,35 milliard de dollars.
Il remplace l’Allemand Martin Kobler, dont les relations avec le gouvernement s’étaient fortement dégradées après un différend sur la traque des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), disséminées dans les provinces orientales des Nord et Sud-Kivus.
Avec Maman Sidikou, Kinshasa espère repartir du bon pied. «
La principale attente pour nous est de terminer le dialogue stratégique » entamé avec la Monusco pour aplanir les divergences et favoriser la reprise des opérations conjointes contre les FDLR, explique Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Mercredi, lors de sa conférence de presse hebdomadaire, la Monusco a cependant rappelé que la reprise ne dépend pas des militaires. «
La question est totalement politique. C’est une décision qui doit être prise au plus haut niveau », a insisté le général français Jean Baillaud, commandant de la force de la Monusco par intérim.
« Neutraliser » en priorité les FDLR et les ADF
Autre dossier brûlant pour Maman Sidikou, ancien chef de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) : le retrait des casques bleus, qui concerne pour l’heure 2 000 hommes et que Kinshasa voudrait voir s’accélérer, estimant que la sécurité s’est nettement améliorée, malgré les dizaines de groupes armés qui sévissent encore dans l’est du pays.
Ensemble, l’armée et la brigade d’intervention de la Monusco, au mandat offensif, doivent « neutraliser » en priorité les FDLR et les Forces démocratiques alliées (ADF), des rebelles musulmans ougandais accusés d’avoir massacré plus de 450 personnes depuis octobre 2014 au Nord-Kivu, plaide Julien Paluku, le gouverneur provincial, qui espère que sa région pourra ensuite se consacrer au « développement durable ».
Maman Sidikou est aussi attendu sur le dossier épineux des élections, que la Mission avait soutenues en 2006 et 2011. Le prochain cycle doit culminer avec une présidentielle prévue en novembre 2016, mais le processus est grippé et les tensions fortes : l’opposition accuse le chef de l’Etat Joseph Kabila, en poste depuis 2001, de vouloir s’accrocher au pouvoir, notamment en retardant les élections. C’est dans ce contexte que l’ONU a annoncé mercredi avoir documenté 164 violations des droits de l’Homme en lien avec les scrutins à venir (arrestations, intimidations, manifestations interdites…) depuis début 2015.
Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group, met en garde : «
La prochaine crise annoncée en RDC est la crise électorale et celle-ci commencera là où les casques bleus (essentiellement déployé dans les Kivus) ne sont pas, comme Kinshasa et Lubumbashi », deuxième ville du pays et située dans le Sud-Est.
Pour débloquer le mécanisme, Maman Sidikou doit «
appeler les acteurs politiques de la majorité et l’opposition à discuter » avec la Commission électorale nationale indépendante « sur le calendrier réaménagé, la mise à jour du fichier électoral et le plan de décaissement », prône le député d’opposition Juvénal Munubo.
Un capital sympathie de Kinshasa
De nombreux défi, donc, mais à peine installé, le nouveau chef des casques bleus bénéficie d’un capital sympathie de Kinshasa. « Avec Martin Kobler, il y avait un malentendu culturel, on avait l’impression de parler à un mur », mais avec les Africains, «
souvent les choses se passent avec plus de fluidité, et de compréhension », commente Lambert Mende.
Il cite pour exemple le Tunisien Kamel Morjane (1999-2001) et le Camerounais Amos Namanga Ngongi (2001-2003), les deux tout premiers chefs de la Mission de l’ONU au Congo (Monuc, remplacée en 2010 par la Monusco), qui a été créée en pleine deuxième guerre du Congo (1998-2003).
Maman Sidikou défendra-t-il les intérêts de la RDC ? Un haut-responsable de l’armée ne se fait aucune illusion : « La machine onusienne n’est pas une question d’individu mais une question de volonté de New York, du mandat de la force et de la volonté des pays puissants. Je ne vois pas un Africain changer la moindre virgule des instructions de New York. »