Politique
Les opposants au régime de Paul Kagame semblent désormais bien en cour à Kinshasa.
L’ombre de la “deuxième guerre” du Congo, qui a débuté il y a tout juste un quart de siècle, en 1998, plane au-dessus de la région, alors que les tensions sont exacerbées entre le Rwanda et la RDC et qu’un scrutin présidentiel – aux contours déjà très critiqués – se dessine péniblement au pays de Félix Antoine Tshisekedi.
Flash back
En 1996, Laurent-Désiré Kabila, surnommé le Mzee, était parvenu, avec le soutien des troupes rwandaises et l’aval – au moins tacite – de la communauté internationale à faire tomber de son trône un Maréchal Mobutu vieillissant et malade.
Deux ans plus tard, le nouvel homme fort du Zaïre – rebaptisé République démocratique du Congo – a voulu se débarrasser de la tutelle de ses voisins devenus trop encombrants. Pour parvenir à ses fins, ne disposant d’une armée nationale suffisante pour atteindre son objectif, Laurent-Désiré Kabila avait réussi à mettre sur pied une force régionale qui regroupait notamment les troupes zimbabwéennes et angolaises.
Le Mzee avait aussi intégré dans ses soutiens des milices congolaises aux relents ethniques mais aussi les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) composées essentiellement de Hutus contraints de fuir le Rwanda après la victoire du FPR de Paul Kagame et qui espéraient pouvoir compter sur cette alliance pour renverser le nouveau régime en place au Rwanda.
Cette “deuxième guerre” du Congo (la première étant celle qui a vu la chute de Mobutu) a concentré dans l’est de la RDC au moins 9 États africains et plusieurs dizaines de groupes armés, qui, tous, se sont livrés au pillage des ressources du pays et ont perpétré des massacres qui ont fait des centaines de milliers de morts dans les provinces congolaises du Kivu.
Lune de miel de courte durée
Vingt-cinq plus tard, l’histoire semble bégayer avec, dans un premier temps, au début du règne de Félix Tshisekedi, une lune de miel avec le voisin rwandais toujours sous la coupe de Paul Kagame.
Une idylle de courte durée qui a débouché sur un nouveau divorce et sur le retour des rebelles du M23 essentiellement dans les Kivu et l’Ituri.
Face à cette configuration, le président congolais semble tenté de jouer la carte du soutien aux opposants rwandais et notamment aux FDLR.
Le président Kagame, dans un discours prononcé le 30 novembre dernier, à l’occasion d’un remaniement du gouvernement rwandais, a lancé une mise en garde claire à l’attention de son grand voisin. Après avoir mis en garde Kinshasa contre l’instrumentalisation des tensions sur la frontière entre les deux pays à des fins électoralistes, il a martelé que “la paix à l’est du Congo signifie la paix pour nous” , avant d’enfoncer le clou sur la persistance de la menace que représente le FDLR. Un message qui rappelle ceux prononcés il y a un quart de siècle. Pour le chef de l’État rwandais, pour imposer la paix, il n’hésitera pas à reprendre le chemin de la guerre.
Soutien à l’opposition rwandaise
En guise de réponse, au début du mois de décembre, Félix Tshisekedi, devant un parterre de représentants de la société civile congolaise a expliqué que le Rwanda n’était pas l’ennemi du Congo, que ce rôle d’adversaire était tenu… par le régime de Paul Kagame, ajoutant que ce voisin a besoin de la “solidarité des Congolais pour se débarrasser et débarrasser l’Afrique de ce genre de dirigeants rétrogrades”.
La hache de guerre était définitivement déterrée. Depuis cette déclaration, Félix Tshisekedi a multiplié les gestes en direction des opposants rwandais. Il y a d’abord eu cette rencontre dans les fauteuils de la présidence congolaise avec Eugène-Richard Gasana, ancien ambassadeur du Rwanda en Allemagne et aux Nations unies qui est entré, en 2015, en dissidence avec le régime lors de la révision de la constitution qui a donné la possibilité à Paul Kagame de prolonger son bail à la tête de l’État.
Eugène-Richard Gasana a ensuite rejoint les rangs du Rwandan National Congress (RNC). L’homme dispose d’entrées chez les adversaires de Kagame, c’est ainsi qu’il s’était affiché avec le président ougandais au moment où les tensions étaient vives entre Kigali et Kampala.
Au printemps dernier, Kinshasa a évoqué sa volonté d’accueillir une réunion des principaux mouvements de l’opposition rwandaise. Selon plusieurs sources, cette réunion aurait pu se tenir au début de ce mois de juillet dans la capitale kinoise. Alertés, plusieurs responsables africains ont envoyé une mise en garde à Félix Tshisekedi sur la dangerosité de ce “défi” au président rwandais.
Mais les autorités congolaises, qui ont reporté cette première réunion, n’entendent pas céder et semblent s’être rapprochées des FDLR, toujours actifs dans les Kivu.
Une guerre inévitable ?
Un scénario qui fait craindre une nouvelle guerre. “Aujourd’hui, dans ce contexte, la question n’est pas si mais quand”, indique un diplomate africain qui insiste sur “le contenu des deux derniers rapports des experts des Nations unies dont les conclusions ont notamment été reprises dans la dernière déclaration du Haut représentant de l’Union européenne”. Tous appellent le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et “exhortent” la RDC “à cesser immédiatement son soutien et sa coopération avec les FDLR”.
“Les derniers rapports onusiens parlent de collusion entre l’armée congolaise et les FDLR, ce qui est très préoccupant et ramène inévitablement à l’explosion de violence de 1998”. Comme à l’époque, même si le contexte de leur venue est bien différent, l’est de la RDC accueille des troupes de plusieurs États africains qui n’ont pas les mêmes agendas et les milices locales, bien plus nombreuses, sévissent avec autant de violence. La tentation d’instrumentaliser les FDLR pour tenter l’aventure en terres rwandaises semble grande.
Plusieurs haut gradés congolais ont multiplié les discours belliqueux face à ce “petit voisin”. Le pouvoir à Kinshasa a pu constater ces derniers mois que l’argument de la guerre à l’est, l’instrumentalisation de la haine du Tutsi étaient “porteurs” et permettaient d’offrir enfin une légitimité à un président mal élu et sans bilan quand il peut se draper dans la tenue du chef de guerre. Le bruit des bottes se fait assourdissant dans l’est du Congo. Un jeu dangereux mais tentant pour un pouvoir aux abois qui voit arriver avec crainte la fin de son mandat et une échéance électorale bien mal préparée.
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