La pierre brute se taille une jolie place en joaillerie

De plus en plus de créateurs présentent des bijoux dont les gemmes ne sont ni facettées ni taillées. Une voie qui met en valeur leur singularité et leur beauté naturelle.

Marquise, poire, princesse, coussin, baguette, émeraude : chez les amateurs de joaillerie, l’un des snobismes consiste à dire à voix haute, en examinant une pierre, le nom de sa taille. Mais l’apparition, plus fréquente ces derniers mois, de la pierre laissée brute dessine une voie stylistique alternative au tout-lustré et aux formes conventionnelles. Celle-ci, montée sur un bijou sans avoir été ni facettée ni polie, « rappelle le lien spontané à la terre, sans survaloriser l’action de la main de l’homme. Elle semble dire : acceptez vos imperfections ! », poétise Marie-Alexandrine Yvernault.

Fin 2022, à Paris, cette antiquaire et collectionneuse a lancé sa marque, où la pierre brute, assumée en gros volumes, tient une place de choix. Pour cela, elle chine « chez Drouot et consorts » des morceaux entiers de dioptase, améthyste, azurite, lapis, agate, tourmaline, citrine ou quartz, sans les faire raboter ni lisser.

Les spécimens trop pointus sont laissés de côté. Les plus « praticables », eux, sont habillés d’argent ou de bronze, pour composer des manchettes, des colliers ou des bagues massives, ensuite ­nappés d’or jaune, « car c’est l’or jaune qui fait le mieux chanter les pierres », plaide l’antiquaire.

Aujourd’hui, d’autres créateurs et artisans poursuivent sur cette lancée, telle l’Italienne Ilaria Icardi, qui use d’émeraude brute. Signe que le non-taillé sait se montrer très précieux, De Beers laisse brut du diamant sur certaines de ses pièces, au sein de sa ligne Talisman, lancée en 2005, et chez Hermès, l’iconoclaste Pierre Hardy a gardé en l’état des blocs d’aigue-marine, ­grenat spessartite, tsavorite ou diamant jaune, sur des bagues, dans son dernier cru de haute joaillerie, présenté en juillet 2022. « De gros volumes charnels en 3D », comme il dit, qui viennent « contraster avec la partie plate du bijou », sur laquelle il a fait sertir, en dégradé, une constellation de pierres ­taillées.

Grenat spessartite, tsavorite ou diamant jaune

Reliefs irréguliers, variations de teintes, inclusions apparentes… Les gemmes se révèlent dans leur singularité : elles sont comme « habitées », louait Jean Vendome (1930-2017), artiste-joaillier qui a contribué à anoblir la pierre brute au XXᵉ siècle, aux côtés de l’Anglo-Italien Andrew Grima ou du Suisse Roland Schad.

Car, malgré l’attrait pour le brut, encore renforcé par la popularité de la litho­thérapie, les gemmes demeurent en 2023 majoritairement travaillées, dans un but très précis : obtenir d’elles l’éclat le plus vibrant. De quoi rassurer les lapidaires, que la mode ne met pas encore au chômage ­technique.

Aujourd’hui, d’autres créateurs et artisans poursuivent sur cette lancée, telle l’Italienne Ilaria Icardi, qui use d’émeraude brute. Signe que le non-taillé sait se montrer très précieux, De Beers laisse brut du diamant sur certaines de ses pièces, au sein de sa ligne Talisman, lancée en 2005, et chez Hermès, l’iconoclaste Pierre Hardy a gardé en l’état des blocs d’aigue-marine, ­grenat spessartite, tsavorite ou diamant jaune, sur des bagues, dans son dernier cru de haute joaillerie, présenté en juillet 2022. « De gros volumes charnels en 3D », comme il dit, qui viennent « contraster avec la partie plate du bijou », sur laquelle il a fait sertir, en dégradé, une constellation de pierres ­taillées.

Car, malgré l’attrait pour le brut, encore renforcé par la popularité de la litho­thérapie, les gemmes demeurent en 2023 majoritairement travaillées, dans un but très précis : obtenir d’elles l’éclat le plus vibrant. De quoi rassurer les lapidaires, que la mode ne met pas encore au chômage ­technique.