Afrique
« L’âge de la Françafrique est révolu » et la France est désormais un « interlocuteur neutre », a déclaré le président français, Emmanuel Macron, jeudi 2 mars, au Gabon, où il participait à un sommet sur la protection des forêts tropicales, au commencement d’une tournée de quatre jours en Afrique centrale. Ces dernières années, la France a assuré rompre avec la Françafrique, ses pratiques opaques et ses réseaux d’influence hérités du colonialisme. Belle possibilité d’évolution oserait-on dire, car si la France continue d’avoir un comportement paternaliste sur le continent, il est fort probable qu’elle perde sa place. Aujourd’hui, c’est ça la réalité.
Trois jours avant, lundi 27 février, à l’Élysée, Emmanuel Macron a exposé sa stratégie africaine pour les quatre ans à venir. Il a prôné « l’humilité » et encouragé un nouveau partenariat « équilibré » et « responsable » avec les pays africains. Il a également annoncé une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le djihadisme au Sahel. Belle opération de séduction.
Est-ce les marqueurs d’une rupture avec le passé ? Que nenni ! Ces annonces ont déjà fait l’objet des déclarations similaires dans un passé plus ou moins proche. C’est pourquoi, on peut émettre un doute quant à la véracité de ses propos et affirmer que la Françafrique ne mourra pas de sitôt. Elle est là, elle s’adapte pour perdurer ; de ce fait, Emmanuel Macron croit pouvoir berner les Africains.
La surenchère, aujourd’hui, se fait autrement : « L’Afrique n’est pas un pré carré », pour la France, a-t-il expliqué, devant les journalistes et ses invités, jurant chercher à se dégager du poids du passé. Son prédécesseur, Nicolas Sarkozy n’avait rien d’autre en 2010 : « La politique de la France envers l’Afrique n’est inspirée ni par l’idée de pré carré ni par une quelconque nostalgie coloniale ».
Le président français a martelé à plusieurs reprises le thème de son intervention, « le partenariat ». Une idée pourtant plus vieille que la Vᵉ République. Au plan militaire, cette question est remise au goût du jour dès 1997, lors du lancement du programme RECAMP (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) par Lionel Jospin, qui vantait déjà un « partenariat nouveau ». En 2008, Nicolas Sarkozy s’engage, après avoir sauvé le régime Déby au Tchad, à renégocier les accords de défense : ils seront remplacés l’année suivante par des accords « de partenariat de défense ». Cette rhétorique est donc éculée.
De même, il a promis de réduire les effectifs français dans les bases militaires. Une tendance continue depuis cinquante ans, accélérée sous Nicolas Sarkozy, mais sans préciser lesquelles : lors des échanges, il a exclu celle de Djibouti, relevant plutôt de la « stratégie indo-pacifique » française, et cité en exemple celles au Sénégal et en Côte d'Ivoire. Pourtant, il n’a rien dit des bases actuelles au Tchad et au Niger, qui ne sont pas des enclaves historiques encadrées par des accords de partenariat de défense. Derrière l’annonce d’une énième réduction des effectifs des bases pour mieux les maintenir, on reste dans le flou au Sahel, avec un dispositif fantôme qui n’est plus une opération extérieure et qui échappe donc à tout contrôle parlementaire. Et on renouvelle la coopération militaire avec des présidents autoritaires qui, depuis 60 ans, maintiennent leurs pays dans la répression.
Au plan économique, Emmanuel Macron a invité les entreprises françaises à redoubler d’efforts dans la compétition pour les marchés africains, présentés comme une formidable opportunité : un thème développé depuis dix ans dans différents rapports officiels, tels le rapport sénatorial « L’Afrique est notre avenir » (2013) de Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, le rapport « un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France » (2013) d’Hubert Védrine ; le rapport « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable » (2014) de Jacques Attali, etc. Dans le prolongement du Sommet de Montpellier, et bien que le changement de nom de l’Agence française de développement (AFD) prenne plus de temps que prévu, il est question de remplacer le terme d’ « aide » par celui d’ « investissement solidaire et partenarial » : une pirouette rhétorique qui correspond à l’histoire même de « l’aide » et à la mobilisation de l’AFD comme outil d’influence économique.
Enfin, à quand la réforme du franc CFA, une monnaie de plus en plus contestée ? Va-t-on se contenter d’une simple réforme de façade qui consiste à changer le nom de cette monnaie ? Le gouvernement français ne pipe mot. Silence de cimetière.
ARROGANCE NÉOCOLONIALE
Il sied de rappeler que la Françafrique, depuis le début de la Vᵉ République avec le général de Gaulle – conseillé par Jacques Foccart, le « prince des ténèbres », le « Monsieur Afrique » des présidents français, de 1960 à 1974 -, a toujours été un système de domination évolutif, dont les réformes successives permettent la perpétuation, et impliquant des élites africaines comme celles dont aime s’entourer Emmanuel Macron.
Compte tenu de ce qui précède, il convient de noter que le président français, Emmanuel Macron, ne regrette pas la Françafrique, et pour cause : il la prolonge en l’adaptant, comme l’ont fait tant d’autres avant lui.
Voilà pourquoi la France fait face à tant de colère en Afrique, notamment dans l’ouest. Le ressentiment profond des pays comme le Mali – qui joue un rôle considérable dans l’éveil des consciences africaines-, le Burkina Faso, la Centrafrique, la Guinée… envers la France va crescendo. D’autres pays sont sur le point de leur emboîter le pas. L’influence de la France en Afrique (le continent convoité) est sérieusement bousculée par la Russie, la Chine, la Turquie ou encore les pays du Golfe.
On peut se poser la question de savoir comment un président, conscient de la façon dont le continent change, se heurte à un niveau d’impopularité qui n’a pas été ressenti depuis des décennies ? Le style personnel d’Emmanuel Macron, sûr de lui, son arrogance néocoloniale, est certainement un facteur important qui joue en sa défaveur.
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