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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 aout 2024
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Politique

Albert Malukisa Nkuku : « Le bilan des présidents depuis la première République jusqu’à ce jour, est négatif avec des nuances »

2020-06-30
30.06.2020
2020-06-30
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Quel bilan socio-économique peut-on tirer de 60 ans d’indépendance? Nous avons posé la question à l’économiste congolais Albert Malukisa Nkuku, docteur en étude du développement, professeur à l’Université Catholique du Congo, chercheur au Groupe d’Etudes sur le Congo et chercheur associé à l’Institut de Politique de Développement de l’Université d’Anvers.

Pour les Congolais, quel est le bilan socio-économique des 60 ans d’indépendance du Congo?

Je crois que nous devons tous reconnaître qu’il est négatif, depuis la première République jusqu’à ce jour. On peut ainsi comprendre la nostalgie de nos parents qui avaient connu la “belle époque” du Congo belge. Cependant, lorsque je dis que le bilan est négatif, cela ne signifie pas que tout est négatif. Il me semble qu’il faut faire ce bilan régime politique par régime politique.

Pouvez-vous faire celui de l’époque allant de l’indépendance jusqu’ à Mobutu?

Jules Sambwa avait remarquablement dressé le bilan de la colonisation belge. Lorsqu’en 1908, la décision est prise d’annexer l’Etat indépendant du Congo (EIC) à la Belgique, les nouvelles autorités coloniales doivent redresser la mauvaise réputation des colons de l’EIC. Malgré les inégalités et les injustices que les Congolais continuaient de subir, la Belgique a jeté les bases pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Le 30 juin 1960, le Congo hérite ainsi des investissements réalisés dans le cadre du plan décennal 1950-59, d’un coût de plus de 64 milliards de francs. Pour la première fois dans l’histoire coloniale, des projets de grande envergure avaient été réalisés au bénéfice non seulement des colons et de la Belgique, mais aussi des Congolais.

Il s’agissait d’infrastructures dans différents secteurs, principalement le rail, la route, le transport fluvial, le transport aérien, l’eau et l’électricité, l’agriculture, la sylviculture, la pêche. Dans le domaine social, la priorité avait été accordée au logement, à l’enseignement et à la santé. Sans ce plan décennal, le Congo n’aurait jamais atteint le degré de développement qui fut le sien en 1960.

A l’indépendance, le Congo dispose donc d’entreprises publiques et privées en très bonne santé financière. L’Etat s’étant abstenu de mener une politique de nationalisations, il était possible d’attirer encore des investissements directs étrangers.

L’indépendance amène aussi la fin des discriminations raciales et de la ségrégation spatiale: les populations congolaises peuvent quitter la cité ou les zones rurales pour se rendre en ville et voyager à l’étranger. Le système des cultures obligatoires (coton, café, oléagineux, etc.), qui répondaient aux besoins de la société occidentale, est supprimé. Les libertés individuelles s’améliorent, en commençant par la liberté de culte. En même temps, démarre le processus de formation des cadres congolais pour faire face à la crise des ressources humaines (en 1960, le pays comptait 600 prêtres congolais pour 16 universitaires). Voilà pour le positif.

Mais il y a aussi le négatif. De 1960 à 1965, le pays est sérieusement secoué par des sécessions et rébellions en cascade. Le départ massif des anciens colons et autres étrangers qui tenaient l’administration publique et certaines entreprises affaiblit celles-ci. La fuite des capitaux s’accélère. La croissance économique se dégrade; le chômage augmentent. L’exode rural se traduit par des lotissements et des constructions anarchiques.

L’assassinat de Lumumba en janvier 1961 plonge le pays dans une grave crise politique qui va faciliter le coup d’Etat de Mobutu, en novembre 1965.

Le bilan de Mobutu, décrié par les uns, est aujourd’hui encensé par les autres. Comment l’évaluez-vous?

De 1965 à 1997, on peut mettre à son actif les points positifs suivants :

• rétablissement de l’ordre public dans tout le pays, jusqu’à 1990 ;

• amélioration significative de la croissance entre 1967 et 1971; c’est alors que le Congo est devenu le premier producteur mondial de cuivre ;

• émergence d’un entrepreneuriat national ;

• lancement d’une politique de substitution des importations ;

• développement des réseaux de distribution d’eau et d’électricité ;

• augmentation de la population scolarisée et des universitaires ;

• regain de l’intérêt pour la planification urbaine.

Mais à la suite de mauvaises politiques, le pays va subir une crise socio-économique sans précédent qui met un terme au progrès économique enregistré entre 1966 et 1971. On peut retenir, côté négatif :

• pas de diversification de l’économie, qui demeure extravertie, comme avant l’indépendance;

• échec de la zaïrianisation ;

• institutionnalisation de la prédation ;

• détérioration du climat des affaires ;

• faillite ou déclin des entreprises publiques ;

• endettement excessif et insolvabilité de l’Etat ;

• arrêt des investissements socio-économiques ;

• baisse spectaculaire de la production agricole ;

• dollarisation de l’économie ;

• faible capacité de l’Etat à collecter les impôts et à fournir les biens et services publics ;

• résurgence des maladies en cours d’éradication à l’époque coloniale;

• baisse progressive du niveau de l’enseignement ;

• montée en flèche du chômage ;

• baisse de l’espérance de vie.

C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que les Congolais ont accueilli Laurent-Désiré Kabila.

Son bilan à lui, est-il plus positif que négatif?

Pour relever le pays, le nouveau régime élabore un plan triennal, mais sans pour autant avoir les moyens de le mettre en œuvre: les caisses de l’Etat étaient vides. Et son régime, isolé de la communauté internationale, n’a bénéficié d’aucun appui financier extérieur. En 1998, quand ses alliés rwandais et ougandais se retournent contre lui, la guerre commence.

Je pense que Laurent Kabila avait la volonté d’améliorer la situation économique et sociale du Congo mais il lui a manqué certainement beaucoup de diplomatie. A son actif, je mettrais son engagement à lutter contre la corruption. Au passif, le fiasco de son plan triennal pour la reconstruction la relance de l’économie.

En janvier 2001, Laurent Kabila est assassiné, et c’est Joseph Kabila qui prend le pouvoir. Quel est le bilan de ce dernier?

La RDC, pays réputé parmi les plus riches du monde en ressources naturelles, est désormais reléguée au rang des pays pauvres très endettés. Contrairement à Laurent Kabila, le nouveau Président s’inscrit dans la logique des recommandations de la communauté internationale, qui va lui apporter aussitôt son soutien avec divers programmes d’aide. Côté positif, je note:

• passage de la régression à la croissance économiques ;

• libéralisation économique et du taux de change ;

• accord de coopération sino-congolais pour réaliser des investissements de l’ordre de 3,2 milliards de dollars dans le secteur minier, auxquels il faut ajouter 3 milliards de dollars pour des projets d’infrastructures publiques (routes, rail, hôpitaux, écoles, logements) ;

• atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, qui a permis d’annuler 90% de la dette extérieure;

• modernisation des deux principaux aéroports du pays, N’djili et Luano ;

• mise en place d’un cadre institutionnel pour attirer les investisseurs : nouveau code des investissements, nouveau code forestier, création de l’Agence nationale de promotion des investissements et du guichet unique de création d’entreprise ;

• bancarisation de la paie des enseignants permettant de limiter les détournements de salaires;

• augmentation des salaires des fonctionnaires, médecins, magistrats, professeurs d’université ;

• initiatives pour améliorer le transport (Congo Airways, Transco, etc…) ;

Mais, les mandats de Joseph Kabila se sont aussi soldés par un très lourd passif :

• la croissance économique ne profite pas à la population ;

• maintien d’une économie extravertie ;

• bradage des actifs des grandes entreprises publiques, comme la Gécamines ;

• aggravation du déficit alimentaire ;

• échec de la pacification de l’Est du pays ;

• échec de la réforme des services de sécurité qui demeurent incapables de défendre le territoire ;

• échec de la réforme des entreprises publiques, distribuées aux partisans du régime, et de celle de l’administration publique;

• détérioration rapide des routes ;

• le réseau ferroviaire promis n’a pas été réalisé, ni les promesses pour les hôpitaux, les écoles, les centres de santé, les logements et l’emploi. Les Congolais attendaient des logements sociaux et ce sont des appartements pour riches qui ont été érigés (Kin Oasis, Cité du fleuve, etc.) ;

• poursuite de la détérioration de l’environnement (insalubrité, érosions, inondations) ;

• pauvreté sans cesse croissante ;

• enracinement de la corruption et expansion de l’Etat prédateur, comme sous Mobutu. Le Groupe d’étude sur Congo a documenté les richesses de la famille présidentielle, qui contrastent avec leurs avoirs quand Joseph Kabila n’était pas Président. Quand il arrive au pouvoir, le Congo occupe le 162ème rang mondial en termes d’indice de développement humain; quand il quitte formellement le pouvoir, en 2018, le Congo se retrouve 176ème.

Son successeur, Félix Tshisekedi va totaliser un an et demi de pouvoir. Son bilan jusqu’ici?

Il est certainement très tôt pour juger mais à partir des actes déjà posés, on peut voir dans quelle direction se dirige le Congo. Tshisekedi a marqué des points avec la gratuité de l’enseignement primaire, bien que cette décision ait été prise sans vraie réflexion sur son impact sur les finances publiques. Pour le reste, le bilan du Président est mitigé ou tout simplement négatif.

Les conflits armés et les massacres se poursuivent à l’Est du pays. Le programme d’urgence pour les 100 premiers jours du Chef de l’Etat soulève des interrogations sur le changement promis même si on peut féliciter Félix Tshisekedi pour avoir inauguré des procès pour corruption. Pour la relance économique, je trouve que le nouveau Président a pris une très mauvaise direction en partageant les entreprises publiques entre les dirigeants politiques du CACH (NDLR: alliance UDPS-UNC) et du FCC (kabiliste) , parce que cela les expose à un régime de prédation qui ne pourra permettre leur redressement. Sans compter que les dirigeants de la coalition CACH-FCC n’ont pas l’indispensable agenda commun à long terme et orienté vers le développement socio-économique. Le mariage forcé entre ces deux coalitions a encore accentué la fragmentation de l’Etat.

Marie-France Cros
La Libre Afrique / MCP, via mediacongo.net
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Habib Soloh @33WTX4I   Message  - Publié le 30.06.2020 à 12:37
Heureusement que COVID-19 est venu stopper net les voyages de 50 Millions par mois. L’économie serait plus que jamais à genou !

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Zemira @67ESQST   Message  - Publié le 30.06.2020 à 11:58
Une analyse objective et impartiale d'un des rares Congolais encore lucides.

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La Verite @H6J5FY2   Message  - Publié le 30.06.2020 à 11:14
Belle analyse, Felicitation professeur

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KALUMBA @TR57OBY   Message  - Publié le 30.06.2020 à 11:07
Il ne faut pas etre de mauvaise foi. LD KABILA avait trouve' les caisses de l'etat vide avec beaucoup de dettes exterieures mais il avait paye' toutes les dettes laissees par le ZAIROIS MOBUTU sans aides exterieures dans le peu de temps qu'il a eu au pouvoir. Felix trouve plus d'un milliards dans la caisse et bousie tout sur son passage et augmante des dettes exterieures dans quelques mois seulement.

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L'unité @5O7OOY8   Message  - Publié le 30.06.2020 à 11:03
Encore et toujours la Libre Afrique ! Pour eux , le président de rêve pour la RDC sera toujours Katumbi !

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