Economie
Une société pétrolière sud-africaine entend faire exécuter par un tribunal américain un jugement condamnant la RDC, pour avoir tardé à lui accorder un bloc empiétant sur le parc national de la Salonga.
C’est une histoire de mauvaise gouvernance, comme la RDC en collectionne. Mais c’est aussi le scandale du primat du droit commercial sur la souveraineté d’un État et sur le respect du Patrimoine mondial de l’Humanité.
Il y a quelques jours, l’agence Bloomberg a révélé qu’une société pétrolière sud-africaine s’est adressée à la justice américaine pour faire exécuter une sentence arbitrale, rendue en novembre 2018 par la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris contre la RDC.
Cette société n’est autre que la compagnie DIG-Oil, autrefois dénommée Divine Inspiration Group, qui avait obtenu en 2007 trois blocs pétroliers dans la Cuvette Centrale, à l’époque où le ministre des Hydrocarbures n’était autre que Lambert Mende. Aujourd’hui, DIG-Oil est dirigée par l’impitoyable femme d’affaires Andrea Brown, bien en cours auprès du pouvoir sud-africain : c’est une proche de l’ancien juge en chef sud-africain Dikgang Moseneke.
La CCI avait condamné Kinshasa à verser une compensation de 600 millions de dollars pour avoir fait traîner le dossier en longueur pendant onze ans. Depuis le jugement, les intérêts se sont accumulés et c’est une somme de 619 millions de dollars qu’a exigée, le 30 avril dernier, Mme Brown auprès de la Cour du District de Columba. Argument invoqué : le Congo est signataire de la Convention de New York, un traité international, par lequel ses quelque 160 États membres s’engagent à reconnaître et à mettre à vigueur les décisions arbitrales étrangères, explique Bloomberg.
Selon Bloomberg, l’État congolais a jusqu’au 30 juin pour s’exécuter. Soit dit en passant, le montant exigé est supérieur au montant total des réserves en devises de la RDC au 24 avril 2020 (607 millions) ! Le plus piquant dans cette affaire est que la RDC risque d’être condamnée bien que l’ex-président Joseph Kabila se soit finalement décidé à signer l’ordonnance présidentielle approuvant les trois accords de partage de production, entre DIG oil et la Société nationale des hydrocarbures (Sonahydroc), le 13 décembre 2018, dans l’espoir que le pétrolier ne réclamerait pas les pénalités.
La cruelle ironie de l’histoire est que ce pétrolier puisse obtenir une compensation, tout cela parce que l’Etat congolais n’aurait pas approuvé assez vite un contrat qui consacre l’empiètement d’un des blocs accordés, le huit, sur le Parc National de la Salonga, sanctuaire des bonobos, qui figure au patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO !
L’approbation du permis controversé par Kabila est venue en tout cas aggraver la menace que constituait déjà l’octroi en février 2018 d’un autre bloc de la cuvette, empiétant également sur le territoire du Parc, à la Compagnie Minière du Congo (COMICO), contrôlée par l’homme d’affaires, également sud-africain, Adonis Pouroulis. À plusieurs reprises, des ONG de défense de l’environnement mais aussi le Canada, la Suisse, l’Union européenne, l’UNESCO et le gouvernement américain lui-même (!!!), avaient fait savoir aux autorités congolaises que les activités pétrolières dans les parcs nationaux étaient en violation des accords internationaux du Congo et de ses propres lois.
Les autorités actuelles semblent dépassés par ce cadeau empoisonné qui leur a légué la Kabilie. Le nouveau ministre de la Justice, Célestin Tunda, un homme de Joseph Kabila, n’a pas réagi aux demandes de commentaires qui lui ont été adressées par Bloomberg. L’agence rappelle toutefois que le gouvernement avait indiqué au préalable que la Cour de Paris avait refusé de prendre en compte le pouvoir discrétionnaire du Président que lui octroie la loi congolaise. En attendant, il en est qui ne perdent pas le Nord. Selon un vent favorable parvenu à La Libre Afrique, un fonds vautour s’apprêterait à racheter la créance de DIG OIL sur la RDC et qui menace d’enfler au fil du temps. Qui a dit inique ?
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