Politique
Que s'est-il passé sur le «programme des 100 jours», ces travaux d'urgence initiés par le chef de l'État congolais au début de son mandat ? Six jours après l'arrestation de son directeur de cabinet Vital Kamerhe, soupçonné de détournements de fonds dans cette affaire, l'ancien coordonnateur de ce programme à la présidence a accepté de répondre aux questions de RFI. Lui-même entendu par la justice, Nicolas Kazadi est toujours ambassadeur itinérant de Félix Tshisekedi.
RFI : Quand avez-vous commencé à redouter qu’il y ait des manquements dans la gestion du « programme des 100 jours » ?
Nicolas Kazadi : Tout a commencé durant les derniers mois de l’année passée, après que le gouvernement ait repris la gestion et la coordination de ce programme. Nous avons constaté qu’il y avait des retards observés sur certains chantiers, énormément de critiques qui remontaient de l’opinion publique. Ces critiques persistantes étaient accompagnées d’informations qui, à un moment donné, nécessitaient que la lumière soit faite.
Parce que la société civile, elle, avait parlé ou pointé du doigt certains opérateurs comme étant suspects dans les semaines qui ont suivi l’annonce du programme, et notamment d’ailleurs, le patron de Samibo Congo (société chargée de construire les maisons préfabriquées)…
Je n’ai pas le souvenir des critiques dont vous parlez qui auraient été faites très tôt. D’ailleurs, en ce qui me concerne, je ne suis impliqué dans ce programme qu’après que toute cette étape de conception, c’est-à-dire l’identification des projets et de passation des marchés aient été faites. Et donc, je n’ai pas suivi ces critiques.
Est-ce qu’il y a des marchés en particulier qui vous ont inquiét ?
Certainement, il y a quelques marchés qui ont suscité des préoccupations, qui ont été exprimées à l’époque aux personnes concernées. Mais permettez que j’évite de m’étendre là-dessus parce qu’une instruction est en cours.
Justement, est-ce les dossiers qui sont à l’heure actuelle devant la justice, à savoir les logements sociaux, les sauts-de-mouton, les infrastructures en province. Et est-ce que c’est vous qui avez lancé l’alerte ?
Lancer l’alerte n’est pas le mot qui convient. Moi, en ma qualité de coordonnateur, j’ai tout simplement en toute responsabilité demandé que des audits soient faits. Ce n’est pas lancer une alerte, c’est exercer une responsabilité. Cela dit, je ne veux pas entrer dans le détail des dossiers, laissez l’instruction se faire, et je pense que jusqu’à présent, elle se fait correctement.
Dans les rangs de l'Union pour la nation congolaise de Vital Kamerhe (UNC), certains pensent à un complot ourdi par le président…
Je crois que c’est un réflexe partisan tout à fait normal, prévisible. Mais il faut laisser passer le temps de l’émotion et les choses reviendront à l’ordre. Et je crois qu’on y est déjà. Et on comprend que nous sommes en fait devant quelque chose d’historique dans ce pays. Que des autorités à un si haut niveau soient interpellées par la justice comme cela a été le cas, c’est très nouveau. Beaucoup de gens qui ont mon âge n’ont peut-être jamais vécu ça dans ce pays. L’UDPS et l’UNC se sont engagés au changement. Ils ont intitulé leur coalition « Cap pour le changement », c’est rebâtir la démocratie, construire l’État de droit, pas le contraire.
Est-ce qu’il y a eu un fonctionnement normal des institutions pour obtenir cette action en justice ?
D’abord, il faut savoir qu’il y a un audit qui est fait en même temps qu’une enquête judiciaire. Et l’initiative de poursuite a été prise par la chancellerie, approuvée par le Conseil des ministres, et c’est là que nous sommes. Donc, tout a été fait dans les règles.
Vous avez été vous-même convoqué par la justice, est-ce que vous ne redoutez pas que d’autres personnes de la présidence soient arrêtées ? Est-ce que vous pensez que la présidence est prête à faire face à cette éventualité ?
Ma perception est que la présidence non seulement, elle y fait face mais elle y fait face avec dignité et courage. Maintenant, en ce qui me concerne personnellement, je n’ai aucun problème, j’ai déjà été entendu quatre fois, je le serai probablement une cinquième fois. Et je suis prêt à l’être autant de fois que nécessaire parce que c’est la justice de mon pays.
Que répondez-vous à ceux qui, dans les rangs notamment au Front Commun pour le Congo de Joseph Kabila (FCC) redoutent une chasse aux sorcières, parce que le gouverneur de la Banque centrale est convoqué, des ministres, des anciens ministres…
Il n’y a pas de raison que la moindre invitation à se présenter devant le juge soit interprétée comme une chasse aux sorcières. Les gens que vous citez ont été impliqués dans le processus du programme des 100 jours, qu’ils soient invités, il n’y a rien de plus normal. Ça ne veut pas dire qu’ils sont coupables ou condamnés. Le problème, c’est qu’on est à une ère avec les réseaux sociaux où toute invitation équivaut à une condamnation.
Dans le « programme des 100 jours » tel que formulé par la présidence, on voyait qu’il y avait une part importante des fonds qui étaient alloués au suivi et au contrôle de la gestion du « programme des 100 jours », c’est à peu près 2%. Est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’il y a eu quand même un problème ou un échec de ce contrôle interne ?
Le pari qui a été fait à travers l’affectation de ces ressources au contrôle était entre autres de redonner de la vigueur au bureau technique de contrôle qui était en état de déliquescence. Malheureusement, et là je reconnais qu’il y a une grande faiblesse, nous n’avons pas suffisamment profité de ce programme pour allouer les ressources qu’il faut à ce bureau technique de contrôle et le doter en capacité. Donc, ce contrôle n’a pas été au niveau qu’il aurait pu être. Mais une bonne partie du contrôle devait se faire en amont, dans la partie conception et passation des marchés, et cela relève de l’administration du ministère du Budget, notamment en ce qui concerne les marchés. Je crois que nous devons retenir que cette expérience des 100 jours nous révèle toutes les faiblesses de la chaine de planification dans le pays. Même dans le passé, il y a tellement de projets qui, dans l’histoire de ce pays, ont coûté beaucoup plus qu’ils ne devraient coûter, il faut tirer un bien de ce drame. Et nous devons nous en saisir pour faire mieux demain.
Est-ce vous ne redoutez pas quand même que cette affaire judiciaire fragilise le président de la République. On voit que l’opposition dit déjà que c’est difficile d’imaginer que le directeur de cabinet ait pu agir sans l’accord de son patron. On voit aussi que cela crée des tensions au sein de la coalition au pouvoir.
Je ne vois pas en quoi ce qui se passe pourrait fragiliser le chef de l’État qui est dans sa position en train de montrer qu’il est en accord avec ces engagements. Au lieu de fragiliser, je crois qu’il faudrait plutôt trouver le terme exactement contraire.
Pour vous, le président de la République en sort grandi ?
Dans la mesure où il fait progresser l’État de droit et la lutte contre la corruption, absolument, il n’y a pas de doute là-dessus. Maintenant, c’est vrai que c’est fait dans la douleur parce que ce sont des proches à lui qui sont les premiers touchés, il n’y a pas de doute. Mais c’est la République, il est avant tout au service de la République.
Quel bilan faites-vous aujourd’hui du programme des 100 jours ?
Est-ce que c’est le moment d’en parler ? Parce qu’aujourd’hui, l’opinion est noyée par cette perception négative. Je crois qu’il faut laisser le temps au temps. Viendra le moment d’un véritable bilan où on fera la part des choses. Au titre du bilan, il y a quelques bonnes réalisations, même très bonnes. Il y a beaucoup de mauvaises choses, de choses qui se sont mal passés, mais il y a aussi énormément de leçons utiles et nous devons nous en saisir pour faire mieux demain.
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