Afrique
Sur le continent africain, de nombreuses religieuses seraient abusées sexuellement par des membres du clergé et se confinent dans le silence.
Trente ans après deux rapports accablants présentés au Vatican, cette culture du secret semble persister, sans être entamée par le mouvement général de libération de la parole des femmes.
Aujourd’hui, des religieuses et prêtres missionnaires veulent comprendre les mécanismes de cette omerta qu’ils considèrent comme une bombe à retardement.

Depuis quelques mois, au Chili, en Inde ou en France, la parole de religieuses victimes d’abus commis par des membres du clergé se libère, mais l’Afrique, elle, a du mal à sortir du silence. Mails après mails, appels après appels répétés, la réponse, en forme de non-recevoir, reste la même : « Nous ne souhaitons pas parler. » Difficilement quantifiables, des cas d’abus existeraient pourtant bel et bien dans l’Église.
À l’image de celui rapporté par sœur Josée, une sœur congolaise qui a l’habitude de faire le tour des communautés de son pays d’Afrique centrale pour étayer ses recherches en théologie. 2004, petite ville de République démocratique du Congo. Un diacre rend visite à une communauté. Seul avec l’une des sœurs, il lui indique qu’il a soif. Alors qu’elle ouvre le réfrigérateur pour lui servir de l’eau, le diacre l’assomme d’un coup dans la nuque et la viole. Cette histoire sinistre, c’est sœur Josée qui la rapporte. Un viol dont elle n’a pas entendu parler directement de la bouche de la victime mais de la mère supérieure de celle-ci. Sœur Josée ne veut pas que son nom de famille soit publié, ni indiquer celui de sa congrégation. Un abus sexuel, trois femmes qui le retracent : toutes veulent rester anonymes.
Impossible de quantifier le phénomène
Le recoupement des témoignages ne laisse aucun doute : les abus commis par des membres du clergé, parfois de haut rang, existent, notamment en RD-Congo et au Kenya. Mais ils sont tus ou racontés dans la confidence. « Si un jour, on devait révéler ce qu’il se passe ici, ce serait une bombe », déplore anonymement lui aussi un missionnaire à La Croix. Cette omerta empêche de quantifier le phénomène. Selon la majorité des missionnaires sollicités, deux dénominateurs communs se dégagent : le cadre où se déroulent ces viols et leur traitement par les congrégations.
La majorité des abus se produit dans les congrégations diocésaines, communautés autochtones qui dépendent financièrement d’un évêque. Les femmes consacrées y seraient moins surveillées que dans les congrégations internationales, et donc plus vulnérables.
Autre constat unanime : quand une communauté apprend que l’une de ses membres a été abusée, la victime en est le plus souvent renvoyée. Comme dans le récit que poursuit sœur Josée. La théologienne rapporte avec colère l’attitude de la supérieure : « Je lui ai demandé "Qu’avez-vous fait avec la jeune sœur ?" Elle m’a répondu : "En punition. Nous l’avons reléguée dans une communauté lointaine, en attendant le décret de renvoi. Il faut qu’elle parte vite : elle a souillé notre congrégation" ».
Des victimes congédiées
Des congrégations fragiles et des victimes congédiées, un scandale dont le Vatican a pourtant connaissance depuis vingt ans. À la fin des années 1990, deux rapports sont présentés à Rome. Ces enquêtes devaient rester privées, mais l’hebdomadaire américain National Catholic Reporter (NCR) les publie en mars 2001.
En 1994, Maura O’Donohue, à l’époque médecin et coordinatrice pour le sida au sein du Fonds catholique de développement d’outre-mer de la Caritas, a réalisé un sondage auprès de religieuses de 23 pays, la majorité en Afrique subsaharienne. Elle y dénonçait, parmi d’autres situations tragiques, les viols commis par des prêtres sur des religieuses, considérées comme des partenaires « sûres », dans des pays gravement atteints par l’épidémie de sida. Décédée en 2015, la religieuse irlandaise a présenté son travail au cardinal Eduardo Martínez, alors préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée (CIVC).
En novembre 1998, un autre rapport de quatre pages est présenté à Rome, signé par la supérieure générale des sœurs missionnaires Notre-Dame d’Afrique, la religieuse écossaise, Marie McDonald. Il est exposé devant l’Union internationale des supérieures générales (UISG), l’Union des supérieurs généraux, son homologue masculin, et la CIVC. « Le harcèlement sexuel et même le viol de sœurs par des prêtres et des évêques sont fréquents », affirmait la religieuse dans son enquête en ajoutant que « parfois, lorsqu’une sœur tombe enceinte, le prêtre insiste pour qu’elle se fasse avorter ». Sollicitée par La Croix, sœur McDonald n’a pas voulu répondre. Vingt ans après, elle ne veut plus parler.
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