Politique
En place depuis 2001, Joseph Kabila n’a jamais été prolixe. Ses interventions publiques étaient millimétrées, ses interviews rares, ses silences étaient parfois plus éloquents que ses discours. Mais au moment de quitter, le chef de l'Etat a accepté, lors d'un entretien accordé au journal belge « Le Soir », de faire le bilan de ses 18 ans de « règne ».
Parlant justement de son bilan, le Président Kabila a retracé le chemin parcouru depuis son accession au pouvoir en 2001 en insistant particulièrement sur la stabilisation du pays.
Le face à face de plus de 2 heures entre le président Joseph kabila et Colette Breackman, la journaliste du quotidien belge « Le Soir ». (© Le Soir)
« Durant la première, de 2001 à 2006, la priorité des priorités était la stabilisation du pays, sa pacification et l'organisation d'élections libres. C'était la promesse, le défi [...] Nous avions réussi à stabiliser la situation politique et sécuritaire, mais aussi économique. La deuxième phase, c'est la période qui va de 2006 à 2011. Nous avions pour objectif de stabiliser davantage et d'amorcer la reconstruction et la plupart des nouvelles infrastructures ont été construites alors. A cette période, nous avons aussi été confrontés à diverses rébellions, dans l'Equateur, au Kivu [...] De 2012 jusqu'à aujourd'hui, nous avons tenté de poursuivre la modernisation, la stabilisation, d'engager des réformes… On pourrait écrire plusieurs livres sur ce long, ce si long voyage, qui n'est d'ailleurs pas fini. »
Sur le plan économique, le président s’est notamment félicité de la révision du code minier malgré les réticences des miniers car « c'était dans l'intérêt de mon pays », dit-il. Et d’expliquer que les miniers eux tentent de réaliser quelques millions de dollars à la Bourse en quelques mois, alors que lui doit veiller aux intérêts de 80 millions de Congolais. « Ces derniers sont mes actionnaires à moi. La loi a donc été promulguée, on avance. On a tenu bon dans l'intérêt de notre peuple », s’est-il réjoui.
Le montant de sa fortune, des fake news !
Par ailleurs, sur ce point, parlant des « calomnies et critiques » subis notamment sur sa fortune personnelle liée à des business dans les mines, le président se dit bien plus préoccupé par la sécurité et le développement du pays plutôt que de suivre ces « Fake news ».
Pour le président de la République, les mensonges font partie de toute une stratégie de communication, ils sont mis en place pour l'abattre. Mais, ajoute-t-il, le peuple congolais est mature et sait à quoi s'en tenir.
« J'ai des choses beaucoup plus importantes à faire que m'occuper de cette fabrication de mensonges. Je dois veiller à la sécurité de mon pays, à son développement. Ces mensonges font partie de toute une stratégie de communication, ils sont mis en place pour abattre M. Kabila, pour orienter nos choix. Je remercie notre population qui a fait preuve de maturité politique et a conclu que ce ne sont là que des ragots. Faut-il consacrer son temps, ses moyens, à traduire en justice tous ceux qui nous critiquent injustement ? […] Je n'ai pas le temps de répondre à ce qui fait partie de la désinformation. Des fake news ! […] Souvenez-vous du président Mobutu : on disait que sa fortune dépassait les 14 milliards de dollars, plus que la dette du pays […] Arrivés à Kinshasa, nous avons cherché en vain ces 14 milliards […] Ces histoires émanent d'officines basées à Paris, Bruxelles, New York... »
Au sujet des élections le président Joseph Kabila constate que tout s’est bien passé jusqu’à présent.
Organiser un troisième cycle d’élections, un vrai challenge
« Le challenge, c'est aussi d'organiser le troisième cycle des élections […] Nous sommes dans la dernière ligne droite avant les élections, nous avons eu l’enrôlement des électeurs, puis le dépôt des candidatures, et, à 90 %, tout s'est passé normalement. La campagne a commencé dans le calme et cette absence d'incidents traduit aussi la maturité politique de la population ... Reste le défi de la sécurisation le jour même du vote. Après le 23 décembre, il n'y aura plus qu'à attendre les résultats. Je crois que tout va bien se passer [… ] On a connu des hauts et des bas, mais l'essentiel, c'est d'être à la veille des élections. »
Et de rappeler que ses élections se dérouleront sans l’aide extérieure car les Congolais « ne sont pas des mendiants ». « Le Congo, certes, a des problèmes, mais c'est aussi un pays d’hommes et de femmes dignes. Les pays voisins, eux non plus, ne sollicitent pas l'appui de la Monusco ... Nous avons pris l'option d'organiser les élections nous-mêmes, ce qui nous coûte cher, mais c'est une question d'indépendance, de souveraineté ... »
Et d’ajouter que « Ce seront les meilleures élections que ce pays aura connues depuis 1959. Je crois que nous aurons été du bon côté de l'histoire. Le Congo ne sera jamais à genoux, il sera toujours debout. »
Concernant l’absence d'observateurs internationaux - gage de crédibilité - le président affirme que les observateurs seront là malgré l’absence d’observateurs de l’UE et des USA.
« Les observateurs seront là : il y aura plus de 40.000 observateurs nationaux […] En plus, il y aura des observateurs de la région, de la SADC, de l'Union africaine, de la CCEAC, de l'OIF […] Il est vrai aussi qu'il n'y aura pas d'observateurs envoyés par l'Union européenne ou les Etats-Unis. Pourquoi devrait-on les inviter ? Je considère que ces pays ont déjà préparé leur rapport avant même le jour du vote ! L'important, ce sera surtout l'observation par les Congolais eux-mêmes. »
Respect de la Constitution et des Accords de la Cenco
Revenant sur son respect de la Constitution, et le fait de ne pas s’être présenté pour un 3ème mandat, Joseph Kabila certifie qu’il n’en avait jamais été question et ne comprend pas que sa décision ait pu surprendre à ce point.
« Ce qui me surprend, c'est que ma décision ait pu surprendre : j'ai fait ce que j’avais toujours dit. Jamais, ni en privé ni en public ou en aparté avec un autre chef d'Etat, je n'ai exprimé autre chose. J'ai toujours été constant. »
Sur la décrispation du climat politique et le respect des accords de la Cenco, il considère que cela relève désormais strictement de la justice mais qu’à sa connaissance, « il n'y a pas de détenu strictement « politique ».
« S'il y a des problèmes au niveau de la justice, c'est là qu'il faut intervenir, mais moi je ne le peux pas […] Nous avons un ex-gouverneur arrêté pour viol, des généraux en prison pour la même raison. Être en politique ne permet pas d'être libéré face à ce type de charges », a-t-il affirmé.
Le FCC pour endiguer la boulimie des partis politiques en RDC
S’exprimant sur la multitude des partis politiques il voit dans le FCC la manière d’aller de l’avant pour résorber cette situation. « Au lieu d'avoir 600 partis politiques, je crois préférable d'avoir de grands ensembles, avec un total de quatre à cinq partis politiques qui transcendent les régions, les ethnies […] Cette réflexion a abouti à la création des FCC, on y soutient un même candidat, un même programme de reconstruction économique […] »
Et d’approuver la même démarche du côté de l’opposition avec la réunion de Genève ; du moins si l’objectif et les intentions sont clairs. « […] Si les autres se regroupent aussi, c'est une bonne tendance […] La question n'est pas l'échec, mais ce qui était à la base de cette initiative et avec quel objectif. On peut espérer que, d'ici le 23 décembre, ils soient toujours ensemble. Qu'après cette date, le gagnant fasse appel à tout le monde et que le perdant accepte d'avoir perdu. »
Quant aux sanctions imposées aux membres de sa plateforme, et particulièrement à l’encontre de son dauphin Emmanuel Shadary, l’autorité morale du FCC les juge, illégales, injustes, arbitraires, orientées politiquement d’autant que les individus sanctionnés, ses « défenseurs de l’Etat de droit du Congo » n’ont pas eu l’occasion de présenter leur défense.
« Si Shadary est élu, il sera le président de la RDC, en Belgique, il ne possède rien. Certains ont regretté que les individus visés n'aient pas eu l'occasion de se défendre. Moi, je demande pourquoi nous devrions aller nous justifier. Ses sanctions sont tout à fait illégales, injustes, arbitraires, orientées politiquement. Quelques pays d'Europe ne peuvent s'arroger le droit de nous sanctionner ainsi. Dans quel monde vivons-nous, où ceux qui ont la force, ou croient l’avoir, peuvent s’arroger un tel droit ? Moi, je fais pleinement confiance à tous ceux qui ont été sanctionnés, et surtout les officiers ; je sais qu'ils défendent l'Etat de droit. On me dit que si tout se passe bien lors des élections, les sanctions pourraient être levées. Mais moi je m'en fous. »
Le Congo n’est plus une colonie belge !
Interrogé sur les relations diplomatiques tendues avec la Belgique ces derniers temps et la fermeture par le gouvernement congolais de la Maison Schengen
Le président Kabila a eu des mots forts. « Il y a des gens qui, en Belgique, croient que le Congo est encore une colonie, que les Belges doivent toujours avoir de l'ascendant sur les Congolais. Cela fonctionnait peut-être avec nos pères - qui ne sont plus là- mais avec nous, les enfants de ceux qui ont combattu le colonialisme dans ce pays, c'est inadmissible, cela ne marche pas. Le peuple congolais n'acceptera jamais », a-t-il répondu
Il a par ailleurs déploré dans le chef des Belges un certain « état d'esprit » qui pose problème: « Il n'appartient pas à la Belgique de faire le choix des dirigeants de ce pays, d'inviter des opposants à Genval, de leur offrir des chocolats, », surpris de « ces tendances néocolonialistes » qui tend à « essayer d'imposer des dirigeants à ce pays alors que c'est à notre peuple qu'il appartient de choisir. […] Ne vous ingérez pas dans la politique interne du Congo. » « Si on ne peut pas accepter cela de la Chine, de la Russie ou des Américains, on ne l'acceptera pas non plus des Belges ! », a-t-il martelé.
Sur la fermeture par le gouvernement congolais de la Maison Schengen qui a un impact sur les Congolais, il considère qu’« il y a un prix à payer pour tout, y compris pour la dignité », bien qu’il n’ait pas le sentiment que la situation va perdurer.
« Il faudra trouver une solution, qui soit en faveur du respect, envers nos deux peuples. Entre le peuple belge et le peuple congolais, il ne peut pas y avoir de problèmes », assure-t-il.
Beni, une réelle menace terroriste
Concernant l’insécurité et notamment le cas de Beni, le chef de l’Etat considère qu’il s’agit d’une menace terroriste est réelle et exige une très bonne coopération des services de sécurité de la région.
« C'est bien de terroristes qu'il s'agit ! Nos amis en Occident devraient se réveiller : c'est en 2012 déjà que j'ai commencé à parler du terrorisme des ADF. A l'époque, je disais aux chefs d'Etat que ces ADF étaient les mêmes que les "shebabs" de Somalie, que Boko Haram en Afrique de l'Ouest, que l'Etat islamique lui-même […] Aujourd'hui, les Ougandais s'agitent, mais aussi les Tanzaniens. Voici une semaine, à Gabo Delgado, au Mozambique, des inconnus ont égorgé des civils, brûlé les maisons avant de prendre la fuite. De la même manière qu'à Beni, où on a arrêté des groupes radicaux dans lesquels se trouvaient des Somaliens, des Kényans, des Ougandais, des Mozambicains […] Cette menace inédite exige une très bonne coopération des services de sécurité de la région. Il ne s'agit plus d'une guerre classique mais de groupes qui veulent tuer un maximum de gens puis disparaitre […] Pour nous, c'est un grand défi, une menace pour l'avenir. Les Maï-Maï qui restent, nous sommes capables de les affronter. Par contre, cette menace terroriste requiert une stratégie particulière. Le Congo ne représente pas un nouveau front mais une cible. »
Quant à la reforme de l’armée pour éradiquer cette menace, le président s’est déclaré satisfait du travail abattu. « Plusieurs lois de réforme de la police et de l'armée ont été adoptées, les équipements ont été modernisés : le travail de réformes va se poursuivre et, aujourd’hui déjà, l'armée n'est plus ce qu'elle était quand nous avons été bousculés par différentes rébellions. Cette armée va monter en puissance [...] Certes, il y a encore quelques cas d'indiscipline mais, dans l'ensemble, je peux le dire, notre armée est maitrisée, disciplinée, les abus sont sanctionnés. »
Futur Gentleman Farmer ?
Enfin au sujet de sa retraite, et de sa prochaine vie en tant qu’ancien chef de l’Etat, bien qu’il ne sache pas encore exactement qu'est-ce qu'il fera, Le président considère cependant vouloir poursuivre d'oeuvrer pour le pays; et cela toujours en RDC. « Ce que je pense faire ? J'avoue que je ne me suis pas encore posé la question. […] En tout cas, je ne songe pas à aller en vacances aux Bahamas, ni même en Espagne, à Dubaï ou ailleurs. Blague à part : je resterai certainement dans mon pays, où je vais m'occuper de beaucoup de choses… »
Avant de lancer ce même appel aux Congolais afin qu’ils s’investissent - et investissent - davantage dans le Congo. « C'est aussi une leçon que je voudrais donner aux Congolais : il faut qu'ils soient les premiers investisseurs dans leur pays. Qu'au lieu de créer 600 partis politiques ils créent 600 entreprises. C'est un devoir patriotique. A ceux qui, depuis l'étranger, nous critiquent, je leur dis de revenir, d'investir au Congo, de créer des entreprises. Je lance un appel à la diaspora […] A l'époque du maréchal Mobutu, on parlait de ses propriétés en Suisse, en France. Moi, je pense qu'il faut investir au Congo. C'est ce que j’ai dit aux membres de ma famille. Je ne souligne qu’aucun d'entre eux n'est employé dans un ministère, dans une fonction publique ; ils n'ont pas de sinécure, ils doivent tous travailler dans le pays. C'est cela le message, l'exemple que je voudrais donner... »
Et pour son futur successeur, Joseph kabila se dit disposer à le conseiller s’il le souhaite. « Cela dépend. S'il a besoin de mes conseils, je serai toujours là, volontiers. Mon successeur, quel qu'il soit, aura non seulement besoin de l'ancien président, mais surtout besoin de dignité. Besoin de la participation des 80 millions de Congolais au pays et de tous ceux qui sont dans la diaspora, afin d'aller de l'avant dans la reconstruction du Congo. »
Mais que de toute façon, il se considère plus comme un militaire mis en réserve plutôt qu’un proche retraite. « En cas de besoin, on peut toujours faire appel à nous, à moi, pour servir la nation », a déclaré le président en fin de mandat.
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