Sport
Premier champion du monde noir des poids lourds, Jack Johnson (1878-1946) avait été envoyé en prison sous des prétextes racistes. Il était l'inspirateur de Mohamed Ali. Retour sur son destin.
C'est un moment historique qui permet d'évoquer le destin de deux grands champions du noble art. Jack Johnson et Mohamed Ali. Ce dernier s'en allé en 2016. Il a marqué le siècle dernier de son empreinte avec une telle force que son nom rayonne au-delà de la pratique sportive comme une marque internationale ou un slogan publicitaire. Mais, ce que l'histoire ignore la plupart du temps, c'est u'il a construit son personnage en s'inspirant d'un autre homme de légende : Jack Johnson.
Johnson, un boxeur « noir » dans l'Amérique du début du XXe siècle
Nous sommes dans les derniers jours de l'année 1908. Exactement, le lendemain de Noël, le 26 décembre et les USA se réveillent abasourdis. Le Canadien Burns, le champion du monde des poids lourds blancs, a été battu par l'américain Jack Johnson : un Noir.
Le titre le plus envié du sport américain est désormais entre les mains d'un fils d'anciens esclaves. Malgré l'abolition de l'esclavage 40 plus tôt, les Noirs vivent dans un régime d'apartheid. Une discrimination implacable qui impose une séparation entre les Blancs et les Noirs. Le sport ne déroge pas à la règle. Au nom de la vertu et de la morale, un Noir ne peut pas affronter un Blanc dans une enceinte sportive américaine. Il est donc impensable qu'un titre aussi prestigieux que celui de l'homme le plus fort au monde puisse revenir à un « nègre », à un être jugé inférieur.
Mais comment passer à côté du phénomène, du démon, dont les nouvelles des exploits se répandent comme une trainée de poudre à travers les pays. Jack Johnson avait un sens inné de la boxe. Il a châtié avec facilité et désinvolture tous les adversaires noirs ou blancs de seconde zone qui se présentaient à lui. Sa technique inédite de boxe produit une forte impression et inspirera quelques décennies plus tard ce fameux Cassius Clay.
... Jeffries, le champion du monde, a fini par accepter de l'affronter
Jim Jeffries, le champion en titre, le meilleur poids lourd blanc, refusait coûte que coûte de rencontrer des boxeurs noirs au nom de la préservation de la race. Jeffries prit sa retraite en 1904 en Californie invaincu et conclut un pacte avec son challenger, le Canadien Tommy Burns, nouveau détenteur du titre des lourds. Celui-ci fit la promesse à Jim Jeffries de ne jamais affronter de « nègres ».
L'appât du gain et l'arrogance sont trop forts. La bourse de 30 000 dollars, un record pour l'époque qui représentait bien plus que la totalité de ses gains amassés dans sa carrière, incitèrent le Canadien à s'engager. Interdit aux USA, le combat fut organisé par un promoteur australien à Sydney à la fin de l'année 1908.
Dès les premiers instants du combat, un violent uppercut de Johnson envoie Burns une première fois au tapis dès la 20e seconde. Avec sa puissance tranquille, un art méthodique de la démolition, Johnson fut impitoyable tout le long du combat.
Une victoire incontestable
La grande majorité des journalistes reconnurent la boule au ventre et à contre-cœur la victoire de Johnson. Jack London, dépêché en Australie par le New York Herald, rapporte à contre-courant dans sa chronique :
« Sa victoire était sans réserve. Ce fut son combat d'un bout à l'autre, en dépit des comptes rendus différents qui ont été publiés, dont l'un donnait, sur les six premiers rounds, deux rounds à Burns, deux à Johnson et deux à égalité. En dépit de beaucoup d'erreurs dues à un esprit partisan, il doit être reconnu par tout homme qui se trouvait sur le bord du ring qu'il n'y a pas eu un round qui puisse être reconnu comme revenant à Burns. »
Désormais, il n'y a plus d'ambiguïté. À 30 ans, Johnson est dûment reconnu et authentifié champion du monde des lourds, le titre sportif le plus envié au monde.
Johnson, un champion showman
Johnson mène sa vie comme un combat. Animé par un sentiment de supériorité et un sens inné de la publicité, quand il voit une opportunité, il n'hésite pas à la saisir. Sa personnalité étonnante, baroque, se révèle dans interventions régulières à la radio. Johnson incarne la première super star mondiale noire au palmarès doré. Son titre de champion du monde est un tel événement politique et social, qu'il galvanise la population noire. Mais, il sera également critiqué par les membres de sa communauté pour gaspiller son énorme potentiel par une forme d'insouciance et d'insolence.
L'Amérique cherche le boxeur qui effacera la tache noire du palmarès immaculé des poids lourds. Elle poussera Jim Jeffries, à 35 ans, à rompre son propre serment de ne jamais affronter de nègre. Il sortira de sa retraite d'agriculteur pour une bourse de 100 000 dollars, une fortune pour l'époque.
Le 4 juillet 1910 à Reno dans le Nevada, le jour de l'Independance Day, sont la date et le lieu retenus pour le combat du siècle.
Le récit de Jack London
Jack London, parmi les 500 journalistes présents venus du monde entier, écrivit : « Le plus grand combat du siècle fut un monologue présenté à 20 000 spectateurs par un Noir souriant qui ne douta jamais, et ne fut jamais sérieux pendant plus de quelques secondes chaque fois. » Dans un combat à sens unique le géant de Galveston de 1,92 m ne cessa de brocarder son adversaire : « Tu es sur un ring, pas dans un salon de thé ! », « Le colis est livré, Mister Jeff… ». Pire, il allonge le calvaire de Jeffries en évitant le K.O et le laminant de coups pour le maintenir sur le ring dans une position de dominé. Chaque coup porté par Johnson sur Jeffries était autant de gestes vengeurs des coups de fouet déchirant les chairs des esclaves récalcitrants dans les champs de cotons du Sud ou des chaînes asservissant les corps et les esprits du peuple noir américain. Au 15e round, après avoir été compté 2 fois pour la première fois de sa carrière, Jeffries abandonna par un jet de serviette de son camp ulcéré par le spectacle.
Jack London conclut son article par ces quelques mots : « Personne ne le comprend,cet homme qui sourit. » Le sourire de Johnson ne s'offrait pas qu'aux 20 000 spectateurs blancs ivres de haine, mais à la planète entière témoin de la défaite à plate couture des théories racistes. Ce combat marqua un tournant dans la vie tumultueuse et mouvementée du champion du monde des lourds.
Une forte empreinte désormais
L'empreinte légendaire de Johnson ne fut reconnue que bien plus tard par quelques rares historiens et célébrités comme Miles Davis pour un album hommage. C'est de cet homme dont Mohamed Ali s'inspira grandement pour façonner sa légende. Quand Ali rencontra Jerry Quarry, un poids lourd blanc, à son retour de condamnation pour son refus de faire la guerre au Vietnam, il ne cessa sur le ring de le provoquer par du trash talking digne de Johnson. Il rythma ses coups gagnants par des « Jack Johnson is here, is here ! » (Jack Johnson est là, il est là). Un combat qu'il remporta par arrêt de l'arbitre.
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