Economie
Humiliation, désertion, trahison. Pas de mots trop forts chez les cousins belges pour exprimer la sombre colère devant la décision du groupe bancaire français BNP Paribas de se retirer de la République Démocratique du Congo. Pour justifier ce départ, qui met dans l’embarras les milieux d’affaires belges présents dans l’ancienne colonie, la première banque française invoque des problèmes de bonne gouvernance.
Cet acte fort est aisément compréhensible. Après l’imposition, en 2014, de la lourde amende américaine dans l’affaire de la violation des sanctions américaines contre l’Iran, Cuba et le Soudan, l’établissement de la rue d’Antin se veut irréprochable en matière de respect de la réglementation financière. Or, la situation chaotique prévalant en RDC, l’imbroglio politique ainsi que la corruption ambiante s’avèrent de véritables bombes à retardement.
De nombreux clients belges installés dans le pays sont impliqués dans les matières premières, un secteur qui ne respire pas la transparence. Or, après sa déconvenue judiciaire aux États-Unis, BNP Paribas se retire progressivement de ce business opaque dans le cadre de son recentrage sur la banque de détail et le financement des entreprises.
Autre argument en faveur du retrait, BNP Paribas a hérité des clients en question lors du rachat, en 2009, des activités bancaires belges et luxembourgeoises de l’enseigne Fortis en faillite. Ladite Fortis avait acquis ce portefeuille lors de la reprise, quatre ans plus tôt, de la Belgolaise.
La fermeture brutale de comptes appartenant à des sociétés belges, dont certaines opèrent dans l’ex-Zaïre depuis plus d’un siècle, a provoqué la colère des milieux d’affaires belges qui accusent leur banquier de double langage.
Pourquoi se retirer de la RDC alors que la banque continue d’exercer son activité dans les ex-colonies ou protectorats français en Afrique subsaharienne ? s’interroge-t-on à Bruxelles.
Ulcérés, les Belges montrent du doigt le maintien de BNP Paribas au Tchad, en Centrafrique, au Congo-Brazzaville et au Gabon, nations qui connaissent les mêmes problèmes que la RDC. Deux poids, deux mesures, au nom de la protection de la sacro-sainte « Françafrique », laisse entendre le quotidien Le Soir.
Aux yeux des clients de la RDC « blacklistés », BNP Paribas contrevient à l’esprit de ses engagements envers le gouvernement belge lors du rachat de Fortis, une opération qui s’est avérée très rentable vu le prix dérisoire payé par le groupe français.
Néanmoins, on peut tout aussi comprendre les appréhensions de la banque de poursuivre des activités en zone nébuleuses après s’être vue infligé, au début du mois, d’une sanction, assortie d’un blâme, de 10 millions d’euros pour des manquements dans sa lutte contre le blanchiment des capitaux par l’autorité de contrôle des secteurs de la banque et de l’assurance française.
Ce contrôle a mis au jour « la faiblesse persistante des moyens humains consacrés au traitement (...) des déclarations de soupçons », et « la faible efficacité (...) des outils de détection des opérations atypiques ».
La commission avait aussi constaté que BNP Paribas avait tardé à mettre à jour les procédures correspondant à sa nouvelle organisation décidée en 2013 en la matière.
« Des carences dans le traitement de plusieurs dossiers individuels viennent corroborer ces constats, en particulier des retards ou des défauts de déclarations de soupçon », selon le communiqué de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
En lâchant l’ancien Congo Kinshasa, BNP Paribas laisse la place libre à des banques de second ordre, mal régulées dans leur pays d’origine. Enfin, BNP Paribas abandonne un marché potentiellement lucratif de 80 millions de personnes en voie de bancarisation.
Comme dans le reste de l’Afrique noire éprise de changement, les applications mobiles permettent d’effectuer des transactions bancaires dans les coins les plus reculés du pays. Quoi qu’en disent ses détracteurs, la finance peut aussi être un facteur de progrès.
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