Politique
De passage à Paris, le ministre congolais de la Communication et des Médias, Lambert Mendé, répond aux questions de RFI. Il s'exprime aussi sur la crise politique qui perdure malgré l'accord du 31 décembre dernier.
Au Congo Kinshasa, au moins 400 civils ont été tués dans la province du Kasaï central depuis septembre dernier. Et plusieurs vidéos sont accablantes pour les forces de l'ordre.
RFI : Qu’est-ce qui bloque dans l’application de l’accord de transition du 31 décembre ?
Lambert Mende : Il y a des difficultés avec nos partenaires de l’opposition, du Rassemblement, qui doivent désigner celui qui devra être nommé comme Premier ministre par le président de la République et qui se déchirent depuis que cette possibilité leur a été donnée. Donc nous attendons qu’ils puissent régler ces différends entre eux et qu’ils puissent présenter les personnes pouvant être sélectionnées par le président de la République pour diriger le gouvernement avant la période électorale.
Les évêques de la Cenco disent oui, il y a des divisions au sein de l’opposition, mais il y a des manœuvres dilatoires de votre part. Est-ce qu’ils n’ont pas raison ?
Je ne sais pas où ils situent ces manœuvres dilatoires. Nous avons signé cet accord et nous avons convenu dans l’accord qu’il fallait que le Rassemblement présente un Premier ministre. Nous avons même commencé à mettre en œuvre des résolutions de cet accord. Des exilés ont commencé à rentrer, des prisonniers sont libérés, plusieurs médias qui avaient été fermés par mesure conservatoire ont été autorisés à réémettre.
Les élections seront organisées cette année !
Mais franchement, est-ce que vous ne faites pas trainer les choses pour que la présidentielle ne puisse pas avoir lieu avant la fin de l’année ?
Tout d’abord, ce n’est pas nous qui organisons les élections. A ma connaissance, le gouvernement qui est là a mis à disposition de la Commission électorale près de 300 millions de dollars déjà. Le gouvernement a fait sa part en réquisitionnant beaucoup de matériel roulant de l’armée et même une partie de la flotte aérienne de l’armée pour faciliter le déploiement du matériel électoral. Qu’est-ce qu’on peut demander de plus à un gouvernement pour démontrer sa bonne foi ? Et ils ont déjà enrôlé plus de 20 millions d’électeurs sur les 41 millions.
Donc la fin de l’enrôlement c’est d’ici la fin du mois de juin ou mois juillet ?
Le mois de juillet.
Et la présidentielle avant la fin de l’année comme promis ?
Toutes les trois élections seront organisées le même jour, d’après la communication que le président de la Céni a faite au gouvernement – présidentielle, législatives nationales et législatives provinciales – et il espère pouvoir les organiser le même jour.
Oui, mais le même jour de quelle année ?
De cette année. C’est ce qui a été convenu dans l’accord. Nous ne voyons pas de raison de pouvoir changer.
Et conformément à la Constitution le président Joseph Kabila ne sera pas candidat ?
Tout se passera conformément à la Constitution et le président n’a jamais dit qu’il voulait être candidat, parce que pour qu’il soit candidat, encore faut-il que la Constitution soit modifiée. Or, la modification de la Constitution, vous le savez, c’est une procédure extrêmement lourde. Il faut une loi référendaire, il faut un référendum. Rien de tout cela n’est annoncé en République démocratique du Congo. Il ne peut pas se représenter puisque la Constitution ne le lui permet pas.
Mais ce n’est pas seulement nous qui vous posons cette question, ce sont les évêques de la Cenco qui craignent que si on n’arrive pas à appliquer l’accord, vous ayez recours au référendum pour modifier la Constitution.
Ça, c’est un véritable cas type de procès d’intention.
Le poste de Premier ministre, par exemple, selon l’accord du 31 décembre il doit revenir à l’opposition et celle-ci s’est mise d’accord pour désigner Félix Tshisekedi. Cette histoire de liste de trois noms que vous réclamez à l’opposition, est-ce que ce n’est pas une manœuvre dilatoire ?
Non. C’est le respect de la Constitution. Le président consulte l’opposition. Ici, nous parlons de la procédure de consultation. On ne peut pas priver le président de ce pouvoir de consulter avant de nommer.
C’est aux magistrats de decider du cas Moïse Katumbi !
Moïse Katumbi Chapwe lors de son arrivée au Palais de Justice de Lubumbashi pour répondre de son implication dans l'affaire des présumés mercenaires, le 20 juin 2016.
Vous invoquez la Constitution, mais ce que dit l’opposant Moïse Katumbi c’est que depuis que le mandat du président a expiré on est hors Constitution.
Je ne sais pas si l’expiration du mandat d’un président met fin à une Constitution. Monsieur Katumbi doit revoir ses classiques. La Constitution est toujours là puisque c’est la Constitution qui régit le fonctionnement des institutions. Et la Constitution prévoit même les cas de force majeure où une élection n’a pas eu lieu.
Prenons le cas de Moïse Katumbi qui a été condamné à trois ans de prison l’année dernière pour une affaire de spoliation immobilière. La juge qui l’a condamné se rétracte et dit qu’elle a subi des pressions politiques. Est-ce qu’on ne peut pas trouver une solution politique ?
La rétractation d’un juge se fait selon les procédures, devant les structures hiérarchiques de la justice congolaise. Si elle s’était adressée au Conseil supérieur de la magistrature, on aurait pu envisager ce problème autrement, mais venir ici en exil et parler comme elle a parlé, c’est de la politique.
Aucun compromis pour Moïse Katumbi ?
Je ne parle pas de compromis parce que nous avons chargé une commission de hauts magistrats. Donc c’est aux magistrats qu’il faut s’adresser.
Donc le rapport que les évêques de la Cenco s’apprêtent à publier sur le dossier Katumbi, vous êtes en train de nous dire qu’il ne sert à rien ?
Je ne sais pas s’il ne servira pas à quelque chose, il est possible que le Conseil supérieur de la magistrature s’en saisisse. Mais vous savez, la justice est indépendante. Il est possible que le rapport des évêques ait un impact sur la magistrature. Il faut attendre de voir comment la magistrature va réagir à ce rapport.
« Nous n’avons pas besoin d'une enquête internationale »
Fosses communes de Tshimbulu, chef-lieu du territoire de Dibaya au Kasaï (© RFI/Sonia Rolley)
Autre crise grave, la situation dans la province du Kasaï central, 400 civils au minimum ont été tués depuis septembre dernier. A l’origine des enquêtes de la justice, une vidéo accablante pour les forces de l’ordre. Est-ce que vous dites toujours que cette vidéo est un grossier montage ?
Je vais vous dire d’abord que nous avons eu beaucoup de peine à croire ce que nous avions vu dans cette vidéo. Nous avions eu beaucoup de peine à croire que des hommes - des Congolais - pouvaient faire ça à d’autres Congolais. Mais le président de la République, par obligation de précaution, a ordonné au gouvernement de faciliter l’envoi de magistrats militaires dans la région et je dois féliciter le travail que ces magistrats militaires ont fait, parce qu’ils ont pu identifier les personnes qui sont vues dans cette vidéo, qu’ils ont mises aux arrêts, qui sont en train de passer en jugement devant la justice militaire.
Alors en effet, le 18 mars, sept militaires, dont des officiers, ont été arrêtés et inculpés par la justice militaire congolaise. Mais votre collègue, la ministre des Droits de l’homme, ne parle que d’action isolée. Est-ce que les vidéos ne montrent pas, au contraire, que des officiers donnent des ordres pour tuer et semblent vouloir témoigner auprès de supérieurs qu’ils obtiennent des résultats ?
Mais ces officiers sont aux arrêts. Et ils vont devoir nous dire qui leur a donné ces ordres. Donc, attendons de savoir si ce n’est pas une mise en scène, justement, pour casser du sucre sur le dos de la RDC ou s’ils ont reçu des ordres. Et si tant est que quelqu’un leur a donné des ordres, celui-là aura à en répondre.
Vu la gravité des événements, ne faut-il pas mettre en place une commission d’enquête internationale ?
Pourquoi ? La justice militaire congolaise est suffisamment adulte. Elle est suffisamment respectée dans le monde entier. Sinon pourquoi voulez-vous que le secrétaire général des Nations unies ait nommé un colonel magistrat congolais à la tête du parquet près la Cour spéciale qui vient d’être créée en République centrafricaine ?
Nous n’avons pas besoin du monde entier. Nos magistrats travaillent correctement. Mais s’il y a une demande d’assistance qui vient des magistrats militaires, croyez bien que le gouvernement n’y mettra aucune entrave. Et s’ils estiment qu’ils ont besoin d’aide ils nous le diront et nous négocierons une assistance judiciaire de collègues étrangers. Mais pour l’instant, je pense qu’ils s’en sortent plutôt bien. Et si nos militaires sont impliqués dans l’un ou l’autre cas de crime de masse à cet égard, soyez certain que les sanctions tomberont.
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Lambert Mende, ministre de la Communication et des Médias de la RD Congo. (© Reuters)