JO 2016/Judo : Popole Misenga écrit l'une des plus belles pages des Jeux Olympiques

Le judoka congolais, Popole Misenga, luttant contre le Sud-Coréen Gwak Donghan lors des 1/16ème de finale, mercredi 10 août 2016. (© Elsa/Getty Images)

Popole Misenga, qui concourait sous la bannière des réfugiés, a gagné sa première confrontation dans la catégorie des -90kg face à l'Indien Avtar Singh avant de s'incliner avec les honneurs au tour suivant face au numéro un mondial et champion du monde, le Sud-Coréen Gwak Dong-Han en 1/16ème de finale.

Le judoka congolais a passé une journée inoubliable à Rio au Brésil. En effet, Popole Misenga, qui fait partie d’une équipe sans précédent de 10 réfugiés concourant sous le drapeau Olympique, a défié les pronostics en battant l’Indien Avtar Singh, 71ème mondiale.

Le judoka congolais Popole Misenga « renversant » contre l'Indien Avtar Singh (© Benjamin Loyseau/UNHCR)

Il a fait quelque chose d'héroïque

Lors des 16èmes de finale, Misenga a dû lutter contre le champion du monde et le numéro 1 mondial, Gwak Dong-Han de la Corée du Sud. Porté aux nues par les ¾ de l’arène, qui avaient jeté leurs dévolus sur lui, acclamant et applaudissant à chacune de ses prises et mouvements et huant l'arbitre pour chaque pénalité contre le natif du Kivu, qui avait demandé l’asile au Brésil en 2013.

Durant les 4 des 5 minutes règlementaires de ce combat, Popole réussit une bataille défensive de haut niveau pour contrer l’effroyable arsenal d’attaques du Coréen accompagnées de tentatives de contre-attaques, pour mettre le Coréen au tapis, digne d’un champion olympique.

La foule en connaisseur ne s’y trompait guère non plus en scandant le nom du Congolais : « Popole, Popole ! ». Avoir la foule qui le poussait fut « très émouvant, » a-t-il fait savoir par la suite. « Le Brésil m’encourageait ! »

Hélas, le combat pris fin de manière dramatique lorsque le Coréen (qui terminera sur la dernière marche du podium avec une médaille de bronze) mis fin au rêve de Popole par une immobilisation soudaine qui voyait le refugié congolais admettre sa défaite par un ippon. Quand les adversaires se sont relevés pour saluer, les applaudissements pour Popole faisaient toutefois penser qu’il venait d’être déclaré vainqueur.

« Je suis arrivé à Rio en 2013 lors du Mondial de judo et j’ai décidé de rester en demandant l’asile politique. Ensuite, j’ai rencontré des gens qui ont cru en moi. Je suis heureux. Aujourd’hui, j’ai eu un public incroyable. Il fallait que je gagne le premier combat pour les remercier », a expliqué Popole Misenga. « J'ai réussi mon entrée. J’ai lutté et gagné un combat ; je me suis battu avec le champion du monde et il n'a pas réussi à me projeter, » a affirmé le Judoka Congolais.

« Je pense qu'il a fait quelque chose d'héroïque, » a déclaré son entraineur, Geraldo Bernardes - le retraité entraîneur de quatre équipes Olympiques brésiliennes - qui a surveillé Misenga, et sa compatriote réfugié Yolande Bukasa, et qui les avait recueillis traumatisés et sans un sou. « C'est déjà une très grosse performance qu'a réalisé le Congolais, » a-t-il dit.

Selon lui, bien que défait, le combat de Misenga est remarquable puisque Gwak « a un jeté très dur. Tout le monde respecte et craint sa technique de projection. Mais il n'a pas réussi à le faire sur Popole ».

Par ailleurs, à l’issue de ce dernier combat, Popole Misenga a eu droit aux honneurs de toute la presse internationale. Le judoka congolais est resté plus d’une heure dans la zone d’interview !

« C’est le combat de toute ma vie. »

Yolande Bukasa Mabika luttant et défaite par l'israélite Linda Bolder lors de la phase des éliminatoires. (©Toru Hanai/Reuters)

Bien que du côté de Yolande Bukasa, sa compatriote congolaise qui participe aussi aux Jeux de Rio sous la bannière des réfugiés, l’expérience olympique ne fut pas des plus heureuses puisqu’elle perd d’entrée de jeu au premier tour face à l’Israélite Linda Bolder, classée 11ème mondiale et qui se fera éliminer en ¼ de finale.

Nos deux exilés, concourant sous l’égide du CIO, sont sortis du tatamis rayonnants et fiers de leurs parcours. De l’horreur de la guerre en République démocratique du Congo, en passant par des conditions cruelles d’abandon et de débrouillardise dans un pays inconnu, jusqu’aux Jeux Olympiques. « Ces combats ne sont juste à propos du judo », a déclaré Yolande Bukasa. « C’est le combat de toute ma vie. »

L’athlète congolaise dit espérer que sa famille en RDC a pu partager son bonheur - mais n'a aucun moyen de le savoir. « S'ils sont vivants, s'ils m'ont vu, [mon message est] qu’ils me manquent vraiment, » a-t-elle déclaré. « Ma famille est devenue ce peuple brésilien qui a acclamé pour moi ».
Du passé obscur à un avenir plein d’espérance…

Après ce combat crédible, notamment par ses parades faces aux assauts répétés et impressionnants du Coréen Gwak Dong-Han, pas question pour Popole Misenga de se relâcher mais plutôt une envie de franchir un nouveau palier inspiré par ce combat.

Toujours en sueurs suite à sa joute, Popole Misenga a posé un défi pour lui-même - et aux réfugiés de par le monde. « Je veux devenir plus fort pour défier à nouveau le champion du monde, » a-t-il dit. 

« Je voudrais envoyer un message aux enfants congolais ainsi qu’aux réfugiés : croyez en vous ! » 

Après tant de souffrances et de labeurs, les Jeux olympiques ont ouvert une porte pour un nouvel avenir à ces réfugiés venus de la RDC.