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Femme

En RDC, au Burkina, au Pérou, à Gaza, «la contraception est encore moins bien acceptée que les avortements»

2016-03-03
03.03.2016 , Kinshasa
Santé / Société
2016-03-03
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http://www.mediacongo.net/dpics/filesmanager/actualite/2016/femmes_16_002.jpg Kinshasa-

Quatre études de Médecins du monde dans ces pays révèlent les déterminants des grossesses non désirées et des avortements. Explications d'une anthropologue.

Plus de vingt ans après la conférence du Caire, qui consacrait les droits reproductifs comme droits humains fondamentaux, les avortements à risques entraînent toujours le décès de 47 000 femmes chaque année. C’est l’une des principales causes de la mortalité maternelle.

En 2015, Médecins du monde et le Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (Lasdel) ont conduit quatre études anthropologiques au Burkina Faso, en République démocratique du Congo (RDC), au Pérou et en Palestine (Gaza). L’anthropologue Magali Bouchon a participé à la réalisation de ces études, qui visent à identifier les déterminants sociaux, culturels et communautaires des grossesses non désirées et des avortements dans ces quatre zones, notamment au sein de la tranche d’âge 15-24 ans.

«Les méthodes abortives sont assez violentes, allant de l’introduction directe d’objets dangereux dans le corps féminin à la consommation par les jeunes femmes de mélanges très toxiques, lit-on dans l’étude consacrée à Kinshasa. En général, le risque pris pour l’avortement est très élevé et traduit la contrainte sociale qui engage le sujet dans cette entreprise.» Les résultats de ces travaux sont présentés ce jeudi lors d’un colloque à Paris. Interview.

Pourquoi avoir choisi ces quatre zones ? 

Ce sont des pays où l’avortement est illégal et où l’accès à la contraception est au minimum compliqué. Ce sont des zones urbaines, jeunes (les 15-24 ans représentent environ 20% de la population), des villes denses avec une forte promiscuité, un manque d’accès aux services de base, des migrations, des conflits… Des zones hétérogènes avec une forte influence de la religion. Gaza par exemple, est régi par le droit islamique. Et dans les quatre zones existent des violences liées au genre. Il y a les violences sexuelles en République démocratique du Congo, un machisme profondément ancré au Pérou…

Quels enseignements transversaux en avez-vous tiré ?

En théorie, de nombreuses méthodes de contraception sont disponibles dans ces pays, gratuites ou non. Mais en réalité, une série de difficultés rendent ces contraceptifs presque inaccessibles. Au Pérou, la pilule du lendemain n’est accessible que dans les pharmacies, sur prescription médicale, et payante. En RDC, les femmes doivent avoir l’autorisation de leur mari, ou de leurs parents si elles sont mineures, pour utiliser un contraceptif. Les études ont également souligné le manque de formation du personnel médical, des structures de soin trop peu nombreuses et trop éloignées… Il y a des dysfonctionnements dans les structures, des soins de mauvaise qualité, un manque de confidentialité dans les échanges… Tout ça, ce sont des obstacles.

Quels types de contraception utilise-t-on au Burkina Faso, en RDC, à Gaza et au Pérou ?

Il y a des méthodes traditionnelles, comme le collier de cycle, qui permet aux femmes, qui n’ont pas toujours une bonne représentation de leur corps, de visualiser leurs cycles menstruels. On peut vraiment trouver toutes les méthodes : hormonales, chimiques, préservatif… Mais en réalité, les possibilités sont souvent limitées pour cause de rupture de stock. Il faut alors se tourner vers le privé, pour des moyens payants. La planification, ça veut dire anticiper, prévoir sa vie, et c’est très éloigné des pratiques induites par la précarité.  

Capture d’écran d’une brochure sur le Collier de cycle.

Les études citent de nombreux professionnels de santé qui véhiculent des messages erronés - tel type de contraception va rendre fertile, par exemple.

On le voit sur de nombreux sujets, et c’est même un combat d’anthropologue : une grosse part des obstacles vient souvent des professionnels eux-mêmes, et non de l’ignorance des femmes. Les soignants véhiculent énormément de normes morales, préconisant l’abstinence, encourageant la fécondité après le mariage. Ces normes sont forcément répercutées sur la qualité des soins. Les soignants ne sont pas au fait des nouvelles techniques, des contraceptifs et des soins post-avortements, et continuent de pratiquer des curetages pour les avortements, alors que l’Organisation mondiale de la santé préconise l’aspiration manuelle. Eux-mêmes charrient beaucoup de rumeurs et de représentations négatives sur les contraceptifs.

Quelle latitude reste-t-il aux filles et aux femmes ?

Déjà, pour avoir accès à un contraceptif, il faut le vouloir, dans des pays où il y a une équivalence entre fécondité et féminité. Ensuite, il faut savoir comment faire, face à un manque cruel d’information. Enfin, il faut le pouvoir, dans ces pays où il y a une asymétrie très forte dans les relations de genre. Même si elles le veulent, elles ne peuvent pas forcément. Le pouvoir des hommes, des soignants, de la religion, empêche les femmes de disposer de leur corps. En plus, à l’inverse de la vision occidentale de planification, les enfants sont vus comme une assurance générationnelle. Dans ces sociétés, avoir un enfant reste un placement. Et ne rien faire pour éviter une grossesse, accepter son enfant même si on ne le désire pas, apparaît souvent comme la solution la plus simple. 

Que disent les hommes ?

C’est l’autre grand déterminant transversal dans nos études : ce sont des pays où les hommes ont la latitude de ne pas se soucier des conséquences de leur sexualité. Le tout avec pas mal d’ambivalence dans leurs réponses. Ils ne sont pas forcément contre la contraception, mais ils ne veulent pas que leur femme y ait recours. Ils exercent une forme de contrôle de la sexualité de leur partenaire par la fécondité. 

Quelles sont les conséquences ?

Ça pousse les femmes à adopter des stratégies de contournement, qui peuvent avoir d’énormes conséquences, sanitaires notamment. Les grossesses non désirées entraînent une réprobation très forte de la famille. Les naissances hors mariage isolent la femme, qui n’est alors plus soutenue par son partenaire ou par sa famille. Cela peut conduire à des avortements à risques, dans des cliniques clandestines, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques et à long terme sur la santé de la femme. Pourtant, nos études montrent que la contraception est moins bien acceptée encore que les avortements : l’avortement est vu comme un accident, tandis que la contraception est considérée comme la planification de ses désirs. Dans ces pays où il est pourtant illégal, l’avortement, plus ou moins à risques, est pratiqué. Tant qu’on ne mettra pas la chose publiquement à débat, on continuera à perpétuer cette inégalité des genres dans le droit à disposer de son corps.

Quel rôle jouent les religions, très présentes dans les études ?

Parce qu’elles édictent des valeurs comportementales, les normes religieuses restreignent la capacité d’agir des femmes. Les religions promeuvent le fait que les seuls objectifs des comportements sexuels sont la fécondité et la maternité. La contraception pose la question d’une sexualité du plaisir : c’est en contradiction avec les normes religieuses. Et dans ces communautés, on met en rapport des conduites sexuelles et des normes morales. A Gaza, par exemple, on est obligé de parler d'«espacement des naissances», plutôt que de «limitation des naissances», qui ne passe pas du tout. On joue sur les mots…

Y a-t-il des spécificités liées à un pays en particulier ?

Il y a surtout des déterminants plus ou moins forts selon les zones. Mais c’est compliqué de répondre à ça, parce qu’il est très difficile d’obtenir des statistiques dans certains pays. Gaza, par exemple, ne dispose pas de taux de grossesses non désirées, ni de chiffres sur l’avortement. C’est symptomatique du caractère très sensible de la question. C’est problématique de parler de grossesses non désirées, parce que théoriquement, elles n’existent pas.

Quelle est la responsabilité des autorités politiques ?

Elle est très forte, évidemment. Ce sont les décideurs qui vont influencer le corpus législatif sur la contraception et l’avortement. Leur rôle n’est pas seulement de faire des lois, mais de changer les représentations sociales, de changer la perception de ces questions dans la société. Les politiques publiques doivent aider la société civile à porter cette évolution collective des consciences. Les femmes font face à une multiplicité de barrières - sociales, religieuses, économiques, culturelles… - qui resteront tant qu’on n’avancera pas globalement sur l’inégalité de genres.


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