En RDC, l'ONU accuse Kahwa et Lubanga de servir de pont entre les groupes armés Zaïre et M23

Dans son rapport à mi-parcours sur la République démocratique du Congo (RDC), parvenu à buniaactualite.cd, le groupe d’experts des Nations unies a apporté certaines révélations accablantes sur les rôles de Thomas Lubanga et Yves Kahwa dans le renforcement des liens entre les groupes armés Zaïre en Ituri et le mouvement du 23 mars.

Organisation, mobilisation et alliance du groupe Zaïre avec la coalition Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars

Organisation

Le groupe Zaïre a commencé à se faire appeler « Auto-défense des communautés victimes de l’Ituri » (ADCVI)84. En mai et juin 2024, il a intensifié le recrutement (S/2024/432, par. 150) et formé des milliers de combattants (voir par. 83 plus bas). Il s’est doté de matériel militaire et de camionnettes et bateaux militarisés, augmentant ainsi ses moyens d’intervention sur le lac Albert 85. Il a mis en place une capacité de surveillance aérienne en déployant de petits drones commerciaux.

Bien qu’il continue à se présenter comme un groupe d’autodéfense (S/2022/479, par. 101 ; et S/2024/432, par. 149 et 150), c’est lui qui a provoqué par ses attaques la Coopérative pour le développement du Congo/Union des révolutionnaires pour la défense du peuple congolais (CODECO/URDPC), une organisation rivale, et pris de plus en plus pour cible les FARDC et la Police nationale congolaise

Recrutement et formation

Le groupe Zaïre/ADCVI a lancé une campagne de recrutement massif dans toutes les communautés du « G5 » dans les territoires de Djugu, Mahagi et Aru (S/2023/990, par. 76 et 77).

Les anciens chefs et combattants expérimentés de l’Union des patriotes congolais (UPC) 90 ont été rappelés91. Le groupe Zaïre/ADCVI a également recruté dans les camps de personnes déplacées en Ituri.

Plusieurs milliers de combattants ont été formés dans des centres de formation en Ituri, dans le centre de formation de la coalition AFC-M23 à Tchanzu (S/2024/432, par. 152) et en Ouganda.

En Ituri, il y a eu de grands camps d’entraînement à Bini, dans la chefferie de Mambisa, sous la direction du commandant du groupe Zaïre/ADCVI, Baraka Amos Maki (voir par. 98 à 103 plus bas et S/2024/432, par. 167 à 170), et à Bua, dans la chefferie de Bahema Banywagi, près de Tchomia, sous la direction du commandant du groupe Zaïre/ADCVI, Mandro Saliko95. Des recrues ont également été formées à
Mabanga, Katoto, Nzebi, Dhego, Berunda et Bua, dans le territoire de Djugu.

Les personnes formées à Bini ont dit que la plupart des formateurs étaient d’excombattants de l’UPC. Ils ont également mentionné la rotation d’instructeurs militaires en provenance de l’Ouganda et du Rwanda 97. La formation à Bini (tactiques de combat de base, camouflage et maniement des armes) a duré un mois.

Certaines recrues ont reçu une formation avancée en artillerie (voir annexe 46). À l’issue de leur formation, les combattants ont reçu une carte d’identification, imprimée à Bini (voir annexe 47). Puis, ils ont été envoyés à Berunda pour recevoir des uniformes et sont retournés chez eux attendre leurs ordres de mobilisation.

Fin septembre, les camps d’entraînement de Bini et de Bua ont été attaqués et détruits par les FARDC. À cette date, le camp de Bini avait déjà formé plus de 3 000 combattants 100.

On trouvera à l’annexe 48 des informations supplémentaires sur la formation des combattants du groupe Zaïre/ADCVI et du Mouvement d’autodéfense populaire de l’Ituri (MAPI) au centre de formation de la coalition AFC-M23 à Tchanzu.

Alliance Fleuve Congo-Mouvement du 23 mars et objectifs du groupe Zaïre en Ituri

Le groupe Zaïre/ADCVI a renforcé son alliance avec la coalition AFC-M23 en vue de mener des attaques contre les FARDC en Ituri. Avec le soutien de la coalition AFC-M23, le groupe Zaïre/ADCVI a élaboré une stratégie globale, repérant les zones d’opérations, les bases opérationnelles, les itinéraires de transit des armes et les mouvements de troupes sur le lac Albert depuis l’Ouganda, en prévision d’un assaut de grande envergure.

La coalition AFC-M23 a maintenu son intention de rallier tous les groupes armés de l’Ituri à sa cause (S/2024/432, par. 152). Ces derniers mois, Nangaa et d’autres représentants de la coalition AFC-M23 ont pris contact avec des chefs de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) et de la CODECO-URDPC102.

La vision de développement économique et de réconciliation de la coalition AFC-M23 en Ituri, promettant l’égalité des chances pour toutes et tous, en particulier pour les communautés marginalisées telles que les Lendu et les Ngiti, a été accueillie avec
grand intérêt

Au moment de la rédaction du présent document, la FRPI et la coalition AFCM23 étaient en cours de négociation104. La CODECO-URDPC, adversaire de longue date du groupe Zaïre et généralement considérée comme le principal obstacle à la prise de contrôle rapide de l’Ituri par la coalition AFC-M23, a également été contactée par l’Alliance Fleuve Congo. Celle-ci reste convaincue qu’une promesse d’alliance entre les Ngiti et la FRPI persuaderait la CODECO-URDPC, dominée par les Lendu, de les rejoindre

Des chefs faisant l’objet de sanctions s’allient avec la coalition Alliance Fleuve Congo-Mouvement du 23 mars

Thomas Lubanga Dyilo (CDi.007) et Yves Khawa Panga Mandro (CDi.009), visés par des sanctions, ont joué un rôle clé dans le renforcement de la collaboration entre la coalition AFC-M23 et le groupe Zaïre/ADCVI (S/2024/432, par. 152).

Agissant en tant qu’« autorités morales » du groupe Zaïre/ADCVI, ils ont facilité le recrutement et la formation et organisé le déplacement des combattants du groupe à Tchanzu, pour l’entraînement, et le redéploiement en Ituri. Innocent Kaina, alias India Queen (CDi.004), actuellement un commandant influent du M23, a travaillé en étroite collaboration sur ces questions avec Lubanga, à Kampala.

Ces trois personnes visées par des sanctions ont toutes été vues à Kampala depuis juillet 2024. Lubanga a quitté l’Ituri en juillet et s’est installé à Kampala, où il a rencontré Corneille Nangaa au moins une fois.

La ferme d’Yves Kahwa dans le district de Hoima, en Ouganda, près du lac Albert, a servi de point logistique et de transit aux combattants du groupe Zaïre en Ituri, dont certains qui, au moment de la rédaction de ce rapport, revenaient de la formation à Tchanzu et étaient basés au lac Albert, côté ougandais, prêts à se rendre en Ituri pour combattre110. En juin et juillet 2024, Khawa a facilité le transfert d’armes et de munitions aux combattants du groupe Zaïre/ADCVI (S/2022/967, par. 88) ainsi que la formation au camp de Berunda

En réponse aux questions du Groupe d’experts concernant la présence et les activités récentes à Kampala de ces personnes visées par des sanctions, le Gouvernement ougandais a affirmé ne pas être au courant de leur présence sur le sol ougandais.

Des chefs du groupe Zaïre, le « général » Logo Marine 113 et Baraka 114 (voir par. 98 à 103 plus bas), se sont également souvent rendus en Ouganda. Marine s’est installé à Kampala, travaillant en étroite collaboration avec Lubanga. Il s’est rendu au Rwanda et à Bunagana, en République démocratique du Congo, pour rencontrer les représentants de la coalition AFC-M23115, et a facilité la formation à Tchanzu des
éléments du groupe Zaïre.

Fin juillet 2024, Lubanga a envoyé des représentants en Ituri pour réconcilier le MAPI et le groupe Zaïre/ADCVI, fusionner les deux factions 117 (S/2022/967, par. 87 à 91 ; et S/2023/431, par. 113 à 117) et les rapprocher de la coalition AFC-M23. Bien que les chefs du MAPI aient décidé de conserver leur indépendance, le MAPI et le groupe Zaïre/ADCVI ont accepté de collaborer avec la coalition AFC-M23. Le porteparole du MAPI, Benjamin Bahati, a rejoint la coalition AFC-M23 à Bunagana (voir
annexe 49).

Cette mobilisation et collaboration à grande échelle avec la coalition AFC-M23 s’est accélérée depuis août 2024, des réunions fréquentes ayant eu lieu dans divers endroits en Ouganda.