L'Organisation mondiale de la santé a annoncé officiellement, ce samedi 9 mai, la fin de l'épidémie d’Ebola au Liberia. La dernière victime du virus a été enterrée il y a exactement 42 jours, soit deux cycles d'incubation complets. Durement touché humainement, économiquement et psychologiquement, le pays mettra du temps à se relever.
Le Liberia est donc officiellement débarrassé du cauchemar de l'épidémie d'Ebola. Suite à l’annonce officielle de l’Organisation mondiale de la Santé, le docteur Bruce Aylward, adjoint au directeur général de l'OMS à Genève, en Suisse, évoque les raisons qui ont permis de bien lutter contre la maladie.
« La raison pour laquelle nous pouvons dire que le Liberia n’est plus touché par Ebola, c’est une combinaison entre, tout d’abord, le facteur temps. Il s’est écoulé 42 jours entre aujourd’hui et le décès, puis, l’incinération du dernier cas infecté par le virus Ebola. Cela correspond au double de la période d’incubation de la maladie. Grâce à cette longue période d’incubation, il y a la vigilance observée pour détecter tout autre cas suspect dans le pays, et il n’y a pas eu de cas de transmission depuis. Nous avons la certitude que l’épidémie est terminée », a-t-il affirmé à RFI.
« Le Liberia ne connaît plus Ebola en raison également de la mise en œuvre d’un programme de lutte contre l’épidémie mené ces neuf, voire, douze derniers mois. Les autorités ont été réactives lorsque de nombreux cas ont été détectés. Elles se sont assuré que les corps des malades décédés étaient correctement inhumés. Elles ont fait en sorte d’avoir suffisamment de lits pour isoler les cas suspects. Mais l’action la plus déterminante a été notée en janvier, lorsque les agents de santé ont traqué chaque cas potentiel et ont surveillé toutes les personnes en quarantaine. C’est ce qui a permis de bien lutter contre la maladie », a ajouté le docteur Bruce Aylward, adjoint au directeur général de l'OMS, à Genève, en Suisse.
Paradoxalement, c'est peut-être l'ampleur du désastre qui a sauvé le Liberia, aujourd'hui officiellement débarassé du virus. A l'été 2014, le virus atteint Monrovia, la capitale, où vit une grande partie de la population. Dès lors, c'est l'explosion. Le virus tue à grande échelle et le crématorium municipal brûle des corps par dizaines chaque jour. Des gens meurent dans la rue, les centres de traitement saturés refoulent des malades, les soignants sont décimés et les hôpitaux ferment les uns après les autres.
Pour Brice De Le Vingne, directeur des opérations pour Médecins sans frontières, cette violence de l'épidémie a entraîné « une prise de conscience brutale ». Selon lui, les habitants ne pouvaient plus être dans le déni et devaient appliquer les mesures d'hygiène. La flambée du mois d'août 2014 a également entraîné une réponse massive de la communauté internationale. Mi-septembre, Barack Obama a décidé d'envoyer 3 000 militaires au Liberia notamment pour construire des centres de traitement.
Pour Brice de Le Vingne, la réponse américaine toutefois a été trop tardive car les équipements n’ont ouvert que fin 2014 alors que la crise s'apaisait. Néanmoins, selon lui, l'annonce de Washington a quand même servi à stimuler l'intervention humanitaire internationale. Et même si le gouvernement a été paralysé un temps, il a réussi à coordonner l'action des partenaires pour éviter l'anarchie. « Il a été transparent, professionnel et n'a pas politisé l'épidémie » se félicite Brice de Le Vingne.
Un impact considérable
Outre le bilan très important en pertes humaines (au moins 11 000 morts dont 4 716 au Liberia), l’épidémie a eu un très fort impact sur l’économie de ce pays qui fait partie des plus pauvres de la planète. Entre la fermeture des frontières et la fuite des investisseurs, le Liberia a en effet perdu 250 millions de dollars de PIB. La réouverture des frontières mi-avril a cependant soulagé le pays, si bien que sa croissance devrait atteindre, selon la Banque mondiale, les 3% en 2015. Reste à espérer que les promesses de financement de la communauté internationale (le Libéria, la Guinée et Sierra Léone ont demandé une aide de 8 milliards de dollars) soient tenues.
Cette reprise économique ne sera pas de trop en tout cas car il faut reconstruire le système de santé du pays. Ebola a décimé le personnel soignant et entraîné la fermeture des hôpitaux. Une partie a rouvert mais l'urgence désormais, c'est de « trouver du personnel formé », comme l’explique le Dr Margaret Harris, porte-parole de l'OMS. Des professionnels étrangers travaillent ainsi dans divers services, pour assurer une continuité des soins et former les locaux.
Le Liberia va également devoir gérer les cas des survivants d'Ebola. Ils sont par exemple des milliers à souffrir de problèmes auditifs, oculaires et articulaires. MSF a déjà créé des clubs de patients pour leur apporter un soutien psychologique et des soins. Autre défi, et non des moindres : rétablir la confiance au sein d’une société encore sous le choc. Ebola a entraîné la méfiance, la stigmatisation, le rejet des voisins, des amis, parfois des proches. Un traumatisme qui, lui, n'est pas près de disparaître.